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On a dit encore, cu faveur de cette opinion, que, dans tous les tems, on a regardé comme né, l'enfant simplement conça, chaque fois qu'il était avantageux pour lui d'être au nionde; que le droit romain renfermait plusieurs lois positives sur ce point, et qu'elles ont été fondues dans le Code Napoléon; que l'art. 925 déclare capable de succéder, celui qui est conçu, à l'ouverture de la succession; que l'art. 906 déclare également capable de recevoir, soit par donation, soit par testament, celui qui est simplement conçu, pourvu qu'ensuite il naisse viable; qu'ainsi, avant sa naissance, l'enfant naturel peut recueillir, comme le légitime, et que devant être également réputé né, lorsqu'il y va de son intérêt, il en resulte qu'il est, même avant sa naissance, capable d'être reconnu par ses père et

mère.

M. Giraud, substitut de M. le procureur général à la cour de cassation a embrassé l'opinion contraire, et voici comment il l'a développée dans ses conclusions, sur l'affaire jugée par l'arrêt du 5 août 1807, que nous avons précédemment rapporté.

«Au premier coup d'œil, a dit ce magistrat, la question peut paraître frivole, et la première idée qui se présente, c'est qu'une déclaration antérieure à la naissance, ne diffère, en rien, de la déclaration qui la suit.

Cependant une raison pour soutenir la négative de cette question, se tire du texte même de l'art. 554 du Code civil, ainsi conçu la reconnaissance d'un enfant naturel sera faite par un acte authentique, LORSQU'ELLE NE L'AURA PAS ÉTÉ dans son acte de naissance.

Le Code n'admet donc la reconnaissance par acte authentique, que pour suppléer celle qui n'aurait pas été faite dans l'acte de naissance; mais il ne l'admet pas pour prévenir et rendre superflue celle-ci, qu'il a soin, au contraire, de placer en première ligne.

Et telle a dû être l'intention du législateur.

Lorsque le Code a permis, sous certaines conditions, la reconnaissance des enfans nés hors mariage, ça été une espèce de transaction entre la loi sociale et la loi de nature.

On s'est déterminé à cette transaction, par l'intérêt qu'inspiraient ces enfans, ces êtres infortunés, fruits des erreurs de leurs parens, et c'est uniquement en leur faveur, et non en faveur de leur mère.

Or, un homme, à l'instant qu'il lui naît un enfant naturel, peut ne pas ressentir encore pour cet enfant une affection telle, qu'il soit, pour ainsi

dire, entraîné malgré lui, à s'en reconnaître le père; mais si, par la suite, cette affection naît dans son ame, par la connaissance des qualités morales de cet enfant, il peut alors le reconnaître pour son fils naturel, et le faire jouir, à ce titre, des droits que la loi y a attachés.

œuvres,

Mais si un hommie, dans l'effervescence d'une passion folle et imprudente, déclare que l'enfant dont une femme est enceinte, est né de ses il doit paraître excité, moins par amour pour le jeune individu qui n'existe pas encore, que par intérêt pour la mère. Si lors de la naissance de cet enfant, ou postérieurement, il ne renouvelle pas sa déclaration, il est bien évident qu'il a été déterminé par un motif bien étranger à l'enfant, et que par conséquent sa première déclaration doit être

écartée.

Dira-t-on qu'il peut être des cas où il est impossible à un père de reconnaître son enfant, dans l'acte de naissance?

s'il n'a pu

Quels sont ces cas? celui de l'absence; mais on sent que, assister à l'acte de naissance de son enfant, il pourra, depuis, reconnaître cet enfant, par acte authentique et séparé.

Est-ce le cas de la mort du père, avant la naissance de l'enfant ?

, par un

Je ne me permettrai pas de décider ce qu'il faudrait prononcer sur la validité d'une reconnaissance faite avant la naissance de l'enfant homme attaqué d'une maladie sérieuse, et qui verrait la mort prochaine; mais ce cas hypothétique n'est pas l'espèce actuelle.

Invoquera-t-on le principe vulgaire : qui in utero est, pro jàm nato habetur, quo iès de commodis illius agitur? Ce principe général n'aurait d'application à l'espèce, qu'autant qu'il n'y aurait pas de loi spéciale qui dirait précisément le contraire: or, une disposition spéciale se trouve dans l'article qui vient d'être cité, puisque cet article n'introduit que deux modes de reconnaissance, et qu'il ne permet le second mode, qu'autant qu'on n'aura pas employé le premier. »

Il est à regretter, sans doute, que la cour de cassation n'ait pas statué sur cette question, par son arrêt; mais la question n'avait été élevée par les parties, ni en la cour, ni devant les premiers juges, et la cour se renfermant dans les moyens de cassation présentés par le demandeur, et ayant décidé qu'ils n'étaient pas fondés sur la loi, a rejeté le pourvoi, sans avoir besoin de s'occuper de la question nouvelle, agitée par le

ministère public. Elle a jugé que la reconnaissance dont il s'agissait, n'était pas valable, parce que cette reconnaissance ne portait pas le caractère d'une volonté libre et spontanée, et ce point admis, il était évidemment inutile d'examiner si la reconnaissance était nulle, pour avoir été faite avant la naissance de l'enfant naturel.

Il n'y a donc aucunes présomptions à tirer du silence que la cour de cassation a gardé sur cette question: rien n'indique quelle aurait été son opinion.

Nous devons encore faire observer que M. Giraud n'a pas poussé la rigueur de ses principes, jusqu'à prétendre que la reconnaissance serait insuffisante, si elle avait été faite avant la naissance de l'enfant, mais par un homme attaqué d'une maladie sérieuse, et qui voyait sa mort prochaine. Il nous semble que, sur ce dernier point, il ne doit pas y avoir de difficulté.

pays

Lorsqu'un homme qui est atteint d'une maladie grave et dangereuse, ou qui se trouve forcé d'entreprendre un voyage de long cours dans des éloignés, déclare, dans un acte anthentique, qu'une femme qu'il désigne, est enceinte de ses œuvres, et qu'il reconnaît être le père de l'enfant qu'elle porte dans son sein, nous n'hésitons pas à nous prononcer pour la validité de cette reconnaissance, si celui qui en est l'auteur, décède avant la naissance de l'enfant, ou s'il meurt avant d'être rentré dans sa patrie, ou s'il n'y rentre qu'après la mort de l'enfant.

Autrement, en effet, il n'aurait eu aucun moyen de s'acquitter envers son enfant, d'un devoir sacré il serait condamné à emporter avec lui le pénible regret d'avoir donné la vie à un malheureux, sans pouvoir lui donner ni son nom ni un état, ni une portion de ses biens, puisque tous ces bienfaits sont attachés à la reconnaissance.

Ce n'est pas là, sans doute, l'intention de la loi. Elle serait injuste et cruelle, si elle contrariait ainsi les plus doux sentimens de la nature, si, malgré la reconnaissance la plus formelle, elle arrachait un enfant à son père, et le père à l'enfant.

Dans le cas même où le père, sans être atteint d'une maladie dangereuse, et sans être forcé à un voyage de long cours, ne se serait déterminé à reconnaître son enfant avant sa naissance, que par la scule crainte d'être surpris par la mort, nous croyons encore que la reconnaissance

devrait être valable, s'il mourait avant que l'enfant fat né. Sa prévoyance aurait été sage et légitime, sa volonté devrait être respectée.

Mais si le père survivait à son enfant, ou s'il était de retour dans sa patrie, avant la mort de l'enfant, dans tous les cas enfin où il lui aurait été pos sible de réitérer la reconnaissance, soit dans l'acte de naissance, soit par un acte postérieur, la reconnaissance faite avant la naissance, et non réitérée, serait-elle suffisante? Tels sont les termes auxquels il nous paraît que doit être réduite la question.

Voyons maintenant si elle a été décidée par quelques arrêts, et comment

elle l'a été.

Elle se présenta dans l'espèce sur laquelle est intervenu l'arrêt de la cour d'appel de Poitiers, du 28 messidor an 12, que nous avons rapportée au IIo.

S.

La reconnaissance avait été faite par une transaction du 20 juin 1774, antérieure à la naissance de l'enfant naturel.

On l'attaqua par deux moyens, 1°. en ce qu'elle avait été faite avant la naissance, et qu'elle n'avait pas été réitérée postérieurement; 2o. en ce qu'elle n'avait pas le caractère d'une volonté libre et spontanée, puisqu'elle était consignée dans une transaction qui avait eu pour objet de prévenir un scandale public et une affaire désagréable. La cour d'appel de Poitiers a adopté ces deux moyens, et les a consignés l'un et l'autre dans son arrêt, comme motifs de sa décision.

Nous avons cité les motifs relatifs au second moyen: voici ceux qui sont relatifs au premier.

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« Considérant qu'il est constant, dans le fait, que Gilbert de Véronne, dont la partie de Fromentin se prétend l'enfant naturel, n'est décédé que depuis la promulgation du Code civil; - Considérant que l'art. 334 du Code, porte que la reconnaissance d'un enfant naturel sera faite par authentique, lorsqu'elle ne l'aura pas été dans son acte de naissance; -Considérant que cet article du Code civil imposait à Gilbert de Véronne l'obligation de reconnaître la partie de Fromentin, depuis la naissance de celle-ci, dès que, dans l'acte de naissance de ladite partie de Fromentin, ledit Gilbert de Véronne n'avait point fait cette recon

naissance. »>

Et à la fin du dernier motif, on voit encore que la reconnaissance devait être faite devant un officier public, ce qui n'a été fait ni danş l'acte de naissance, ni depuis.

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C'est donc bien à tort qu'on a cité cet arrêt, comme ayant décidé que la reconnaissance faite avant la naissance, était suffisante, quoiqu'elle n'eût pas été réitérée postérieurement: il est évident qu'il a décidé précisément le contraire.

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Mais la question a été décidée dans ce sens, par un arrêt de la cour d'appel de Paris, du 25 prairial an 13.

Marchand Péterlon avait fait la reconnaissance, par acte sous seing privé, du 8 floréal an 8, antérieurement à la naissance de l'enfant naturel.

On opposa contre cette reconnaissance, 1°. qu'elle était antérieure à la naissance de l'enfant, et qu'elle ne se trouvait ni dans l'acte de naissance, ni dans aucun autre acte postérieur, conformément à l'art. 334 du Code; 2°. qu'elle n'était pas consignée dans un acte authentique, puisque l'acte du 8 floréal an 8, n'était qu'un écrit sous seing privé.

L'arrêt a déclaré la reconnaissance suffisante, par le motif que l'acte du 8 floréal an 8, était devenu authentique par la reconnaissance publique et solennelle que Marchand Péterlon avait faite en justice, de la vérité des écriture et signature dudit écrit.

Nous examinerons, dans le paragraphe suivant, si ce motif était bien fondé.

Mais toujours, est-il certain que l'arrêt a décidé, en principe, qu'une reconnaissance antérieure à la naissance de l'enfant naturel, était suffisante, puisque, dans l'espèce, il n'y en avait pas d'autre, et que seulement le père avait déclaré en justice, que la reconnaissance antérieure à la paissance, avait été réellement écrite et signée par lui.

La cour d'appel d'Aix a décidé la question in terminis, par arrêt du 10 février 1806, et a jugé expressément que la reconnaissance faite avant la naissance, était suffisante, quoiqu'elle n'eût pas été réitérée postérieurement, et que le père, absolument libre, cût survécu pendant plusieurs

années.

Voici l'espèce sur laquelle est intervenu cet arrêt.

Le 6 novembre 1780, Gabriel Déodaty fait, devant notaire à Marseille, un testament par lequel il déclare « que la demoiselle Oddos est enceinte de ses œuvres, de six mois, qu'il veut que l'enfant ou enfans, mâles ou femelles, dont elle accouchera, soient baptisés du nom du testateur, lui ou leur léguant une pension annuelle, viagère et alimentaire pendant leur

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