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lois nouvelles, il faut qu'elle soit faite par le père, de la manière la plus libre, et que celle faite par Jean Lalo, entre les deux guichets, et pour éviter une poursuite criminelle, n'a pas ce caractère; ..... et d'ailleurs, la prétendue reconnaissance faite par Jean Lalo, dans l'acte notarié du 1°. avril 1769, ne peut avoir d'autres effets que ceux' que cet acte lui attribue. »

que,

Nous devons, néanmoins, faire observer que, si la somme promise à l'enfant naturel, était trop considérable, proportionnellement à la fortune de l'auteur de la reconnaissance, ou au nombre de ses enfans legitimes, elle devrait être réduite aujourd'hui, comme elle l'aurait été suivant la jurisprudence ancienne..

II. Il est peut-être plus difficile de décider si l'enfant naturel qui ne se trouve pas reconnu légalement aux termes du Code, et à qui rien n'a été promis, peut réclamer des alimens contre le père, ou la mère, qui l'a reconnu et même contre sa succession ouverte sous l'empire du Code.

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Il serait cependant contre les principes de l'équité naturelle, de refuser des alimens à cet enfant, et nous ne croyons pas que les dispositions du Code puissent autoriser ce refus, si la reconnaissance a été faite avant la publication de la loi du 4 juin 1795.

Lorsqu'avant cette loi, la paternité était déclarée par un jugement, même sans l'aveu du père qui avait été désigné, le jugement condamnait toujours le père déclaré, à fournir des alimens à l'enfant.

Lorsque le père désigné transigeait sur la demande qu'on voulait former contre lui, ou qui était déjà intentée, la transaction fixait ce qui serait payé“ à l'enfant, ou contenait,' au moins, l'obligation générale de lui fournir des alimens..'

Mais on a vu, dans le précédent numéro, que l'enfant natürel avait incontestablement le droit de réclamer, même sous l'empire du Code, tout ce qui lui avait été ainsi adjugé par jugement passé en force de chose jugée, ou qui lui avait été promis par transaction.

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La question que nous examinons en ce moment, se réduit donc réellement à savoir si le père ou la mère, qui a reconnu son enfant naturel, mais seulement par acte sous seing privé, lui doit aujourd'hui des ali-mens et si cette dette passe également à ses héritiers.

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Si la reconnaissance a été faite avant la loi du 4 juin 1795, il faut

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recourir aux principes qui étaient alors établis par la jurisprudence constante et uniforme des tribunaux.

Or, suivant ces principes, toute reconnaissance d'un enfant naturel Jors même qu'elle n'avait été faite que par acte sous seing privé, imposait à celui qui l'avait consentie, l'obligation de fournir des alimens à l'enfant qu'il avait reconnu, et il est évident, en effet, que, sans cette obligation, la reconnaissance eût été absolument inutile à l'enfant naturel, puisqu'il ne pouvait, en aucun cas, rien réclamer autre chose que des alimens: elle eût même été réellement illusoire et nulle, puisqu'elle n'aurait produit aucun effet.

On ne pourrait donc contester, et il est, d'ailleurs, consigné dans tous les jugemens et dans tous les traités sur cette matière, que l'enfant naturel reconnu avait droit à des alimens, contre l'auteur de la reconnaissance, et que le droit lui était acquis par la reconnaissance seule sans qu'il fût besoin de convention expresse à cet égard: les tribunaux n'avaient à régler, en cas de contestation, que la nécessité et la quotité des alimens.

Mais si ce droit était acquis à l'enfant naturel par le fait seul de la reconnaissance, il n'a pu lui être enlevé par une loi rendue postérieurement: nous avons déjà plusieurs fois établi qu'une loi nouvelle ne peut déroger à un droit qui était acquis en vertn d'un acte, ou d'une loi, antérieurs.

Ainsi le Code Napoléon n'a pu, en réglant une forme pour les reconnaissances d'enfans naturels, détruire les effets de celles qui avaient été faites dans une forme différente, mais autorisée et valable sous l'empire de la législation existante au moment de leur confection.

La forme des actes est toujours irrévocablement réglée par la loi qui est en vigueur au moment où ils sont faits, et les effets que leur attribuait sette loi, ne peuvent jamais être altérés par une loi nouvelle, lorsqu'il s'agit d'actes irrévocables de leur nature.

On ne manquera pas d'opposer que l'enfant naturel qui serait reconnu postérieurement au Code, par un acte sous seing privé, n'aurait aucun droits, pas même à des alimens, et qu'il doit en être de même à l'égard de l'enfant naturel reconnu antérieurement, si l'auteur de la reconnaissance n'est décédé que depuis la publication du Code, puisqu'il est certain que l'état et les droits de cet enfant doivent être, en tous points, réglés par

les dispositions du Code, conformément à l'art. 10 de la loi du 12 brumaire an 2, et à l'art. 1. de la loi transitoire du 14 floréal an 11.

Il nous semble que, pour répondre à cette objection, il suffit de bien faire connaître l'esprit et l'intention de cet article 10 de la loi du 12 brumaire, qui a servi de base à l'art. 1o. de la loi transitoire du 14 floréal.

Jusqu'à la publication de la loi du 4 juin 1793, les enfans naturels reconnus n'avaient droit qu'à de simples alimens; mais cette loi du 4 juin voulut leur donner davantage, et leur accorda le droit de succéder à leurs père et mère, dans la forme qui serait déterminée.

Peu de tems après, intervint la loi du 12 brumaire qui régla le droit de successibilité et la forme de la reconnaissance, mais seulement à l'égard des enfans naturels dont les père et mère étaient décédés, et qui renvoya le règlement des droits et de l'état aux dispositions du Code civil, à l'égard des enfans naturels dont les père et mère seraient vivans au moment où le Code serait publié.

Quels sont donc ces droits dont le règlement fut renvoyé par la loi de brumaire, aux dispositions du Code? Il est évident que ce sont les droits de successibilité, établis on principe par la loi du 4 juin 1795, ct réglés par celle de brumaire, pour les successions ouvertes.

C'est comme si la loi de brumaire avait dit : « Le Code civil réglera les droits de successibilité qui appartiendront aux enfans naturels, dans les successions qui s'ouvriront après sa publication. »

Et sans doute les enfans naturels ne peuvent réclamer ces droits, quelque époque qu'ils aient été reconnus, si leurs reconnaissances ne sont pas conformes à ce que le Code a prescrit.

Mais il est évident que la loi du 12 brumaire n'a pas entendu soumettre aux dispositions du Code, les droits à de simples alimens, qui étaient déjà acquis aux enfans naturels reconnus; et qu'ayant eu bien évidemment la volonté d'angmenter ces droits trop modiques, elle n'a. tendu les soumettre à une abolition totale.

pas en

C'eût été, d'ailleurs, une disposition absolument entachée du vice de rétroactivité, puisqu'elle aurait anéanti des droits acquis, et l'on ne peut supposer que ni la loi transitoire du 14 floréal, ni le Code Napoléon, l'aient consacrée dans ce sens.

Il faut donc laisser aux enfans reconnus, au moins avant la loi du juin 1795, ce qui leur était alors acquis, suivant la jurisprudence, par

le seul fait de la reconnaissance, le simple droit à des alimens; mais leur refuser les droits fixés par la loi du 4 juin, par celle du 12 brumaire et par le Code Napoléon, s'ils ne sont pas reconnus dans la forme prescrite par le Code. C'est là le seul moyen de se mettre d'accord et avec les principes de la législation civile, qui repoussent toute disposition rétroactive, et avec les principes de l'équité naturelle envers lesenfans qui ont pour eux des actes de reconnaissance formelle.

Ne serait-il pas contre la justice et la raison, qu'une loi nouvelle qui soumet l'acte de reconnaissance à une forme particulière, et qui attache des droits nouveaux à cet acte revêtu de la forme prescrite, lors même qu'il a été fait antérieurement, lui enlevât, s'il ne se trouve pas fait dans cette forme, les droits qui lui étaient attribués, dans la forme où il se trouve rédigé, par la loi existante au moment de sa confection?

Il est aussi trop évident que, si cet acte ne peut pas jouir du bénéfice des nouveaux droits, parce qu'il n'a pas la nouvelle forme prescrite, il doit, au moins, conserver tous les droits que lui donnait la loi sous l'empire de laquelle il a été fait il ne gagne pas, : mais il ne peut pas perdre; et il doit valoir aujourd'hui, tout ce qu'il valait, au moment de sa confection: autrement, la loi qui en annulle les effets, à cause de la différence de la forme, est rétroactive, et détruit des droits acquis avant elle.

On ne manquera pas de dire encore que le père, ou la mère, qui a survécu à la publication du Code Napoléon, ne pouvant pas ignorer que le Code n'accordait aucuns droits aux enfans naturels qui n'étaient pas reconnus par acte authentique, se scrait empressé de substituer une reconnaissance dans cette forme, à celle qu'il avait antérieurement souscrite par acte privé, s'il avait eu l'intention d'accorder quelques droits à l'enfant, et que le silence qu'il a gardé est, d'ailleurs, une preuve qu'il a désavoué la reconnaissance qui, sans doute, ne lui avait été arrachée que par la séduction, ou par la crainte d'un procès scandaleux.

Nous répondons que le silence du père, ou de la mère, a pu être déterminé par un tout autre motif, celui de ne pas augmenter les droits qu'originairement il avait voulu attribuer à son enfant naturel.

Avant la loi du 4 juin 1793, un père, ou une mère, qui reconnaissait son enfant naturel, ne s'obligeait envers lui qu'à de simples alimens et ne lui donnait aucuns droits sur sa succession.

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Mais cette loi du 4 juin et celle du 12 brumaire ayant accordé aux enfans naturels reconnus, le droit de successibilité, et le Code Napoléon leur ayant donné des droits sur les biens de la succession, on peut aisément présumer que les pères et mères qui n'avaient entendu s'obliger qu'à de simples alimens, par les reconnaissances qu'ils avaient souscrites avant ces lois, n'auront pas tous approuvé les nouveaux effets qu'on voulait faire produire à ces reconnaissances; et qu'en conséquence, pour ne pas donner à leurs enfans naturels le droit de réclamer plus que des alimens, plusieurs d'entre eux se seront déterminés à ne pas renouveler par actes authentiques, les reconnaissances qu'ils avaient faites par actes privés: ceux surtout qui avaient des enfans légitimes, auront craint de mettre en concours avec eux, des enfans naturels dont les droits contrarieraient nécessairement les opérations du partage, et pourraient jeter la division dans la famille: persistant, au surplus, dans leur première intention de ne donner que des alimens aux enfans naturels, ils auront laissé les choses en l'état où elles se trouvaient.

Cette présomption est même la seule raisonnable, la seule qui s'allie parfaitement et avec les justes sentimens de préférence dus à la famille légitime, et avec les sentimens d'humanité dus à la famille purement naturelle, et il en résulte, au moins, que l'on ne peut pas conclure du silence qu'ont gardé les pères et mères, depuis la publication du Code, qu'ils ont eu la volonté de priver les enfans naturels qu'ils avaient antérieurement reconnus, méme des alimens qu'ils leur avaient d'abord assurés.

Et, enfin, quelle qu'ait été leur intention, elle ne peut rétroagir sur le passé; elle ne peut détruire des droits antérieurement acquis et de même qu'ils n'auraient pu révoquer les reconnaissances qu'ils avaient consenties, ils n'ont pu également en révoquer les effets et les droits qui y étaient attachés, en refusant de les réitérer par actes authentiques. La loi nouvelle n'a pu leur donner le pouvoir de détruire leur propre ouvrage, et d'annuler eux-mêmes les engagemens qu'ils avaient contractés : ils ont été les maîtres de ne pas donner davantage, mais ils ne l'ont pas été de retirer ce qu'ils avaient donné.

L'opinion que nous venons de développer, se trouve fortifiée par deux arrêts, l'un de la cour d'appel de Montpellier, du 28 janvier 1806, l'autre de la cour d'appel de Paris, du 25 prairial an 13.

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