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Mais aux âmes bien nées,

La vertu n'attend pas le nombre des années

Marguerite. Avec tout ça, je reste là le bec dans l'eau.' Caroline, (lui prenant le bras.) C'est avec moi que tu dois

venir.

Victor, (l'arrêtant par l'autre bras.) Je t'ai dit de rester. Marguerite. Doucement! doucement! si ça continue, ils vont m'emporter par pièces et par morceaux.

Madame Duservant, (froidement.) Je vous avertis qu'il est sept heures, et que vos invitations sont pour huit.

Caroline. Oh! mon Dieu! mon Dieu! quel entêtement, je ne serai jamais prête.

Victor. Le salon ne sera pas en ordre.

Madame Duservant. Passons dans mon appartement, Lebreton, et laissons les maîtres de s'arranger dans ce salon. M. Lebreton. Je vous suis. (Ils sortent.) Caroline. C'est vraiment insupportable! Victor. C'est un entêtement affreux! Caroline. Je vous conseille de parler.

Victor. Voyons, Marguerite, ne l'écoutons pas, et com

mençons.

Caroline, (pleurant.) Quelle indignité! Comment voulezvous que je me montre sans être habillée ?

Marguerite. Quant à moi, je ne vous obéirai à l'un ou à 'autre, que lorsque vous serez d'accord.

SCÈNE V.

Les Précédens, Baptiste.

Baptiste. Monsieur Victor, toutes vos lettres sont remises, vos amis ont promis de se rendre à votre fête, ainsi, vous ne tarderez pas à les voir.

Marguerite. Je leur conseille d'envoyer d'autres lettres pour les prier de rester chez eux, car, du train qu'ils vont...2

Victor. C'est bien, on ne te demande pas tes avis... Puisque Baptiste est là, il va rester avec moi, et je te permets J'aller avec ma sœur.

Marguerite. Ce n'est pas malheureux que monsieur nous permette !...

'On me fait attendre, on m'amuse de belles paroles.

° De la manière qu'ils vont.

Carolinc. C'est pitoyable!... Comme si je n'avais pas plus d'autorité que lui.... Mais viens vite, Marguerite.

Marguerite, (à part en la suivant.) Ils ne valent pas mieux 'un que l'autre. (Elles sortent.)

SCÈNE VI.

Victor, Baptiste.

Victor. Ah ça, commençons, nous autres.' Voilà d'abord un guéridon qu'il faut enlever.

Baptiste. Voulez-vous le soulever de votre côté, afin de ne pas rayer le parquet?

Victor. Tiens! je vous trouve plaisant... Je suis ici pour commander et vous pour m'obéir, et je ne suis pas fait pour vous aider.

Baptiste. Eh bien! moi, je vous déclare que si vous prenez ces manières là avec moi, je vous enverrai promener.' Victor. Qu'est-ce à dire ? maman ne m'a-t-elle pas remis son autorité sur vous.

Baptiste. Votre maman n'entend pas que vous soyez malhonnête envers moi, et que je sois assujéti aux caprices d'un enfant de votre âge, vous avez avec moi un ton qu'elle même n'a jamais pris; changez de note, si vous voulez que nous nous arrangions, essayez d'être poli, et vous verrez que je ferai tout pour vous être agréable.

Victor. Allons, on va mettre des gants pour vous parler... Mais, achevons de pousser ce guéridon, car si je ne cède pas à votre idée... (Ils poussent le guéridon et Baptiste continue l'arrangement du salon.)

Baptiste. Mes idées sont raisonnables.

Victor. Dites donc que vous abusez de ce que je suis encore jeune; mais patience, un jour, je saurai bien me faire servir.

Baptiste. Le meilleur moyen pour cela, voyez-vous, c'est de se faire aimer.

Victor. Ah! monsieur Baptiste qui fait des sentences: mais avec toute votre belle morale, nous n'avançons pas, vous êtes d'une lenteur... (Il regarde à la pendule.) Mon Dieu, sept heures trois quarts! dépêchez-vous donc !

Nous autres, vous autres, expression familière, ironique.

* Je vous laisserai là.

Baptiste. Parbleu! vous qui vous gobergez là,' que ne mettez-vous pas un peu la main à la pâte 2o au lieu de perdre votre temps à parler pour ne rien dire, si vous allumiez les bougies, par exemple.

Victor. Est-ce que j'ai des ordres à recevoir de vous, encore une fois? En vérité, il est bien ridicule de payer des gens et d'être obligé de faire leur besogne.

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Baptiste. Vous seriez déshonoré, sans doute? J'ai vu que votre père n'y regardait pas de si près, lorsqu'il était ici, et que nous avions un moment de presse.

Victor. Taisez-vous, vous n'êtes qu'un bavard.

SCÈNE VII.

Les Précédens, Marguerite.

Marguerite, (arrivant en colère. A la cantonade en entrant.) Non! mademoiselle, il y a assez long-temps que je souffre vos impertinences; vous achèverez de vous habiller comme vous l'entendrez... c'est impatientant, à la fin.

Baptiste. Ma foi, monsieur, je vous en dis autant.

Victor. Comment!

Baptiste. Oui, je m'en vais... Je ne conçois pas que ma danie nous contraigne d'endurer les sottises de deux enfans⚫ j'aimerais mieux quitter la maison.

Marguerite. Et moi aussi... Venez, Baptiste, laissons-les (Ils sortent.)

SCÈNE VIII.

Victor, et ensuite Caroline.

Victor. Ils s'en vont! et voilà l'heure où l'on va venir; je suis d'une colère !... allons trouver maman.

Caroline, (elle trent une ceinture à sa main.) Marguerite? Marguerite! mais venez donc, ne me laissez pas ainsi : c'est abominable... Où est-elle donc ?

Victor. Elle est partie avec Baptiste.

Caroline. Il faut que je la fasse chasser de la maison; c'est un trait indigne qu'elle me fait.

1 Se goberger, prendre ses aises.

2 Mettre la main à la pâte, aider à une besogae,

' Y regarder de près, être très scrupuleux.

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Victor. J'en demanderai autant pour Baptiste, qui laisse ce salon à moitié rangé.

Caroline. Et voilà huit heures! quel dépit! Tiens, fais. moi le plaisir d'agrafer ma robe; je mettrai bien ma cein

ture.

Victor. Ma foi non! c'est toi qui est la cause de tout cet embarras.

Caroline. C'est plutôt toi, avec ta mauvaise tête... Mais, mon Dieu, voilà qu'on arrive... quelle contrariété !...

SCÈNE IX.

Les Précédens, Charles et Adèle Grandson.

Charles. Bonsoir, mes bons amis... nous sommes exacts, j'espère.

Adèle. Veux-tu m'embrasser, Caroline?

vous donc ? je vous trouve l'air contrarié.

Mais qu'avez

Victor. Pardi! vous voyez que rien n'est en ordre ici, nos impertinens de domestiques nous ont laissés-là.

Caroline. Et moi, ma bonne m'a habillée à moitié.

Adèle. N'est-ce que cela? mon Dieu, tu vas être prête en un clin d'œil. (Elle arrange Caroline.)

Charles. Voyons, que faut-il faire pour mettre en ordre ce salon? À nous deux, Victor, nous allons avoir fait en une minute.

Victor. C'est toujours fort contrariant, quand on a des valets pour cela.

Adèle. Bah! c'est un petit malheur; voilà Caroline toute parée, nous allons vous aider.

Victor. Poussons d'abord cette grande table dans un coin, pour qu'elle ne gêne pas.

Charles. A nous deux! (Ils enlèvent la table.)

Victor. Pas si vite, done! Que tu-es butor! tu me fais passer la roulette sur le pied.

Charles. Que tu es poli, toi, c'est sans intention, sans doute.

Victor. Voyons, allumons les bougies.

Adèle. Où faut-il poser les candelabres?

Caroline. Sur la console.

Adèle. Bien !

Caroline. Mais, ma chère, vous n'avez pas de goût; vous voyez bien que les ornemens doivent être en dehors.

' Mal-adroit, stupide.

Adèle. Tu ne me donnes pas le temps.

Charles. Voilà nos bougies allumées.

Caroline. Je vais draper1 ces rideaux; pendant ce temps, Adèle, arrange la garniture de cheminée.

Victor. Nous, rangeons le canapé et les fauteuils.
Charles. Voyons.

Victor, (à Charles.) Est-ce que ça se place comme cela? Es-tu gauche !

Charles. Ma foi! tu peux les arranger toi-même.

Adèle. Tiens! vois Caroline, ma garniture de cheminée. Caroline. Hum! je ne t'en ferai pas compliment; tes vases sont mal placés, tes chandeliers ne doivent pas être si près. Tu ne serais pas encore bonne maîtresse de maison.

Adèle. Si je l'étais, je m'arrangerais de manière à ne pas avoir besoin de recourir à mes amis, afin de ranger mon salon!

Charles. Je commence à croire que vos domestiques n'ont pas eu tout-à-fait tort.

Adèle. Enfin tout est prêt, j'en suis charmée pour ceux que vous avez à recevoir plus que pour vous.

SCÈNE X.

Les Précédens, Mélanie D'Auberville, les Frères Durand. Ils restent debout; l'un d'eux, Félix, est bossu.

Mélanie. Bonjour, Caroline! Mesdemoiselles et messieurs, je suis votre servante.

Victor, (aux frères Durand.) Asseyez-vous donc, vous autres; vous vous tenez là comme des cierges.

Félix. Ne prenez pas tant de peine.

Edouard. Nous pensions être un peu en retard, mais nous ne sommes pas les derniers.

Mélanie. Vous manque-t-il encore beaucoup de monde? Ah! voici Adèle, je ne t'avais pas vue. (Elles s'embrassent., Charles, (à Félix.) C'est un baiser de Judas, car je sais qu'elle déteste ma sœur.

Félix. Je ne peux pas la souffrir, cette demoiselle; mais c'est la grande amie de Caroline, qui ne vaut guère mieux. Victor. Il nous manque encore les demoiselles Blinval. Mélanie. Ah! les trois Blinval, la savante, la bête et la prude.

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