Images de page
PDF
ePub

» L'article 1109 du Code civil, porte qu'il n'y a pas de consentement valable, si le consentement a été donné par erreur, ou s'il a été extorqué par violence, ou surpris par dol,

» Art. 1112. Il ya violence, lorsqu'elle est de nature à faire impression sur un homme raisonnable, et qu'elle peut lui inspirer la crainte d'exposer sa personne, ou sa fortune, à un mal considérable et présent.

» On a égard, en cette matière, à l'âge, au sexe, et à la condition des personnes.

» La cause ne présente aucun fait qui pût faire sur l'ame de LéonFrançois Picot, ancien militaire, une impression suffisante pour l'obliger à faire des choses contre sa propre volonté.

2

» La lettre écrite à l'huissier par Jean-Baptiste Picot, ne contient pas quelque chose qui ait pu inspirer de la crainte à l'homme ferme, puisqu'il lui disait simplement de lui écrire, aussitôt qu'il aurait signifié l'acte pour qu'il pût ́prendre d'autres mesures; qu'il avait un avocat que les représentans lui avaient donné, et même l'agrément de venir de l'armée, pour l'exécution de sa reconnaissance, vers son père; mais cette lettre qui était pour l'huissier uniquement, n'a pu donner quelque appréhen¬ sion à Léon-François Picot, qui pouvait repousser cette action, comme étant prohibée par la loi.

>> Les circonstances du tems, ni la présence d'un représentant, n'étaient pas, non plus, suffisantes pour qu'un homme courageux dût avoir peur : l'événement l'a bien justifié, puisque Léon-François Picot n'éprouva au¬ cuns désagrémens.

» Ce qui prouve bien que la reconnaissance ne fut pas le fruit de la crainte, c'est c'est que Léon-François Picot a vécu, depuis lors, neuf ans, sans s'en plaindre, ce qu'il n'aurait pas manqué de faire, si elle ne fût émanée de sa propre volonté; car ce n'est que quelque tems avant sa mort, qu'il l'a révoquée dans son testament, et par conséquent la nullité fondée sur la violence et la crainte, doit être rebutée. »

Sur le pourvoi en cassation contre cet arrêt, M. Pons, substitut du procureur général impérial, dit, dans ses conclusions, qu'avant la loi du 12 brumaire an 2, la recherche de la paternité étant permise, tout homme pouvait être poursuivi en reconnaissance d'un enfant naturel ; que si, pour éviter le scandale d'un pareil procès, il transigeait, il n'entendait pas transmettre à l'enfant qu'il reconnaissait, des droits sur sa

succession; qu'ainsi la cour de cassation avait décidé, plusieurs fois, que de semblables reconnaissances n'étaient point efficaces; mais que, sous l'empire de la loi du 12 brumaire an 2, qui avait interdit toute recherche de paternité, celui qui, sur des poursuites auxquelles il pouvait se soustraire, avait reconnu un enfant naturel, était supposé s'être décidé avec réflexion et avec entière liberté, et avoir eu par conséquent l'intention. que cet enfant profitat du bénéfice des lois nouvelles.

La cour de cassation, après un délibéré en la chambre du conseil, a rejeté le pourvoi, par arrêt du 6 janvier 1808, motivé ainsi qu'il suit:

<< Considérant, dans le fait, que c'est après la publication de la loi du 12 brumaire an 2, que Léon-François Picot a reconnu pour son fils naturel, Jean-Baptiste Picot ; en droit, que, depuis la publication de cette loi de brumaire, nul n'a pu être contraint à reconnaître un enfant naturel qu'il ne jugeait pas à propos d'avoner, et que toutes poursuites tendantes à la recherche de la paternité, ont été illégales et nulles; qu'il suit de' là qu'en souscrivant la reconnaissance dont il s'agit, Léon-François Picot a fait un acte auquel il pouvait se refuser, malgré les poursuites dirigées contre lui, et par une conséquence nécessaire, qu'il est présumé avoir agi librement, rejette, etc. »

Il ne faut pas conclure cependant de cet arrêt, que, depuis la publication de la loi du 12 brumaire an 2, toutes les reconnaissances d'enfans naturels aient été nécessairement volontaires et libres, ou doivent être présumécs telles. Il est possible qu'il y en ait qui, au milieu des orages de la révolution, aient été extorquées par violence, ou arrachées par une crainte majeure, et sans doute celles-ci ne pourraient être réputées volontaires.

V. Il nous reste à rapporter deux arrêts qui ont déclaré insuffisantes des reconnaissances faites par transactions sur procès, sans qu'il y eût aucune des circonstances graves qui se rencontrent dans les espèces pré cédemment exposées.

André Rottiers est condamné par le grand conseil de Flandre, à fournir des alimens à un enfant né d'Isabelle d'Hout.

En 1783, transaction entre les parties: Rottiers se charge d'entretenir l'enfant, et il meurt, le 19 pluviose an 13.

L'enfant nature! réclame le bénéfice de l'art. 757 du Code.

Jugement du tribunal de Gand, ainsi conçu :

Considérant que cette transaction porte entre autres : « comme le con

t

parant, ainsi que- ladite Isabelle d'Hout, craignant des procès ultérieurs, ils sont convenus, par rapport aux sentences rendues entre parties, de la manière suivante, savoir: que lui, premier comparant, doit prendre vers lui, et alimenter le prédit enfant, et le reconnaît pour le sien, et le devra entretenir, conformément à ladite sentence; »

>> Qu'il résulte de cette clause, ainsi que du contrat ultérieur de ladite transaction, que ce ne fut qu'après des poursuites judiciaires, tant devant l'officialité de Malines, que devant le conseil en Flandre, que les parties se sont rapprochées pour faciliter l'exécution des jugemens rendus à charge dudit Rottiers, et que la crainte seule de rencontrer des contestations ultérieures, fait le seul et unique motif de leur transaction;

» Que, suivant l'art. 354 du Code Napoléon, la reconnaissance d'un enfant naturel doit être le résultat d'une conviction pleine et entière, lorsqu'il veut faire jouir son enfant naturel des avantages que le Code Napoléon lui accorde; que, dans le cas dont il s'agit au procès, la volonté d'André Rottiers ne peut être considérée pour un acte spontané, caractère essentiellement requis par la loi, parce qu'il appert évidemment qu'il ne s'est déterminé à faire le sacrifice dans la transaction, que pour éviter des procès ultérieurs.

» Déclare l'enfant naturel non recevable et mal fondé dans sa demande. >>

Sur l'appel, la première scetion de la cour de Bruxelles a rendu, le 20 juillet 1807, un arrêt qui confirme le jugement du tribunal de Gand, et par les mêmes motifs.

Dans l'espèce que nous allons rapporter, portant reconnaissance de l'enfant naturel.

il y avait deux transactions

La fille Manchouart qui était au service du sieur d'Haudoire, étant devenue enceinte, fit sa déclaration de grossesse, le 14 mars 1768, et y désigna le sieur d'Haudoire comme père de l'enfant qu'elle portait dans

son sein.

Le même jour, le sieur d'Haudoire, encore mineur, souscrivit, avec l'assistance de son curateur, un acte notarié par lequel il reconnut que la fille Manchouart était enceinte de ses œuvres, s'obligea à lui somme déterminée, outre les frais de couches, et s'engagea à faire nourrir et élever l'enfant.

payer une

Il fut déclaré dans l'acte que les parties le consentaient pour terminer toutes contestations mues et à mouvoir, à l'occasion de la grossesse de la fille Manchouart.

Cependant il ne paraît pas qu'aucune contestation judiciaire eût encore été mue, lors de cet acte.'

[ocr errors]

Le sieur d'Haudoire ne tarda pas à trouver trop pesantes les charges qu'il s'était imposées par le traité du 14 mars 1768, et il demanda la rescision de cet acte, non pas à raison de la reconnaissance qu'il avait faite de sa paternité, mais à cause de l'excès des indemnités qu'il avait promises.

Sur ce procès, autre transaction, en date du 10 novembre 1768, par laquelle furent réduites les indemnités, et dans laquelle aussi fut accordée au sieur d'Haudoire la permission de placer sa fille naturelle aux enfans trouvés sous l'obligation de la représenter, à toutes réquisitions de la mère.

Le sieur d'Haudoire étant décédé en l'an 12, sa fille naturelle réclama part dans sa succession.

Son état fut contesté, et la cour d'appel d'Amiens la débouta de, sa demande, par les motifs que les deux transactions ne contenaient pas une reconnaissance libre et spontanée.

[ocr errors]

La fille naturelle s'étant pourvue en cassation, soutint, 1°. que la première transaction avait été bien libre et volontaire, puisqu'elle avait été faite avant toute contestation ; 2°. qu'elle avait été pleinement confirmée par la seconde qui avait eu pour objet, non pas une réclamation contre la reconnaissance de paternité, mais une simple réclamation sur la quotité des indemnités promises.

[ocr errors]

Le 5 août 1807, la section civile de la cour de cassation, a rendu un arrêt solennel, après un délibré en la chambre du conseil, qui rejette le pourvoi.

Voici les motifs de cet arrêt, qui doivent servir à fixer définitivement la jurisprudence dans cette matière.

[ocr errors]

« Considérant que la reconnaissance d'un enfant naturel doit être libre et spontanée, pour opérer en sa faveur les effets et lui attribuer les droits établis par les art. 756 et 757 du Code civil; - Attendu que la cour d'appel d'Amiens n'est contrevenue à aucune disposition de la loi, en jugeant, 1o. qu'un aveu de paternité de la part d'un mineur assisté de son curateur, provoqué en 1768 par une déclaration de grossesse, avec indication du nom du père, et contenu dans une transaction antérieure à l'accouche

ment, laquelle annonce des contestations élevées, et qui porte essentiellement sur des indemnités pour la mère, ne présente point le caractère d'une intention et a'une volonté libres et spontanées, telles que l'exige la loi; 2°. que cet" aveu renouvelé dans une transaction subséquente sur procès mu et élevé sur l'exécution de la première transaction, avec stipu lation de la faculté de placer l'enfant dans un hospice, présente encore moins ce caractère de liberté et de spontanéité, requis, rejette, elc. »

[merged small][ocr errors]

Reconnaissances faites par transactions, avant poursuites judiciaires.

1. Marie Druet était au service de Gilbert de Véronne, lorsqu'elle devint

[merged small][ocr errors]

Le 20 juin 1774, il fut fait entr'eux une transaction en çes termes : « II est reconnu que ladite Marie Druet est enceinte du fait et commerce charnel qu'elle a eu avec ledit Gilbert de Véronne, et pour éviter le scandale public, et pourvoir au gouvernement de ladite Marie Druet et à la conservation du posthume dont elle est enceinte, il est convenu et arrêté que ladite Druet sortira de la maison de Gilbert, le 24 juin 1774, qu'elle promet nourrir et entretenir l'enfant jusqu'à 14 ans ; que, jusqu'à cet âge, Gilbert fournira une pension viagère de douze boisseaux de blé sur la tête de la mère et de l'enfant, plus huit boisseaux sur l'enfant en particulier, et qu'il comptera sur-le-çhamp 150 liv. d'argent, pour frais de gésine et pour tous dédommagemens, récompenses, dommages et intérêts, »>

Le 23 septembre suivant, l'enfant fut inscrit sur les registres de baptême, sous le nom de Pierre-Jean, fils de Gilbert de Véronne. Depuis lors, Gilbert ne le reconnut jamais pour son fils, d'une manière il lui fournit seulement quelques sommes d'argent, pour ap~ prendre le métier de tailleur et pour se marier.

expresse

Gilbert étant mort, le 9 thermidor an 11, l'enfant naturel réclama des droits dans la succession; mais on lui, opposa que la transaction du 20 juin 1774, ne contenait pas un consentement libre et volontaire, que Gilbert mayait souscrit cette transaction, que pour éviter des poursuites judiciaires et le scandale public, et pour faire sortir la Druet de sa maison ; mais qu'il n'avait pas eu en vue la reconnaissance de l'enfant ; qu'il avait moins encore entendu lui accorder les avantages que l'enfant réclamait,

« PrécédentContinuer »