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Il n'y a donc d'authentique que l'écriture, ou plutôt l'aveu de l'écriture, mais non pas la déclaration de paternité, qui est précisément la chose sur laquelle l'authenticité doit reposer.

L'erreur qu'on a commise sur ce point, est, sans doute, provenue de ce qu'on a assimilé un acte de déclaration de paternité, à un acte ordinaire. A cet égard, nous répéterons les observations que le ministère public faisait à la cour d'appel de Paris, sur le jugement de première ins

tance.

« Qu'il est affligeant d'y lire des motifs sur la paternité, que l'on est allé chercher dans nos règles sur l'avération des écritures!

Sans doute, un écrit privé reconnu on justice, acquiert l'authenticité; sans doute qu'avec une reconnaissance en justice, on peut prendre inscription.

Mais s'agit-il ici d'inscription? S'agit-il d'hypothèque ?

Il s'agit d'une matière dans laquelle le législateur a abandonné les principes du droit commun, pour suivre les maximes d'une saine philosophie; il a consulté le cœur humain; il a vu les dangers dont la jeunesse était entourée ; il a pensé qu'il pourrait résulter de ses lois quelques injustices particulières ; mais il s'est dit qu'il fallait assurer le repos des familles, sauver un père respectable, une mère sensible, du malheur de voir leur fils se sacrifier à des liaisons quelquefois malheureuses et presque toujours déshonorantes.

Dans cette situation, le législateur a voulu que l'acte public émanât directement du père; penser autrement, ce serait renverser la législation.

Si une reconnaissance sous seing privé, déposée par un tiers chez un notaire, ou produite en justice pour que la signature fût reconnue, pouvait acquérir le caractère d'un acte public, tous les actes privés de cette espèce deviendraient des actes publics, et la loi serait toujours violée. »

A cela nous ajoutons : s'il est vrai de dire qu'un billet sous seing privé soit devenu authentique par l'aveu fait en justice, c'est que l'authenticité du fait qu'on cherche à découvrir, se trouve dans l'aveu même. En reconnaissant l'écriture, il avoue authentiquement la dette, et comme on ne cherche qu'à s'assurer de ce fait, que, dès qu'on a un commencement de preuve par écrit, on peut, par tous les moyens possibles, chercher

l'aveu du débiteur, dès lors qu'on a la certitude de la dette et de la sincérité de l'obligation, on ne peut s'empêcher d'en ordonner l'exécution.

Il n'en est point ici de même : ce n'est point le fait en lui-même, que la justice vent rechercher : si la recherche lui en est permise dans le cas précédent, elle lui est défendue dans celui-ci. C'est la volonté, la libre volonté du père, c'est cette volonté consignée dans un acte authentique, que la justice doit trouver, et il n'existe rien de conforme à cette disposition de la loi, dans un acte sous seing privé dont l'écriture seulement a été reconnue en justice, mais dont la vérité, au fond, n'a pas été également reconnue, et qui se trouve même expressément déniée, en même tems que l'écriture est reconnue.

Mais, pour établir l'erreur, d'une manière plus évidente encore, supposons que l'écriture, au lieu d'avoir été avouée, eût été déniée, et que, par une vérification qu'on n'eût pas manqué de demander, on fût cependant arrivé au même résultat, c'est-à-dire, que l'acte avait été réellement écrit par Péterlon : dans ce cas, la reconnaissance fût devenue authentique dans le sens de la cour d'appel de Paris; il eût donc fallu en ordonner encore l'exécution!

Supposons encore que les lettres dont excipait la demoiselle Brocard, continssent une reconnaissance formelle de paternité; si Péterlon, sommé en justice de déclarer si ces lettres étaient de lui, en avait fait l'aveu, la reconnaissance devait donc, encore en ce cas, être déclarée authentique ct valable!

Mais ce serait là retomber entièrement dans notre ancienne législation que toutes les dispositions de notre nouveau Code ont voulu proscrire: ce serait aller directement contre le texte précis de l'article 340, qui défend soigneusement toute recherche de paternité: on contredirait ainsi tous les motifs de la loi..

Eh qui, d'ailleurs, pourrait ne pas voir dans ce système, le moyen le plus facile de se soustraire à la disposition de l'art. 354?

Est-il une femme, ou un enfant, qui désespérant de pouvoir obtenir directement du père, une reconnaissance authentique et légale, n'emploierait pas cette voie ? On ne manquerait pas, comme on l'a fait ici, de se prémunir d'un acte sous seing privé toujours facile à obtenir, et qui, quoiqu'il ne soit rien par lui-même, produirait cependant toujours les

mêmes effets, que s'il était authentique, par la facilité de le rendre tel, même sans l'aveu du père. De cette manière, en traduisant le père en justice, pour y faire une reconnaissance qui, bien qu'on dise qu'elle n'a pour objet qu'une reconnaissance d'écriture, aurait cependant, en réalité, pour but unique et direct de faire la reconnaissance de l'enfant même, puisque jusque-là celui-ci n'avait aucun droit, et que, par ce qu'on appelle la reconnaissance d'écriture, il les acquiert tous; de cette manière, disons-nous, on anéantirait la disposition de l'art. 334, et on violerait tous les motifs de la loi, puisqu'on obtiendrait pour résultat de faire déclarer valable une reconnaissance faite par un acte sous seing privé, en mettant cet acte à la place d'un acte authentique, et en donnant les moyens que l'un devienne nécessairement l'autre.

Un autre raisonnement achevera la démonstration sur ce point: il est tiré de l'art. 341 du Code, qui, en admettant la recherche de la maternité, ne la permet cependant que lorsqu'il y a un commencement de preuve par écrit.

« La règle exclusive de la recherche de la paternité ne s'applique point à la mère, disait l'orateur du conseil d'état, chargé de développer les motifs de la loi; cependant la loi a cru devoir prendre des précautions contre le genre de preuve qui pourra être admis. Si la crainte des vexations et de la diffamation a fait rejeter les recherches de la paternité, ce serait pour les femmes un malheur encore plus grand, si leur honneur pouvait être compromis par quelques témoins complaisans ou subornés; il était donc à la fois de justice et d'honnêteté publique, de n'admettre l'enfant à prouver qu'il est identiquement le même que celui dont la mère qu'il réclame est accouchée, que dans le cas où il aura déjà un commen‐ cement de preuve par écrit. »

Qu'on remarque avec quels soins, avec quelle précaution, la loi admet à la recherche de la maternité.

Voilà précisément le cas où l'acte sous seing privé serait utile à l'enfant ; ' et si évidemment il ne peut que servir de commencement de preuve par écrit contre la mère, parce qu'il n'est pas une preuve complète, comment, sans forcer la loi, l'appliquer au père, contre lequel il ne peut être admis de commencement de preuve, parce qu'il ne faut, à son égard, aucune semi-preuve, parce que, toute recherche de paternité étant interdite contre lui, une preuve complète est indispensable? >>

Nous adoptons entièrement cette opinion qui est parfaitement établie, et sans entrer dans de nouveaux développemens, nous nous bornerons à ajouter, avec les rédacteurs du Journal, que les tribunaux doivent même, dans cette matière, refuser d'interroger le prétendu père sur la véracité ou la reconnaissance des écritures privées ; qu'il ne leur est pas même permis de déférer le serment à cet égard, et que l'art. 534, et particulièrement l'art. 540, s'opposent à ce que les tribunaux puissent jamais ordonner ces interrogations, ces vérifications, ces sermens, qui ne seraient que de véritables recherches de la paternité, et tendraient toujours à établir une inquisition que la loi réprouve formellement.

IV. Mais nous ne sommes plus du même avis que les rédacteurs du Journal, lorsqu'ils disent, dans un autre endroit, tom. 8, pag. 341, que la reconnaissance consignée dans un acte sous seing privé, ne serait pas encore valable, quoique cet acte eût été légalement déposé dans l'étude d'un notaire, par , par l'individu même qui l'a souscrit.

Nous pensons, au contraire, que l'acte a acquis, par ce dépôt dans les mains d'un officier public, le caractère d'authenticité nécessaire.

Pourquoi, en effet, la loi a-t-elle exigé que la reconnaissance fût faite par un acte authentique, et non pas seulement par un acte sous seing privé? Les rédacteurs du Journal nous l'ont dit eux-mêmes : c'est que la loi présume que la reconnaissance qui a lieu par acte authentique, est faite proprio motu, qu'elle est volontaire et spontanée, qu'elle est enfin un hommage rendu à la vérité : l'officier public qui est là, est un témoin qui rassure le législateur sur la liberté et la volonté du déclarant; mais, au contraire, si la reconnaissance est sous seing privé, la loi présume que cette reconnaissance est l'effet de la séduction, de l'obsession, ou qu'elle a été arrachée par la crainte, extorquée par la violence, surprise par erreur, et qu'on a évité la présence d'un officier public à qui on n'eût pu facilement dérober tous ces faits.

Or, il est évident que ces présomptions, ces soupçons, ces craintes à l'égard de la reconnaissance sous seing privé, ne peuvent plus avoir lieu, lorsque l'individu qui l'a souscrite, va lui-même et volontairement la déposer dans les mains d'un officier public. En ce cas, c'est comme s'il disait à l'officier public: je viens confirmer devant vous ma reconnaissance, et je vous rends dépositaire de l'acte qui la contient, pour mieux en as¬ surer l'exécution.

En ce cas, il n'y a plus de recherche de la paternité, ni d'inquisition prohibée par la loi, comme lorsqu'il ne s'agit que de l'aveu ou de la vérification de l'écriture et de la signature de l'acte; et si cet aveu, cette vérification ne peuvent valider la reconnaissance, parce qu'ils n'ont pas trait à la déclaration de paternité, ainsi que l'ont très-bien fait observer les rédacteurs du Journal, il faut décider, par la raison contraire, que le dépôt de l'acte dans les mains d'un officier public, valide la reconnaissance, puisqu'il ne peut avoir d'autre objet que de rendre authentique la déclaration de paternité, et d'en assurer les effets.

Ici, tous les motifs de la loi, que les rédacteurs ont si bien fait valoir, s'appliquent d'une manière évidente. La reconnaissance ne reste plus isolée dans un acte privé : elle est confirmée, réitérée devant un officier public, et cette confirmation doit bien sûrement lui donner autant de force, que si la reconnaissance n'avait été faite qu'une seule fois devant l'officier public.

Nous pouvons, en outre, invoquer en faveur de notre opinion, l'un des motifs d'un arrêt de la cour de cassation, du 3 septembre 1806.

Cet arrêt, en déclarant suffisante une reconnaissance portée par un testament olographe fait à Paris, par la raison que l'art. 289 de la coutume répute ce testament solennel, ajoute dans ses motifs:

« Testament qui, d'ailleurs, avait été remis à un notaire par le testateur lui-même, et qui, placé au rang des minutes de ce notaire, après le décès du testateur, et même avant la publication du Code civil, ainsi qu'il est justifié par des procès verbaux des 7 et 12 vendemiaire an 11, avait acquis tous les caractères d'un acte authentique. »

Il est donc jugé in terminis par cet arrêt, que le dépôt dans les mains d'un notaire, d'un acte sous seing privé, donne à cet acte le caractère authentique, lorsqu'il a été fait par la personne même qui a souscrit

l'acte.

V. Pour décider maintenant si les principes que nous venons d'établir, doivent s'appliquer au testament olographe, il ne s'agit plus que d'examiner si ce testament est un acte sous seing privé, ou s'il doit être considéré comme un acte authentique.

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Il est hors de doute qu'un testament olographe, fait sous l'empire du Code Napoléon, n'est qu'un acte privé.

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