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Suivant l'art. 1317, l'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises.

Or, le testament olographe n'est l'ouvrage que du testateur : il est fait le testateur seul, et suivant la disposition finale de l'art. 970, il n'est sujet à aucune forme.

par

C'est par cette raison, que l'héritier universel institué par un testament olographe, est tenu, suivant l'art. 1008, de se faire envoyer en possession par justice, lors même qu'il n'y a pas d'héritiers légitimes ayant droit à la réserve, au lieu que, dans ce cas, l'héritier universel institué par un testament solennel, est saisi de plein droit, sans être tenu de demander la délivrance.

Avant le Code Napoléon, le testament olographe n'était également considéré, dans presque toutes les parties de la France, que comme un acte privé, et il est certain que, dans cet état, la reconnaissance qu'il contient d'un enfant naturel, ne peut pas plus que si elle était consignée dans tout autre acte privé, être suffisante et produire des effets dans la succession du testateur, ouverte postérieurement à la loi du 12 brumaire an 2; elle ne se trouve pas revêtue du caractère d'authenticité, expressément requis par l'art. 334 du Code Napoléon.

Mais dans quelques coutumes, notamment dans celles de Liége et de Paris, le testament olographe était réputé solennel.

Les art. 12 et 13, chap. 10, de la coutume de Liége, disent qu'un testament écrit tout au long de la main du testateur, et soussigné d'icelui.... scra valable..... comme aussi est valable testament fait devant notaire, curé, ou vicaire et deux témoins.

L'art. 289 de la coutume de Paris dit que, pour réputer un testament solennel, il est nécessaire qu'il soit écrit et signé de la main du testa

teur.

Aussi M. Merlin, dans son répertoire de jurisprudence, au mot Testament, et dans ses questions de droit, au même mot, tom. 9, pag. 112 et 167, professe que le testament olographe était réputé authentique par ces deux coutumes, et que le testateur qui l'écrivait, était érigé par la loi en officier public, pour l'écrire.

Il faut donc en conclure que la reconnaissance d'un enfant naturel, faite sous l'empire de ces coutumes, par un testament olographe, se trouve

conforme à la disposition de l'art. 354 du Code Napoléon, et qu'ainsi elle doit produire ses effets, même dans une succession ouverte postérieurement à la publication du Code.

Cependant on a fait à cet égard des objections auxquelles il est nécessaire de répondre.

On a dit que rien ne constatait la date du testament olographe, que le testateur pouvait l'avoir fait, dans un moment où il était incapable, qu'il pouvait l'avoir fait pendant son mariage, ce qui, dans l'espèce, le rendrait nul, aux termes de l'art. 337 du Code; mais que, pour en assurer l'exécution, il avait été le maître de l'antidater.

Nous répondons, d'abord, par l'opinion de Ricard qui, dans son traité des Donations, part. 1, n°. 1560, s'exprime en ces termes : « Il n'y a aucune différence à faire pour la date, entre le testament olographe et les autres espèces de testamens passés pardevant notaires. La date du testament olographe assure la capacité du testateur, au tems du testament. » Et il existe des arrêts très-précis qui ont confirmé positivement cette doctrine.

Il y en a un du 21 juin 1622, rendu par le parlement de Rouen, qui est rapporté dans le commentaire de Basnage, sur l'art. 422.

Brillon, au mot testament, no. 12, atteste que, lors d'un arrêt rendu le 12 août 1719, par la quatrième chambre des enquêtes du parlement de Paris, tous les juges opinèrent contre le moyen qu'on faisait résulter de ce qu'un testament olographe, dont la date remontait à un tems antérieur à la sentence d'interdiction du testateur, n'avait pas une date certaine, et qu'en conséquence il était nul sous ce rapport.

Nous répondrons, en second lieu, que dans les coutumes qui décla– raient solennel le testament olographe, on ne peut pas contester que çe testament eût une date certaine, puisqu'il est du caractère essentiel de tout acte solennel, de faire foi en justice, de la vérité de tout ce qu'il

contient.

Nous répondrons encore qu'il ne s'agit, dans notre hypothèse, que d'un testament antérieur au Code Napoléon ; qu'avant le Code il n'existait pas de loi qui défendît à un homme marié de reconnaître un enfant naturel; qu'on ne pouvait prévoir que cette défense serait portée par une loi postérieure ; et qu'ainsi il n'est pas vraisemblable qu'avant le Code,

un testateur ait aptidaté son testament olographe, pour lui donner une date antérieure à son mariage.

Et enfin la question a été expressément jugée en faveur de l'enfant naturel de l'adjudant commandant Andrieu, par arrêt de la cour d'appel de Montpellier, du 11 février 1806, et par arrêt de la section des requêtes de la cour de cassation, du 5 septembre suivant. « Considérant, porte ce dernier arrêt, qu'en regardant comme suffisante la reconnaissance de l'enfant naturel dont il s'agit, portée par un testament olographe fait à Paris, réputé solennel par l'art. 289 de la coutume qui confiait au testaleur et son autorité pour disposer et un caractère pour rédiger sa volonté, l'arrêt attaqué a fait une juste application de l'art. 554 du Code civil. >>

Mais cet arrêt qui a été rendu dans une espèce où le testateur était mort en l'an 10, dans un tents où la coutume de Paris était encore en vigueur, doit-il s'appliquer aux testamens dont les auteurs ne sont décédés que postérieurement à la publication du Code?

On ne manquera pas de dire, pour la négative, que ces testamens doivent être régis, non plus par la disposition de la coutume de Paris qui était abrogée, lorsque les testateurs sont décédés, mais par les dispositions du Code qui a le droit de régler tous les testamens ouverts sous son empire; qu'en conséquence les testamens olographes, même antérieurs, ne peuvent plus être considérés comme solennels, depuis la publication du Code; qu'ainsi les reconnaissances qu'ils contiennent en faveur d'enfans naturels, ne peuvent être regardées comme authentiques; qu'en effet, un homine domicilié à Paris ou à Liége,'qui était marié lors de la publication du Code, et qui a voulu reconnaître un enfant naturel qu'il avait eu avant son mariage, aura pu consigner cette reconnaissance dans un testament olographe auquel il aura donné unc date antérieure à la publication du Code. et que si, d'après notre système, la date du testament doit être considérée comme certaine, si le testament doit être réputé solennel d'après les dispositions des contumes de Paris et de Liége, la disposition de l'art. 537 du Code aura été violée, et que cette violation sera permise à tous ceut qui voudront user d'un semblable moyen.

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Nous convenors que cette objection est forte et que l'inconvénient qu'elle signale, est réel.

Mais n'y aurait-il pas de plus graves inconvéniens encore à s'écarter du principe qui veut que les testamens soient régis, pour tout ce qui concerne leur forme, leur caractère, leur authenticité, par la loi existante au moment de leur confection, et non pas les lois postérieures? si l'on ne tenait pas à ce principe qui a été constamment respecté dans toutes les législations, y aurait-il quelque chose de certain et de fixe dans la matière des testamens?

Or, s'il doit être exécuté, n'en résulte-t-il pas nécessairement qu'un testament olographe fait par une personne domiciliée à Paris, et qui porte ane date antérieure à la publication du Code Napoléon, doit être réputé solennel, aux termes de l'art. 289 de la coutume de Paris, ainsi que l'a décidé la cour de cassation, et qu'en conséquence sa date est certaine, quoique le testateur ne soit mort que sous l'empire du Code qui contient une disposition contraire?

«La coutume de Paris, dit M. Merlin, dans ses questions de droit, tom. 9, pag. 112, ne regarde pas cet acte (le testament olographe), comme un acte sous seing privé: elle le répute solennel'; et en effet, confiant au testateur et son autorité pour disposer, et un caractère pour rédiger sa volonté, elle le tire par là de la classe des simples particuliers: elle l'érige en législateur, en ministre de sa propre loi, en officier public dans cette partie : or, dans les principes, on regarde les actes passés par des per sonnes publiques, comme des preuves inaltérables de ce qu'ils contiennent où peut donc être la raison de douter de la vérité de la date d'un testament olographe, tant qu'on ne s'est point inscrit en faux ? » D'après ces principes, il ne suffirait donc pas d'alléguer que le testateur qui a survécu au Code Napoléon, a antidaté son testament olographe, le soumettre à la loi ancienne. Comme il se trouvait constitué par la loi en officier public dans cette partie, la daté qu'il a donnée à son testament olographe, est tout, aussi certaine et mérite autant de foi en justice, que la date d'un testament qu'il aurait souscrit devant tout autre officier public.

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D'ailleurs, en général, la fraude ne se présume pas, et il faudrait, dans l'espèce, non pas seulement la supposer, mais encore la regarder comme établie , pour décider qu'un testament olographe dont la date annonce qu'il a été fait sous l'empire de la coutume de Paris, n'a été réellement fait que sous l'empire du Code,

I

Dire que la date de ce testament n'est pas certaine, c'est mettre en principe ce qui est en question.

La date est certaine dans l'état où se trouve le testament; il faut donc prouver qu'elle est fausse, avant de contester qu'elle soit certaine : autrement, et sur la simple présomption d'une antidate, on s'expose à violer injustement la disposition de la coutume de Paris, qui donne le caractèrede şolennité et conséquemment une date certaine, au testament fait sous'son empire.

Toute faveur est due à l'acte que la loi déclare authentiqne, tant qu'il n'y a a pas d'inscription en faux, et l'on voudrait ici, sur la simple supposition d'une antidate, dépouiller un acte de son authenticité légale, rendre sa date incertaine, le soustraire à la loi qui le déclarait valable, et le faire annuler par une loi nouvelle, sous le prétexte qu'il a pu être fait en fraude de cette loi!

La fraude a été possible, sans doute; mais cette possibilité ne suffit pour anéantir l'acte : il faut une preuve claire et précise.

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Il est bien rare, d'ailleurs, qu'un père marié se détermine à reconnaître un enfant naturel, et il serait injuste que, pour prévenir cet abus dans un ou deux cas extraordinaires, on établit une règle générale qui anéantirait toutes les reconnaissances faites par des testamens olographes, antérieurement au Code.

Il faudrait, au moins, qu'il existât à cet égard une disposition précise, soit dans la loi transitoire sur les enfans naturels, soit dans le Code; mais elle ne s'y trouve pas..

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Il y a même une disposition contraire dans l'art. 2 du Code Napoléon, qui porte que la loi n'a pas d'effet rétroactif, et il y aurait bien sûrement effet rétroactif, si la loi nouvelle enlevait à un acte le caractère d'authenticité et de solennité qu'il avait reçu de la loi sous l'empire de laquelle il a été fait, si elle lui enlevait ce caractère, pour en détruire la disposition principale.

Lorsqu'on dit que les testamens doivent être régis par la loi qui existe au moment où ils sont ouverts, cela ne peut s'appliquer à ce qui concerne leur forme et leur caractère : la forme et le caractère d'un acte sont toujours réglés par la loi qui existe au moment où il est fait. (Voyez l'article Testamens). La jurisprudence des tribunaux est constante et uniforme

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