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§. II I.

Lorsqu'il y a eu, dans un pays coutumier, continuation de commu→ nauté entre le survivant des époux et les héritiers du prédécédé, à défaut d'inventaire ou de partage, la communauté continuée a-t-elle été interrompue et dissoute, de plein droit, dès le moment de la publication de la loi du 10 février 1804, (20 pluviose an 12), en vertu de l'art. 1442 du Code Napoléon?

La continuation de communauté a-t-elle pu être interrompue, après comme avant cette loi, par un inventaire, sans partage, ou par un acte équipollent à partage?

Le survivant des époux, qui, depuis cette loi, a fait cesser la continuation de communauté, peut-il réclamer, à compter de la demande, et conformément à la loi sur la puissance paternelle,la jouissance des biens des enfans avec qui la communauté avait été continuée? Si les enfans parvenus à leur majorité, refusent la continuation de communauté, le survivant des père et mère est-il tenu de leur rendre compte de toutes les jouissances de leurs biens depuis la mort du prédécédé, ou peut-il retenir l'usufruit, conformément à la loi sur la puissance paternelle?

I. La continuation de communauté était la durée non interrompue de la communauté, soit légale, soit conventionnelle, qui avait existé entre deux époux, et qui, à défaut d'inventaire ou de partage après la mort de l'un d'eux, se perpétuait entre le survivant et les héritiers du prédécédé.

Elle avait pour objet de punir le survivant qui avait négligé de faire constater, par un inventaire, la portion de biens que devaient avoir, dans la communauté, les héritiers de son conjoint. Ce défaut d'inventaire faisant, d'ailleurs, présumer que le survivant avait eu l'intention de laisser tous les biens en commun, on regardait comme une justice de donner aux héritiers le droit d'exiger cette continuation de communauté, si elle leur paraissait avantageuse.

Elle n'avait lieu, cependant, que dans les pays coutumiers; et encore elle n'y fut introduite que par l'art. 118 de l'ancienne coutume de Paris. Elle fut maintenue par les art. 240 et 241 de la nouvelle coutume, et adoptée par beaucoup d'autres.

Elle était même de droit commun, suivant les termes de la coutume de Paris, dans celles qui n'avaient aucune disposition contraire, mais où la communauté était admise.

Les coutumes qui l'avaient adoptée par des dispositions expresses, ne l'avaient pas toutes adoptée d'une manière uniforme.

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Les unes, comnic celle de Paris, ne l'avaient admise qu'en faveur des enfans mineurs ; les autres, comme celle du Bourbonnais, l'avaient admise en faveur de tous les enfans, mineurs ou majeurs.

Mais, dans aucune, les enfans mineurs n'étaient obligés d'accepter la continuation de communauté; ils avaient seulement, à l'époque où ils étaient devenus majeurs, la faculté de l'exiger contre le survivant des père et mère, qui n'avait pas opéré la dissolution par un inventaire ou par un partage.

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Les unes comme celle de Paris, ne l'avaient admise qu'en faveur des enfans et descendans du prédécédé ; d'autres, comme celle de Montargis, l'avaient admise, même en faveur des héritiers collatéraux.

Les unes, comme celle d'Orléans, ne l'avaient admise que lorsque les conjoints n'étaient pas nobles: les autres, comme celle de Paris, ne faisaient aucune distinction quant à la qualité des conjoints.

Les unes exigeaient, pour la dissolution de la communauté conjugale, un inventaire en bonne forme ; les autres un inventaire, ou un partage; et quelques-unes exigeaient seulement un acte ou convention équipollent partage.

Cette matière donnait lieu à une foule de contestations sur la forme des inventaires, sur la nature des actes qu'on pouvait regarder comme équipollens à partage, sur les effets de la continuation de communauté, et sur beaucoup d'autres points controversés.

Le Code Napoléon en a tari la source, en disposant, par l'article 1442, au titre du contrat de mariage, que le défaut d'inventaire, après la mort naturelle ou civile de l'un des époux, ne donne pas lieu à la continuation de communauté; et il a suffisamment pourvu aux intérêts des héritiers du prédécédé, 1o. en leur réservant toutes les poursuites de droit, relativement à la consistance des biens et effets communs, dont il a autorisé la preuve tant par titres, que par commune renommée; 2°. en privant, l'époux survivant, qui a négligé de faire inventaire, de la jouissance des revenus de ses enfans mineurs ; 5o. en statuant que le subrogé tuteur.

qui n'a pas contraint le survivant à faire inventaire, sera solidairement tenu avec lui, de toutes les condamnations qui pourront être prononcées au profit des mineurs.

Il s'agit de savoir aujourd'hui si la disposition de l'art. 1442 du Code, peut avoir quelque influence sur les communautés qui, avant la publication de la loi du 10 février 1804, se trouvaient continuées conformément aux anciennes coutumes.

Nous pensons que cette disposition n'a pas suffi pour interrompre et dissoudre, de plein droit, les continuations de communauté qui étaient alors légalement établies, et qu'elles n'ont pu être dissoutes que par un inventaire, ou un partage en bonne forme.

En effet, d'après les dispositions des coutumes, dès le délai pour

que

faire inventaire était expiré, s'il n'y avait eu ni inventaire, ni partage, ni acte équipollent à partage, ou si ces actes n'étaient pas en bonne forme, les héritiers du prédécédé avaient acquis un droit irrévocable à la continuation de communauté, à compter de la mort de celui des époux qu'ils représentaient : ils étaient saisis de ce droit par la loi même qui existait alors, et le survivant ne pouvait plus faire cesser la continuation de communauté, qu'à compter du moment où il remplissait les formalités nécessaires pour la dissoudre.

L'art. 1442 du Code Napoléon, aurait donc évidemment un effet rétroactif, s'il anéantissait, par sa scule autorité, un droit réel, qui était définitivement acquis avant sa promulgation,, s'il enlevait aux héritiers du -prédécédé des époux, des avantages que leur avaient conférés les lois

anciennes.

Il est évident d'ailleurs, et par la manière dont il est rédigé, et par la disposition générale de l'art. 2 du. Code, qu'il ne stipule que pour l'avenir, et qu'il n'interdit la continuation de communauté, que pour les cas où, après sa promulgation, l'un des époux meurt naturellement ou civilement.

Vainement on dirait que la continuation de communauté n'étant pas définitivement établie, puisque les héritiers du prédécédé conservaient la faculté de la refuser, lorsqu'ils seraient majeurs, le Code Napoléon, qui l'a trouvée dans cet état d'incertitude, a pu la régir, et conséquemment la faire cesser.

Mais la faculté qu'avaient les héritiers de renoncer à la continuation de communauté, si elle ne leur semblait pas avantageuse, n'empêchait pas que.

le droit d'exiger cette continuation, s'ils la jugeaient utile, ne leur fût définitivement acquis. La faculté de renoncer n'appartenait qu'à eux: elle n'était pas également accordée au survivant des époux. Celui-ci ne pouvait interrompre la continuation que pour l'avenir, en remplissant les formalités prescrites, et l'accomplissement de ces formalités n'empê– chait pas que la communauté n'eût été continuée jusqu'alors, à compter du décès du prédécédé. Le droit était donc irrévocable en faveur des héritiers, quoiqu'ils pussent y renoncer: il n'avait à leur égard rien d'incertain, puisqu'ils ne pouvaient en être privés que par une renonciation volontaire faite en majorité; et conséquemment, le Code Napoléon ne pourrait les en dépouiller, sans injustice et sans rétroactivité, s'ils veulent l'exercer, lorsqu'ils sont devenus majeurs, même après le Code.

et

II. Un inventaire fait par le survivant des époux, après la publication du Code, a suffi pour interrompre, dès le moment de sa confection quoiqu'il n'ait pas été suivi d'un partage, la communauté qui se trouvait continuée en vertu des anciennes coutumes.

Ces coutumes n'exigaient elles-mêmes qu'un inventaire, pour dissoudre, à quelque époque que ce fût, la continuation de communauté, et l'art. 1442 du Code, n'oblige également le survivant des époux qu'à faire un inventaire, sans l'astreindre à provoquer partage.

Mais, depuis la promulgation du Code, il ne suffirait plus, pour la dissolution, de faire, avec des mineurs, des actes équipollens à partage, même dans les anciens ressorts des coutumes qui admettaient ces espèces d'actes. Le Code ne reconnaît pas, à l'égard des mineurs, d'actes équipollens à partage, et tout ce qui concerne la forme des actes, est soumis à la loi qui existe au moment où ils sont rédigés.

III. Lorsque la continuation de communauté a été interrompue et dissoute après la publication du Code, il est certain que le survivant des père et mère, doit avoir, dès le moment de la dissolution, et en vertu de la loi, sur la puissance paternelle, la jouissance des revenus de ses enfans mineurs avec lesquels il a cessé d'être commun.

Il ne pouvait avoir cette jouissance, tant qu'a duré la continuation de communauté, puisque l'une était absolument exclusive de l'autre, puisque tout ne serait pas resté en commun, si le survivant avait pu faire son profit particulier des revenus de ses enfans; mais l'obstacle qui s'opposait à cette jouissance particulière, ayant cessé, la loi sur la puissance paternelle doit reprendre tout son empire.

Dirait-on que le survivant avait renoncé volontairement à l'usufruit des biens de ses enfans, en laissant continuer la communauté conjugale, et qu'il ne peut pas révenir contre cette renonciation, quoiqu'il fasse dissoudre la communauté ?

Mais cette renonciation ne pouvait pas être plus irrévocable que la continuation de communauté dont elle était l'effet et la conséquence; ct comme le survivant conservait toujours le droit d'interrompre et de faire cesser la communauté continuée, il est évident qu'il conservait aussi le droit de reprendre l'usufruit légal des biens de ses enfans, au même instant où cesserait la communauté qui avait fait cesser l'usufruit. Cessante causâ, cessat effectus.

IV. Il doit en être de même, si les enfans, devenus majeurs depuis la promulgation du Code, ne veulent pas accepter la continuation de com

munauté.

Dans ce cas, la communauté se trouvant dissoute, dès l'instant de la mort de l'un des époux, le survivant a le droit de réclamer l'usufruit légal des biens de ses enfans, parce qu'il n'y a pas cu réellement de continuation de communauté.

Il a ce droit, à compter de la publication de la loi du 23 mars 1803, (3 germinal an 11), relative à la puissance paternelle, dans les pays où l'usufruit ne lui était pas accordé par les lois antérieures; et à compter de la mort du prédécédé, dans les pays où, suivant les dispositions du droit écrit, l'usufruit était dévolu au survivant des père et mère.

Néanmoins, si la loi qui régissait les père et mère, au moment du décès de l'un d'eux, imposait au survivant l'obligation de faire inventaire, à peine de privation de l'usufruit légal, le survivant qui aurait négligé cette formalité, ne pourrait, en aucun tems, réclamer l'usufruit, lors même que les enfans n'accepteraient pas la continuation de communauté. Il aurait encouru, en ne faisant pas inventaire, la double peine d'être privé de l'usufruit et de rester en communauté avec ses enfans.

Il faudrait décider, par les mêmes motifs, que, dans le ressort des coutumes où l'usufruit légal n'avait pas lieu, le survivant des père et mère, qui, en vertu de la loi du 23 mars 1803, aurait en droit à cet usufruit sur les biens de ses enfans encore mineurs et non émancipés, n'ayant pu le conserver, après la publication de la loi du 10 février 1804, qu'en faisant procéder à un inventaire, si déjà il n'avait pas rempli cette formalité, ne pourrait

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