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Le sieur de la Maisonfort ayant émigré, ses biens furent séquestrés et vendus.

Le 19 frimaire an 9, acte devant notaires, par lequel la dame de la Maisonfort déclara devoir au sieur de Brucilpont, une somme de 20,000 liv. pour prêt à elle fait, et qu'elle s'obligea de rendre en trois paiemens.

Mais il y eut, le même jour, un autre acte sous seing privé, par lequel il fut reconnu que les 20,000 livres n'avaient pas pour cause un prêt réel, mais seulement pour objet de réduire à cette somme, en faveur de la dame de la Maisonfort, l'obligation de 50,000 liv,, qu'elle avait consentie solidairement avec son mari, et ce, sous la condition expresse qu'elle rap-. porterait, dans le délai de douze mois, une reconnaissance de son mari, qu'il restait toujours débiteur envers le sieur de Brueilpont, d'une somme de 50,000 liv., faisant le surplus de ladite obligation: il fut ajouté dans l'acte, qu'à défaut de rapport de cette reconnaissance dans le délai de douze mois, l'obligation personnelle et solidaire résultant de l'acte du 13 décembre 1790, reprendrait contre la dame de la Maisonfort toute sa force et vertu.

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La dame de la Maisonfort n'ayant pas produit, dans le délai déterminé, la reconnaissance de son mari, qu'il restait débiteur de 30,000 livres, le sieur de Brueilpont a fait assigner la dame de la Maisonfort, le 16 brumaire an 13, pour voir dire que, faute par elle d'avoir rempli la condition expresse, l'acte du 19 frimaire an 9, serait considéré comme non avenu, que celui du 13 décembre 1790, serait pleinement exécuté, et qu'en conséquence la dame de la Maisonfort serait condamnée à payer les 50,000 liv.

Le tribunal de première instance et la cour d'appel de Paris ont proserit cette demande, attendu, 1°. que la clause pénale dont il s'agissait, avait été insérée dans un acte antérieur à la publication da Code Napoléon; que conséquemment les parties avaient pu la regarder comme n'étant pas strictement exécutoire dans le délai prescrit par l'acte, à moins qu'il ne fût intervenu sur cet acte un jugement de condamnation; 2°. que le retard de la remise de la reconnaissance, n'avait causé aucun préjudice réel an sieur de Brueilpont.

Celui-ci s'étant pourvu en cassation, soutint, entre, autres moyens, que, pour l'exécution stricte de la condition pénale, il n'était

que

pas néces-saire la dame de la Maisonfort cût été constituée en demeure, et qu'il eût été obtenu contre elle un jugement de condamnation.

Ayant invoqué, à cet égard, la disposition de la loi Magnam 12, il ajouta que le terme marqué dans une obligation, dispensait de l'interpellation judiciaire, suivant la maxime dies interpellat pro homine, maxime que l'art. 1250 du Code Napoléon avait consacrée ; qu'aux termes de cet article, la peine était encourue, soit qu'il y eût un terme fixé ou non, lorsque le débiteur était en demeure; que, suivant l'art. 1139, le débiteur était constitué en demeure, par la seule échéance du terme, lorsque cela avait été convenu; et qu'ainsi la dame de la Maisonfort n'avait pu, plusieurs années après l'expiration du terme fixé pour le rapport de la reconnaissance de son mari, être admise à offrir cette

reconnaissance.

Ces moyens n'eurent pas plus de succès auprès de la cour de cassation; le pourvoi fut rejeté par arrêt de la section des requêtes, du 26 avril 1808, dont voici les motifs."

« Attendu que les dispositions des lois romaines, relatives aux conditions pénales, n'étaient pas reçues en France, et que, dans tous les tribunaux français, ces conditions n'étaient réputées que comminatoires, avant la promulgation du Code civil; Attendu que l'acte dont le demandeur en cassation réclamait l'exécution, est antérieur au Code, rejette, etc. >>

(Voyez l'article Jurisprudence ancienne.)

CODE DE PROCÉDURE CIVILE.

Les dispositions législatives que contient le Code de procédure civile, et qui ne sont pas purement relatives à la forme d'instruction, doivent-elles étre appliquées depuis le 1er janvier 1807, dans les contestations antérieures pour lesquelles on ne doit pas suivre, d'après l'avis du conseil d'état du 6 du même mois, la nouvelle forme de procéder, établie par le Code de procédure.

Le Code de procédure civile ne contient pas seulement des dispositions relatives à la forme de procéder; il en contient plusieurs qui établissent des principes législatifs, et qu'on peut regarder comme le complément des lois civiles qui forment le Code Napoléon.

Ainsi, par exemple, l'art. 581 qui déclare insaisissables les sommes et objets disponibles donnés par acte entre-vifs, ou par acte de dernière volonté, lorsqu'il y a stipulation expresse dans l'acte, qu'ils ne seront pas

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saisissables, et même les sommes et pensions pour alimens, encore que le testament, ou l'acte de donation, ne les déclare pas insaisissables, l'art. 834 qui autorise les créanciers ayant hypothèque ou privilége, avant l'acte translatif de propriété, à prendre des inscriptions conservatoires, dans la quinzaine de la transcription de cet acte, contiennent évidemment des dispositions législatives, qui ne sont pas relatives à la forme d'instruction des procédures.

Nous pourrions en citer beaucoup d'autres ; mais il suffit d'en rappeler une troisième à l'égard de laquelle est intervenu un arrêt de la cour de cassation, qui décide la question proposée.

Dans une contestation commencée long-tems avant le mois de janvier 1807, le sieur Pradelle prit sur la barre, devant la cour d'appel de Grenoble, de nouvelles conclusions tendantes à ce qu'en outre de sa première demande, le sieur Roustan fût condamné, même par corps, au paiement de 20,000 livres de dommages-intérêts.

L'arrêt rendu le 14 mars 1807, ayant prononcé la condamnation, par corps, au paiement de 1500 liv. de dommages-intérêts, le sieur Roustan se pourvut en cassation; et voici les moyens qu'il employa.

« L'art. 2060 du Code civil, détermine les seuls cas où il est permis aux tribunaux de prononcer la contrainte par corps en matière civile. » Au nombre de ces cas, ne sont pas les dommages-intérêts adjugés par les tribunaux.

L'art. 2063, défend à tous juges, à peine de nullité, de prononcer la contrainte par corps, hors les cas déterminés par les articles précédens qui n'ont aucun rapport à la cause.

» A la vérité, l'art. 126 du nouveau Code de procédure civile, laisse à la prudence des juges, à prononcer la contrainte par corps pour dom-mages-intérêts, en matière civile, au-dessus de 500 francs.

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Mais cette disposition n'était pas applicable à l'espèce.

>> En effet, la cour d'appel était saisie de la contestation, dès le 22 septembre 1806, et, aux termes de l'article 1041 du Code de procédure, ce Code ne devait être exécuté qu'à dater du 1o. janvier 1807, et les seuls procès, intentés depuis cette époque, devaient être instruits conformé ment à ses dispositions.

>> Quelques doutes s'étant élevés sur le sens de ce dernier article, ils ont tous été dissipés par l'avis du conseil d'état du 6 janvier 1807, qui dit

formellement, entr'autres choses, que les appels interjetés avant le 1o. de ce mois, ne seront pas régis par le nouveau Code. >>

Ces moyens et la requête du sieur Roustan ont été rejetés par un arrêt de la section des requêtes de la cour de cassation, rendu, au rapport de M. Cochard, le 12 août 1807, dont voici les motifs principaux.

<< Attendu que l'article 1041 du Code de procédure civile, qui ordonne qu'il ne sera exécuté qu'à commencer du 1°. janvier 1807, ne doit être entendu que relativement à celles de ses dispositions, qui concernent la forme d'instruction des procédures, et non aux autres dispositions législatives contenues au même Code; qu'il est d'autant moins possible de révoquer en doute cette vérité, que l'avis du conseil d'état, du 6 janvier 1807, ne parle que de la seule instruction des procédures civiles, en ne maintenant l'ancienne forme, que dans celles intentées avant le 1er. janvier 1807; d'où il suit qu'il n'a eu en vue que la seule instruction, et que ses dispositions ne s'étendent à rien de plus; et attendu que, dans le fait, la condamnation par corps au paiement d'une somme de 1500 livres, par forme de dommages-intérêts adjugés au sieur Pradelle, contre le sieur Roustan, n'a nul rapport avec l'instruction de la procédure terminée par Ia cour d'appel de Grenoble ; mais qu'elle a pour objet, tout au contraire, le fondement de la contestation qui subsistait entre les parties; d'où il suit que ladite cour, en prononçant une pareille condamnation, nonseulement n'est point contrevenue à l'art. 1041 du Code de procédure civile, mais qu'elle a fait, au contraire, une juste application de l'art. 126 qui lui en donnait le droit, rejette, etc. »

CODE NAPOLÉON.

§. I.

A défaut de loi générale ou particulière, de statuts ou usages locaux, et de jurisprudence fixe, sur une question relative à un contrat antérieur au Code Napoléon, les tribunaux sont-ils tenus, ou au [moins leur est-il permis, de juger conformément aux dispositions du Code 2

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Domat, liv. 1, tit. 1, sect. 1, n°. 14, dit qu'on peut soumettre les affaires pendantes et indécises, aux lois nouvelles, si elles règlent des

questions pour lesquelles il n'y avait aucune loi, ni aucune coutume. Il se fonde sur la loi unique, Cod. de contr. jud. Voyez aussi Voët, in tit. ff. de legat.

Déjà plusieurs tribunaux ont adopté cette opinion, et appliqué les dispositions du Code à des contrats antérieurs. Nous nous bornerons à citer trois arrêts sur lesquels nous présenterons ensuite quelques observations.

Le 15 nivose an 10, Derécalde vend, à l'audience des criées du tribunal civil de la Seine, à Tondu Muyroger, une partie du couvent des BlancsManteaux, situé à Paris.

Muyroger ayant éprouvé éviction d'une partie des bâtimens et terrains qui lui avaient été vendus, demande une réduction du prix, par forme d'indemnité, et prétend que, conformément à l'art. 1637 du Code Napoléon, cette indemnité doit lui être payée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix de la vente.

Derécalde répond que l'art. 1637 ne pouvait, sans effet rétroactif, être appliqué à une vente faite en l'an 10; qu'en conséquence il fallait régler l'indemnité, en cas d'éviction, comme elle l'était avant le Code; qu'alors elle se réglait d'après les circonstances, d'après les règles de l'équité ; et que, dans l'espèce, Muyroger n'éprouvait aucune perte.

Par arrêt du 17 prairial an 12, la cour d'appel de Paris a décidé que la disposition de l'art. 1657 était applicable.

<< Considérant, est-il dit dans l'arrêt, que cette disposition du Code peut être appliquée par les juges aux contrats antérieurs, sans tomber dans le vice de la rétroactivité, parce qu'elle n'est contraire à aucune loi française antérieure, et parce qu'elle n'est que la déclaration législative d'un principe d'équité préexistant, etc. »

Le second arrêt est intervenu dans l'espèce suivante :

Le 11 nivose an 7, Euphrosine, ex-religieuse, vendit un domaine au sicur Berlioz: elle était alors malade.

Le prix de la vente fut fixé à cent mille francs, dont moitié resta, à fonds perdu, dans les mains de l'acquéreur, moyennant une pension viagère de

six mille francs.

La venderesse étant morte, le 16 messidor suivant, ses héritiers attaquèrent la vente comme infectée de dol réel et personnel, et comme renfermant une nullité, à raison de l'incertitude des chances.

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