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moment de leur mariage, dans le ressort de la coutume de Senlis, où la communauté était admise, il y avait, à défaut de stipulation contraire dans leur contrat, une communauté qui, quoique purement légale, était pré-somptivement conventionnelle, et s'étendait sur tous les meubles et conquêts, en quelques coutumes qu'ils fussent situés.

Deux autres arrêts du parlement de Paris, des 27 juillet 1745 et 7 mai 1746, ont aussi décidé qu'entre époux, qui s'étaient mariés sans contrat, et qui étaient domiciliés, au moment de leur mariage, dans le ressort d'une coutume qui n'admettait pas de communauté, sans stipulation expresse, il n'y avait pas de communauté légale, même à l'égard des biens acquis pendant le mariage, qui se trouvaient situés dans le res sort d'autres coutumes où la communauté était de droit, lorsqu'il n'y avait pas de convention contraire.

Cependant Dumoulin, dans son opinion sur les effets de la communauté légale, n'avait parlé que des meubles et des conquêts: il n'avait pas dit que cette communauté dût embrasser généralement tous les biens des époux, même ceux qu'ils avaient avant le mariage ; et c'était dans le même sens, que la jurisprudence avait consacré sa doctrine.

Les divers arrêts que nous venons de citer, avaient étendu, seulement sur les meubles et les conquêts faits pendant le mariage, quoique situés dans des coutumes de non communauté, les effets de la communauté Jégale, et il existe d'autres arrêts qui ont décidé que cette communauté ne devait pas s'étendre sur les biens qu'avaient les époux avant leur mariage, quoiqu'ils se fussent mariés, sans contrat, sous l'empire d'une coutume qui admettait la communauté générale.

Cette distinction est encore une conséquence du principe établi par Dumoulin, que c'est la convention tacite des époux, et non la coutume, qui est la cause immédiate de la communauté légale, et qui imprime aux héritages la qualité de conquêts.

Car s'il est naturel de présumer que des époux qui se sont mariés, sans contrat, dans une coutume de communauté, ont eu l'intention et ont fait une convention tacite de rendre communs entr'eux tous les fruits de leur collaboration commune pendant leur mariage, et même de confondre, dans cette communauté, leurs meubles actuels; on ne peut pas également présumer qu'ils aient voulu se dépouiller respectivement de la propriété des immeubles que chacun d'eux avait avant le mariage, pour se les

partager entr'eux, en les faisant entrer dans leur communauté ; et il est évident que, pour une disposition de cette nature, qui était contraire au droit commun, il ne fallait rien moins qu'une convention expresse. Avant de terminer cette discussion sur les effets de la convention tacite, en matière de communauté, nous devons encore faire observer que la communauté légale ne s'étendait pas sur les biens acquis, pendant le mariage, dans le ressort de la coutume de Normandie, par la raison que cette coutume prohibart formellement la communauté entre époux, et qu'il fallait conséquemment, pour faire cesser cette prohibition, une dérogation expresse à la disposition du statut local.

Le parlement de Rouen n'admettait pas même la dérogation; mais elle était admise par le parlement de Paris.

III. Il nous reste encore à examiner quelques difficultés sur la fixation du véritable domicile matrimonial des époux, pour décider, dans un grand nombre de cas particuliers, si, à raison de la différence des coutumes où les époux pouvaient avoir leur domicile réel, au moment de leur mariage, il y a eu, ou non, entr'eux communauté légale.

Et d'abord il est certain qu'il ne faut pas considérer le lieu où le contrat a été passé ni celui où le mariage a été célébré, mais celui où le mari avait son domicile, au moment du mariage.

Dumoulin, dans son traité de Statutis, servant de commentaire à la loi 1, de summá trinitate, au Code, dit: Hinc infertur, ad quaestionem quotidianam de contractu dotis et matrimonii, qui censetur fieri non in loco in quo contrahitur, sed in loco domicilii viri.

Voyez aussi Boullenois, dans son traité des statuts réels et personnels, part. 2, tit. 2, chap. 4.

Il ne peut y avoir la moindre difficulté, lorsque les deux époux ont le même domicile, au moment où ils se marient; mais si, au moment du mariage, l'un des époux était domicilié à Lyon, et l'autre à Paris, et qu'ils se soient mariés sans contrat, par laquelle des deux coutumes réglera-t-on s'il y a eu communauté entre les époux?

Il est encore certain, qu'indépendamment de toutes autres circonstances dont il va être parlé, c'est à la coutume où le mari avait son domicile que les deux époux sont censés s'en être rapportés, et qu'ainsi c'est cette coutume qu'il faut uniquement consulter sur le fait de la communauté. La femme, en se mariant, suit le domicile de son mari, et l'on doit supposer

qu'elle s'est soumise à la loi que ce domicile va lui donner, et non que le mari ait voulu se soumettre à la loi du domicile qu'avait son épouse, et qu'elle abandonne.

Qu'on n'objecte pas, dit Dumoulin, loco citato, que la femme ne peut pas être censée avoir contracté, suivant des lois qu'elle ignorait, et qu'on doit présumer en elle une ignorance complète des lois du domicile de son mari ; la présomption de droit est, au contraire, que les lois du domicile du mari ont été parfaitement connues de la femme, de sa famille ou de ses conseils, lorsqu'elle a contracté. Præsumuntur sponsa et facientes pro cá, scivisse consuetudinem vel statutum domicilii viri, tùm quia notorium, tùm per regulam juris, qui cum alio contrahit debet esse non ignarus conditionis ejus; quod si scire vel taliter pacisci neglexerunt, perindè est ac si scivissent, sibique imputare debent.

Mais si le mari s'établissait à Lyon, immédiatement après son mariage, avec intention d'y fixer son domicile, il est évident qu'abdiquant son domicile à Paris pour le transporter à Lyon, ce serait à la coutume de Lyon qu'il serait censé avoir voulu se soumettre, relativement aux pactions matrimoniales.

Il y aurait donc, dans le premier cas, communauté légale entre les époux: il n'y en aurait pas dans le second.

Par la même raison, il faudrait décider encore que, si un Parisien épousait une Lyonnaise à Poitiers ou à Bourges, avec l'intention d'aller fixer son domicile à Lyon, il n'y aurait pas entre les époux de communauté légale.

En un mot, comme l'avait très-bien jugé un arrêt du parlement de Flandre, du 50 mars 1697, il ne faut considérer uniquement, ni le domicile qu'avait le mari, ou la femme, avant de se marier, ni le lieu où le contrat de mariage a été passé, ni le lieu où les époux ont reçu la béné diction nuptiale, pour décider par quelle loi ils sont présumés avoir voulu régler leurs droits et leur état ; mais il faut surtout considérer le lieu où les conjoints se proposent de s'établir après le mariage; et c'est toujours par la coutume de ce lieu, que doivent être réglés leur état et leurs droits résultant du mariage, parce qu'il est évident, s'ils ne se sont pas expliqués, qu'ils ont en l'intention d'être régis par la loi du pays où ils vont établir leur domicile, leur état, leur existence civile, plutôt que par la loi du pays qu'ils abandonnent.

Cela est conforme à la disposition de la loi 65, D. de judiciis.

Telle était aussi l'opinion de Barthole, de Lebrun, etc. ; et plusieurs arrêts l'ont ainsi jugé.

Ces principes avaient lieu, lors même que les époux n'étaient pas citoyens du même état. Ce n'était pas, suivant les lois du pays où le contrat avait été passé, mais suivant celles du lieu du domicile du mari, que les conventions matrimoniales devaient être régies.

C'était une maxime établie par Barthole, par Furgole et plusieurs autres auteurs célèbres, que, quandò mulier contraxit matrimonium cum viro qui erat illius regni ubi vigent leges et statuta circà matrimonium et communicationem bonorum, censetur contraxisse secundùm consuetudinem regni viri.

S. II.

Lorsqu'une communauté conventionnelle, ou légale, avait été établie sous l'empire d'une coutume qui permettait au mari de disposer, même à titre gratuit, de la totalité des meubles ou immeubles dépendant de la communauté, le mari a-t-il eu le droit, depuis la publication de la loi du 10 février 1804 (20 pluviose an 12), de faire une donation des biens communs, autrement qu'il n'est permis par l'art. 1422 du Code Napoléon?

pår

que,

gra

On peut dire sur cette question, que, suivant les principes établis au paragraphe précédent, les droits de la communauté légale, et, à plus forte raison, ceux de la communauté conventionnelle, devant être réglés par la loi qui régissait les époux au moment de leur mariage, il en résulte si cette loi conférait au mari le droit de disposer, même à titre tuit, de la totalité des biens meubles ou immeubles de la communauté, le mari n'a pu être dépouillé de ce droit par le Code Napoléon; que ce droit lui ayant été acquis par la loi existante au moment de la formation de la communauté, ne peut recevoir aucune atteinte, aucune aliénation, de la part d'une loi nouvelle; qu'autrement il y aurait, de la part de cette loi, un effet rétroactif sur une convention expresse, ou tacite, qui, sous J'une ou l'autre qualité, doit être également hors de son empire, puisqu'elle est définitivement réglée, quant aux droits ; qu'ainsi la disposition de l'art. 1422 du Code Napoléon, ne doit être appliquée qu'aux communautés établies depuis la promulgation de la loi du 10 février 1804.

Mais nous répondons que, dans cette matière, comme dans toutes les autres, il faut distinguer entre les droits réels, c'est-à-dire ceux qui ont les biens pour objet spécial, et les droits personnels, c'est-à-dire ceux qui sont spécialement attachés aux personnes, et qui sont relatifs à la capacité, à l'état, aux qualités civiles;

Qu'il est hors de doute qu'une loi nouvelle ne peut porter aucune atteinte à des droits réels, qui étaient définitivement acquis sous l'empire de la loi antérieure ;

Mais qu'elle peut, ainsi que nous l'avons établi à l'article Autorisation maritale, faire cesser, dès le moment de sa promulgation, l'exercice des droits purement personnels que la loi antérieure avait conférés;

Qu'ainsi, la faculté accordée au mari, par les anciennes coutumes, de disposer, à titre gratuit, de la totalité des biens de la communauté, étant un droit purement personnel, puisqu'elle était attachée à sa personne et à sa qualité de mari, aurait pu être anéantie, et, à plus forte raison, a pu être modifiée, par le Code Napoléon, à compter du moment où il a fait une nouvelle disposition à cet égard ;

Et qu'il en résulte définitivement, qu'à compter de la promulgation de la loi du 10 février 1804, le mari n'a conservé le droit de disposer, à titre gratuit, des biens de la communauté, qu'avec les restrictions prescrites par l'art. 1422 du Code.

D'ailleurs, il est de principe certain, que la faculté de disposer à titre gratuit, et la quotité de la portion disponible, doivent être toujours réglées par la loi existante au moment de la disposition, lorsqu'il s'agit d'une donation entre-vifs; et il ne peut être question, dans l'espèce que nous examinons, que d'un don entre-vifs. Sous l'empire même des coutumes, les dispositions des biens communs, lorsqu'elles étaient faites par le mari, dans un testament, ou autre acte révocable à cause de mort, ne produisaient d'effet que jusqu'à concurrence de la portion qui lui appartenait dans la communauté, ces dispositions ne s'ouvrant que dans un tems où les droits du mari sur la communauté, se trouvaient limités à la portion que la convention, ou la loi, lui attribuait.

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