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hautes dignités dont vous êtes revêtu, et que vous soutenez avec tant d'éclat et de gloire : ils sont dus encore aux vastes connaissances qui distinguent si éminemment votre Personne.

Tous les hommes qui consacrent leurs veilles à la science des lois, s'enorgueillissent, MONSEIGNEUR, de pouvoir vous citer comme leur maître, leur modèle et leur patron: chacun d'eux éprouve les effets de cette affectueuse bienveillance qui vous attache tous les cœurs; et c'était pour moi particulièrement une obligation, de donner à Votre Altesse un témoignage public de ma reconnaissance et de mon dévouement.

Je suis avec un profond respect,

MONSEIGNEUR,

de votre Altesse Sérénissime,

Le très-humble et très-obéissant serviteur,

CHABOT DE L'ALLIER,

OBJET ET PLAN DE L'OUVRAGE.

LE passage d'une législation à une autre, est toujours hérissé de grandes difficultés.

La loi nouvelle trouve des droits établis, mais qui ne sont pas encore définitivement acquis, ou qui ne sont pas encore ouverts, ou enfin qui ne se réalisent et ne produisent d'effets, que depuis sa promulgation.

Réglera-t-elle ces droits divers, ou seront-ils réglés par l'ancienne loi?

Sans doute, la loi nouvelle ne doit pas avoir d'effet rétroactif : elle ne dispose que pour l'avenir.

C'est un principe fondamental, en législation civile, comme en législation criminelle: on le trouve solennellement proclamé dans le second article du Code Napoléon.

Mais ce principe doit être bien entendu, pour être bien appliqué.

C'est précisément sur son application, que s'élèvent les difficultés.

Quel est le point auquel doit s'arrêter l'effet de la loi nouvelle, pour n'être pas rétroactif?

Est-ce toujours au moment qui précède immédiatement la publication de la loi, en sorte que tous les actes, tous les droits, qui sont antérieurs, soient absolument hors de son empire ?

Dans ce cas, il n'existerait pas réellement de questions transitoires, puisqu'il n'y aurait toujours à faire qu'une simple vérification de dates.

Mais la loi nouvelle ne peut-elle donc jamais, sans avoir

un effet rétroactif, agir sur le passé, lors même qu'il n'est pas définitivement consommé ?

Mais suffit-il qu'un droit ait pris naissance avant la publication de la loi, pour qu'elle ne puisse jamais le régir, même dans ses effets postérieurs?

De ces questions générales naissent, en grand nombre, d'autres questions particulières.

Si le droit n'était pas établi d'une manière fixe et permanente, s'il était sujet à révocation, s'il ne se trouvait consolidé et définitivement acquis, que depuis la promulgation de la loi nouvelle, cette loi ne peut-elle, sans rétroactivité, le soumettre à ses dispositions ?

A-t-elle le même pouvoir, lorsque le droit définitivement acquis avant sa publication, ne s'est ouvert que postérieurement?

Ne doit-elle pas régir tous les effets qui ne commencent ou ne s'exercent, qu'après sa promulgation?

N'a-t-elle pas la même autorité sur toutes les conventions soumises à des conditions éventuelles, incertaines, et même révocatoires, qui ne s'accomplissent que sous son empire?

Ne s'empare-t-elle pas également de tous les droits qui existaient sans conventions expresses, et seulement en vertu des lois qu'elle abroge?

Ne doit-elle pas encore régir, à compter de sa promulgation, tous les droits personnels, sans exception, soit qu'ils aient été conférés par les lois antérieures, soit qu'ils aient été stipulés sous l'empire de ces lois ?

Tels sont les cas principaux où il s'agit d'examiner, 1o. si la loi nouvelle peut s'appliquer sans effet rétroactif; 2°. si elle doit être réellement appliquée.

En un mot, quel est le terme où doit s'arrêter la loi ancienne, pour ne pas étendre son autorité sur l'empire de la loi nouvelle ? Quel est le terme où doit s'arrêter la loi nouvelle, pour ne pas produire d'effet rétroactif sur ce qui a été fait sous l'empire de la loi ancienne ?

Tel est l'objet, des questions qu'on appelle transitoires, et qui se compliquent encore de toutes les difficultés qui naissent de la différence des espèces, de toutes les difficultés qui appartiennent aux matières mêmes sur lesquelles elles sont élevées.

Ces questions ont dû se présenter en foule, dès le moment où toutes les lois romaines, toutes les ordonnances, toutes les coutumes, fous les statuts et règlemens, dont le nombre était si prodigieux, et qui régissaient, d'une manière si différente, souvent même si contraire, les diverses provinces de la France, ont été abrogés et remplacés par un Code unique, qui a fait de grands changemens dans toutes les parties de la législation, et soumet à des règles uniformes tout le territoire de l'empire.

Cependant le législateur, en publiant ce Code, n'a donné de lois transitoires, qu'à l'égard des enfans naturels, des adoptions, des divorces; et toutes les autres matières se trouvent ainsi abandonnées, en ce qui concerne la transition, à la discussion des jurisconsultes, à la décision des magistrats.

Mais il est arrivé, et l'on devait bien s'y attendre, que les jurisconsultes n'ont pas été d'accord sur les questions qui se sont élevées de toutes parts, et que les cours de justice elles-mêmes ont souvent rendu des décisions contraires.

Il y a eu débats sur les principes; il y en a eu sur l'application; et les passions et l'intérêt personnel sont venus

aggraver encore cet état d'incertitude, au grand préjudice de la tranquillité des familles.

De là, une foule prodigieuse de contestations et de procès qui retentissent dans tous les tribunaux de l'empire, et qui peuvent se renouveler long-tems encore, puisqu'il doit s'écouler plus d'un demi-siècle, avant que tous les droits qui sont nés des lois anciennes, ou de conventions faites sous l'empire de ces lois, aient été définitivement acquis, exercés et jugés.

J'ai donc pensé que, dans ces circonstances, on avait besoin d'un ouvrage où seraient établis les principes géné raux d'après lesquels doivent être réglés les droits antérieurs au Code Napoléon, et qui présenterait, en même tems, une application raisonnée de ces principes, de manière que l'exemple réuni au précepte, dans un grand nombre d'espèces, pût offrir un modèle pour discuter tous les autres cas particuliers, et les résoudre,

J'ai entrepris cet ouvrage, sans peut-être avoir assez consulté mes forces, et me laissant entraîner par le désir et l'espoir d'être utile,

Je n'avais pas, il est vrai, dirigé sur un plan si étendu, mes premiers travaux sur cette matière.

En examinant des questions transitoires qui m'étaient proposées, et d'autres encore sur lesquelles je voyais s'établir une sérieuse controverse, j'aperçus bientôt qu'il pouvait s'en présenter dans toutes les parties du Code.

Alors, j'essayai d'appliquer à des espèces différentes entre elles, quelques-uns des principes que j'avais adoptés, et insensiblement je traitai un grand nombre de ces questions, parce qu'elles naissaient en foule, les unes des autres,

Revoyant ensuite ce travail, je reconnus que toutes les décisions particulières se rattachaient à des règles communes,

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