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sur ce point. Or, la solennité, l'authenticité d'un acte tient à sa forme et à sa nature; elle dépend donc uniquement de la loi qui existait au moment où l'acte a été fait.

§. V.

Le registre de naissance où un enfant naturel est désigné comme fils d'un individu qui est dénommé, la possession d'état conforme à cette désignation, et des lettres particulières dans lesquelles le père ou la mère indiqué, reconnait l'enfant, peuvent-ils suppléer la reconnaissance par acte authentique, ou autoriser la recherche de la paternité ou de la maternité, pour conférer à l'enfant naturel les droits déterminés par les art. 756, 757 et 758 du Code Napoléon?

Cette question doit être décidée par les principes que nous avons déjà établis, et qu'il suffit de rappeler succinctement.

1o. La loi du 12 brumaire an 2, n'a autorisé la preuve de la possession d'état, qu'à l'égard des enfans naturels dont les pères et mères étaient décédés avant sa promulgation: elle n'a réglé l'état de ces enfans et a laissé à régler, par les dispositions du Code civil, l'état de tous ceux dont les père et mère existeraient encore au moment où elle serait publiée.

que

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2o. Depuis la publication de la loi du 12 brumaire, toute recherche de la paternité a été interdite, à l'égard de tous les enfans naturels dont les pères et mères étaient encore vivans. (Arrêt de la cour de cassation du 6 janvier 1808.)

3o. L'art. 334 du Code Napoléon dispose que la reconnaissance d'un enfant naturel sera faite par un acte authentique, lorsqu'elle ne l'aura pas été dans son acte de naissance, et cette disposition s'applique à toutes les reconnaissances, antérieures ou postérieures à la loi du 12 brumaire, à l'égard de tous les enfans naturels dont les pères et mères n'étaient pas décédés lors de la publication de cette loi.

4o. Suivant l'art. 540 du Code, la recherche de la paternité est interdite, le cas d'enlèvement excepté: suivant l'art. 341, la recherche de la maternité est admise, mais soulement lorsque l'enfant qui la propose, a déjà un commencement de preuve par écrit, et ces deux articles s'appliquent également à tous les enfans naturels dont les pères et mères ont survécu à la publication de la loi du 12 brumaire an 2.

Il résulte de ces dispositions, que la paternité ne peut être établie que par une reconnaissance authentique, dans la forme prescrite par l'art. 334, ét qu'elle ne peut être recherchée ou établie d'aucune autre manière, ni par la preuve de la possession d'état, ni par une simple désignation dans l'acte de naissance, ni même par des reconnaissances privées, à l'égard de tous les enfans naturels dont les pères et mères ne sont décédés qu'après la publication de la loi du 12 brumaire, et même après le Code.

Il en résulte encore que la possession d'état et la simple désignation: du nom de la mère dans l'acte de naissance, ne suffiraient pas à l'égard de ces enfans, pour les faire admettre à la preuve de la maternité, puisqu'ils ne peuvent être admis à cette preuve, qu'en rapportant un commencement de preuve par écrit, et qu'il est incontestable que l'écrit servant de commencement de preuve, doit être émané de la mère elle-même, sans néanmoins qu'il soit nécessaire que cet écrit soit authentique.

Ainsi, comme nous l'avons déjà dit ailleurs, une lettre, ou tout autre 'écrit privé, par lequel la mère aurait reconnu son enfant naturel, suffirait faire admettre cet enfant à la recherche et à la preuve de la ma

pour

ternité; mais un écrit semblable émané du père, ne suffirait pas pour faire admettre à la preuve de la paternité, fùt-il, d'ailleurs, fortifié par une possession d'état, par la désignation qu'aurait faite la mère, et par une foule d'autres présomptions, ou semi-preuves.

Les dispositions des art. 334 et 540 sont trop précises pour qu'il soit permis de s'y soustraire.

pa

Nous allons rapporter une espèce dans laquelle toutes les circonstances, tous les actes ont été déclarés insuffisans pour rechercher ou établir la ternité, attendu qu'il n'y avait pas de reconnaissance par acte authentique. Le 26 avril 1784, un enfant fut inscrit sur les registres de baptêmes de la paroisse de Saint-Vincent à Carcassonne, sous le nom d'Antoine, fils de M. Mahul, négociant, et de Marthe Combe.

Le sieur Mahul ne fut pas présent à l'acte et ne le signa pas.

Mais dans plusieurs lettres antérieures et postérieures à son mariage avec la dame Beatrix Airoles, il reconnut Antoine pour son enfant.

Cet enfant fut, en outre, élevé sous le nom de Mahul, dans le pensionnat de Sorrèze, aux frais du sieur Mahul, jusqu'au décès de celui-ci arrivé en l'an 10.

Sur la demande qu'il forma en partage de la succession du père, on lui contesta son état, et sa demande fút rejetée par arrêt de la cour d'appel, du 28 janvier 1806, dont voici les motifs sur la question que nous exami

nons en ce moment:

pas

« Considérant que l'espèce de successibilité accordée par le Code civil aux enfans nés hors mariage, n'est ouverte que pour ceux d'entre lesdits enfans qui ont en leur faveur une reconnaissance légale, laquelle aux termes de l'art. 334, doit résulter d'un acte authentique, lorsqu'elle n'est faite dans l'acte de naissance; et attendu que, d'un côté, la reconnaissance de la partie d'Anduze n'a pas été faite par son père dans l'acte de naissance, puisqu'il n'y est point intervenu et qu'il ne l'a point signé, et que, d'autre part, tous les actes invoqués par ladite partie d'Anduze, ne sont que des actes privés, les uns sans date, les autres postérieurs au ma→ riage;

par

» Considérant, de plus, sur ladite question, que la preuve offerte ladite partie d'Anduze, est inutile, puisquelle ne tend qu'à établir une reconnaissance par acte privé; que, d'ailleurs, d'après l'art. 340 du Code: civil, la recherche de la paternité est interdite; d'où il suit que mal à propos le tribunal de première instance a accordé à ladite partie d'Anduze une quotité de biens sur la succession du sieur Mahul son père. » ́

Il faudrait encore décider, toujours par les mêmes principes, que, lors même qu'un enfant aurait en sa faveur, 1°. le mariage de ses père et mère, mais contracté devant l'église seulement, depuis la publication de la loi du 20 septembre 1792; 2°. un acte de naissance où ses père et mère ́se-" raient désignés, sans qu'ils y fussent intervenus ou qu'ils l'eussent signé; 5o. un possession constante de l'état d'enfant même légitime; 4°. des reconnaissances par écrits privés, tout cela serait encore insuffisant pour 'établir ou rechercher la paternité, attendu que l'enfant ne peut être considéré comme légitime aux yeux de la loi, ni jouir des droits civils de la: légitimité, si ses père et mère ne se sont pas mariés devant un officier de l'état civil, depuis que ces officiers publics ont reçu du législateur la mission exclusive de constater authentiquement les naissances, mariages et décès..

Ce serait civilement un enfant naturel, ou ce qui est la même chose,. un enfant né hors mariage civil, qui devrait prouver son état, comme les> autres enfans naturels issus ex. soluto et solutá,

S. V I.

La reconnaissance d'un enfant naturel, faite par le père, mais sans la ratification de la mère, sous l'empire de la loi du 12 brumaire an 2, est-elle suffisante pour établir l'état et conférer les droits d'enfant naturel légalement reconnu, dans la succession du père, ouverte sous l'empire du Code?

Il résulte clairement des dispositions des articles 11 et 12 de la loi du 12 brumaire an 2, que la reconnaissance d'un enfant naturel, faite par le père, sans l'aveu de la mère, n'était pas valable, à moins que la mère ne fût décédée, ou absente, ou dans l'impossibilité absolue de confirmer, par son aveu, la reconnaissance du père.

Mais l'article 356 du Code, dispose que la reconnaissance du père, sans indication et aveu de la mère, n'a d'effet qu'à l'égard du père, et il résulte aussi bien clairement de cet article, que la reconnaissance faite par le père, est valable et suffisante à son égard, sans l'aveu ni la ratification de la mère.

A laquelle de ces dispositions faut-il soumettre, depuis la publication du Code, la reconnaissance qui a été faite par le père, sous l'empire de la loi du 12 brumaire an 2, sans l'aveu ou la ratification de la mère qui cependant n'était pas absente, et qui ne se trouvait pas dans l'impossibilité de confirmer?

Il hors de doute que cette question doit être décidée, comme les précédentes, conformément aux dispositions du Code.

Il résulte, en effet, de la loi transitoire du 14 floréal, il est établi par la jurisprudence uniforme de la cour de cassation et des cours d'appel, il est même textuellement écrit dans les articles 1 et 10 de la loi du 12 brumaire, que l'état et les droits des enfans naturels dont les pères et mères ne sont décédés que postérieurement à la publication de cette loi, doivent être régis, en tous points, par les dispositions du Code. Or, ce qui constitue l'état, c'est la reconnaissance.

Il est donc indubitable que toutes les reconnaissances d'enfans naturels dont les pères et mères n'étaient pas décédés au moment de la publication de la loi du 12 brumaire, doivent être réglées et jugées conformément aux dispositions du Code, à quelques époques qu'aient été faites

ees reconnaissances; et que celles mêmes qui ont été consenties pendant l'existence de la loi du 12 brumaire, ne doivent pas être jugées suivant cette loi, puisqu'elle s'est elle-même bornée à régler l'état et les droits de ceux des enfans naturels dont les pères et mères étaient décédés. Tout cela se trouve démontré dans les précédens paragraphes, et il serait inutile d'y revenir.

Nous ferons seulement remarquer que la loi du 12 brumaire ayant établi en principe, que la reconnaissance faite par le père ne pourrait être valable, sans la ratification donnée par la mère, voulut cependant établir un moyen provisoire pour valider cette reconnaissance, dans le cas où la mère serait décédée, ou absente, ou dans l'impossibilité absolue de ratifier, et que tel fut l'objet de ses articles 11 et 12; mais qu'il ne faut plus considérer aujourd'hui ces dispositions, puisque le Code Napoléon a, dans tous les cas, autorisé le père à reconnaître seul son enfant naturel, sans que la ratification de la mère soit aucunement nécessaire, et que c'est toujours par le Code seul que doit être réglé l'état de l'enfant naturel, lorsque le père est décédé postérieurement à la publication de la loi du 12 brumaire.

S. VII.

L'article 3 de la loi transitoire du 14 floréal an 11, est-il applicable aux conventions et jugemens intervenus entre l'enfant naturel ei le père ou la mère qui l'a reconnu ; ou bien, ne doit-il être appliqué qu'aux conventions et jugemens intervenus entre l'enfant naturel et les héritiers légitimes de son père ou de sa mère?

Les héritiers légitimes peuvent-ils réclamer, sous prétexte d'erreur de droit, contre ces conventions ou jugemens passés en force de chose jugée ?

I. L'article 3 de la loi transitoire du 14 floréal an II, porte que, les conventions et les jugemens passés en force de chose jugée, par lesquels l'état et les droits des enfans naturels auraient été réglés, seront exécutés selon leur forme et teneur.

Cette disposition s'applique-t-elle, 1°. aux transactions et autres conventions faites entre les enfans naturels et leurs pères et mères, soit sur l'état, soit sur les droits de ces enfans; 2°. aux jugemens que les enfans

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