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Caroline, (riant.) Ah! ah! ah! c'est plaisant.

Victor. Ma foi, elles sont bien nommées.

Félix. Si vous vous moquez ainsi des absens, ce n'est pas trop rassurant pour nous, et nous avons eu sans doute aussi notre paquet ?1

Charles. Monsieur, vous pouvez garder vos réflexions désobligeantes.

Mélanie. C'est que monsieur a quelque chose qui le rend susceptible.

Félix. Je ne m'en défends pas, j'ai quelque chose de travers, comme vous avez l'esprit,' chacun a ses défauts.

Adèle. Ah ça, sommes-nous ici pour pointiller ou entendre des choses désagréables?

Mélanie. Voici les demoiselles Blinval; vous allez les voir entrer en rang d'ognons.'

Edouard. Quelle mauvaise langue !

SCÈNE XI.

Les Précédens, les demoiselles Blinval.

Mélanie, (courant au-devant d'elles.) Ah! arrivez done, mes bonnes amies, nous commençions à nous ennuyer après vous. (Elles s'embrassent.)

Charles. Quelle fausseté!

Félix. C'est une véritable comédienne.

Mademoiselle Blinval, (aînée.) Pardon, si nous nous sommes fait attendre; notre oncle est arrivé comme nous sortions. Adèle. Il n'y a pas de retard.

Victor. Décidons, maintenant, ce que nous allons faire. Edouard. Si nous jouions au Colin-Maillard ?^

Caroline. Ah! grand Dieu! au Colin-Maillard!

Mélanie, (à Caroline.) Il faut être bien épicier pour pro

poser un pareil jeu !

Adèle. Je connais une ronde nouvelle; si vous voulez, je vais vous la chapter.

Tous. Ah! hravo! c'est cela, dansons une ronde.

Adèle chante, et les autres dansent.

Mélanie. Ah! je suis essoufflée.

Nous avons eu notre paquet, vous nous avez lancé votre trait. 2 Avoir l'esprit de travers, en anglais: to be wrong-headed

* En rang d'ognons, l'une après l'autre. Ironique.

* Jeu où l'un des joueurs a les yeux bandés, et poursuit les autres.

Mademoiselle Blinval, (aînée.) Cette ronde est fort amusante, et mademoiselle nous l'a chantée comme un ange. Caroline. Vous avez besoin de vous rafraîchir.

Victor. Je vais faire servir notre petite collation. (Il sort.) Charles. Asseyons-nous, et décidons ce que nous ferons après.

Edouard. Que chacun propose son jeu.

Mélanie. Ne nous proposez plus de Colin-Maillard, surtout. Adèle. On s'amuse au Colin-Maillard comme à tout autre jeu.

Victor, (rentrant, il porte un accordéon qu'il pose sur la console.) On va nous servir à l'instant; avançons la table. Mélanie et Caroline, (partant d'un éclat de rire.) Ah! ah! ah!

Charles. Ces demoiselles manifestent une grande gaîté. Si elles avaient la bonté de nous apprendre ce qui les fait tant rire, nous partagerions leur hilarité. (Elles rient plus fort.)

Adèle. Voyons, mes amies, dites-nous ce que c'est ?

Mélanie. Rien; c'est quelque chose entre nous. Ah! ah! ah! (Elles rient plus fort.)

Mademoiselle Blinval. Quelqu'un de nous prête sans doute à rire à ces demoiselles, puisqu'elles refusent de nous mettre dans le secret de leur gaîté?

Caroline. Vous êtes bien chatouilleuse... Ah! ah! ah! Félix. Je parie que ma bosse est encore en jeu. Ces de moiselles sont comme moi, elles ont toujours quelque chose en arrière.1

Charles. Bien appliqué !

Caroline. Vous êtes vraiment ridicule; ne peut-on pas rire quand on en a envie? D'ailleurs, c'est plus fort que moi. ¡Leurs éclats redoublent.)

Charles. Allons, ça finira peut-être.

Edouard. Eh bien! moi, je vais vous dire le fin mot de cette grande joie ; j'étais derrière ces demoiselles, j'ai tout entendu.

Mélanie. Monsieur, c'est fort mal.

Edouard. Rien ne m'oblige à me taire.

Tous les autres. Oui, oui, oui, parlez.

Edouard. Mademoiselle Mélanie trouve que le nez de M. Charles ressemble de profil au dos de mon frère.

'En arrière, qu'elles ne veulent pas dire Jeu do mota.

? Je ne puis m'en empêcher

Felix. Quand je vous ai dit que ma bosse en était; mais deux fois de suite, cela devient trop bête, j'en suis fâche.

Charles. Que voulez-vous, puisque l'esprit de ces demoiselles est assez au dépourvu pour n'avoir pas à s'exercer sur autre chose, je leur livre très volontiers mon nez.

Adèle, (se levant.) C'est indigne! je ne reste pas davan tage dans une maison où l'on ne reçoit que des impertinences. Viens, mon frère; comme je connais tes talens, et surtout ta bonté, je suis plus sensible que toi à l'injure qu'on te fait.

Charles. Je ne suis pas le moins du monde offensé mais si tu veux te retirer...

Félix. Ma foi, j'étais invité à venir ici pour me divertir, et non pour amuser les autres... Edouard et moi, nous allons vous suivre.

Adèle. Mes demoiselles Blinval, pardonnez-nous; nous verrons ailleurs. (Ils sortent.)

SCÈNE XII.

Mélanie, Caroline, Victor, les demoiselles Blinval.

Mélanie. Ils font bien de s'en aller, puisqu'ils entendent sı mal la plaisanterie.

Victor. Ce sont des sots; je regrette Charles et sa sœur, mais je suis content d'être débarrassé des Durand.

Mademoiselle Blinval, (à Caroline.) Vous auriez dû vous excuser, et faire quelque chose pour les retenir.

Caroline. J'en aurais été bien fâchée: Adèle est une prude, et son frère un fat: pourquoi a-t-il un gros nez?

Victor. J'avais apporté ton accordéon; Charles en joue, il nous aurait fait danser; maintenant, personne...

Mademoiselle Blinval. Pardonnez, j'en joue, moi, si vous voulez me le confier.

Caroline, (s'en emparant.) Tu as eu tort, je ne veux pas qu'on touche à mon accordéon; on aurait qu'à l'abîmer. Mademoiselle Blinval. Mais je vous ai dit que je savais m'en servir.

Caroline, (avec humeur.) Oh! vous croyez savoir tout, vous. Mademoiselle Blinval. Je sais au moins cela de plus que

vous.

Caroline, (entre ses dents.) Pédante!

Mademoiselle Blinval. Ce que j'ai encore de plus que vous, c'est de savoir vivre,

Caroline. Vous êtes une impertinente, mademoiselle, de me dire cela.

Mademoiselle Blinval. Je dis toujours ce que je crois vrai ; et comme je pense encore que notre société ne vous convient pas, nous allons aussi, mes sœurs et moi, vous saluer.

Victor. Ah ça! si tout le monde s'en va... Mesdemoiselles!... (Elles sortent.)

SCÈNE XIII.

Les Précédens, excepté les demoiselles Blinval.

Caroline. Quel affront pour nous!

Victor. Tu te conduis si mal, aussi.

Mélanie. Bah! ce sont des sots et des bégueules,' Caroline n'a pas tort.

Caroline. Moi, qui me promettais tant de plaisir dans cette

soirée.

SCÈNE XIV.

Les Précédens, M. Lebreton, Madame Duservant. Ils sont déguisés sous les habits de Marguerite et de Baptiste.

M. Lebreton, (portant des rafraîchissemens sur un plateau.) Oh! la place est nette... c'est égal, il faut faire notre service.

Mélanie, (bâillant.) Ah ça, mes amis, nous ne sommes plus que trois, nous ne pourrions plus nous amuser; je vais vous dire bonsoir,

Victor. Comment! vous aussi, vous vous en allez ?

Caroline. Reste!

Mélanie. Je ne vous servirai à rien. Il y a un petit ba ce soir chez madame d'Oberval où je suis invitée, j'avais préféré venir avec vous. Comme il est encore de bonne heure, et qu'ici nous nous ennuirions tous les trois, j'y vais: Adieu. (Elle sort.)

M. Lebreton, (il fait le tour de l'appartement, et s'adresse gravement aux chaises et aux fauteuils, comme à des personnes., Mademoiselle, désirez-vous une glace ?-Monsieur, préférezyous un verre de punch?

Victor, (à M. Lebreton.) Vous êtes un drôle et un imperti. nent; c'est pour vous moquer de nous que vous faites cela?

Bégueule, femme dédaigneuse et impertinente.

M. Lebreton. Pas du tout! je fais mon service.

Caroline, (à Madame Duservant.) Et vous, mademoiselle, pourquoi arrivez-vous si tard! vous mériteriez, (reconnaissant sa mère.) Ah!

Madame Duservant. Eh bien! qu'avez-vous ?

Caroline. Oh! pardon, maman, c'est la colère où j'étais... Victor. Je vous prie de m'excuser aussi, M. Lebreton, je ne vous reconnaissais pas.

M. Lebreton. Il n'y a pas de mal. Mais où est donc passée toute votre société ?

Madame Duservant. Nous voulions vous ménager une surprise, et personne! Qu'est-ce que cela veut dire ?

Caroline. Ah! maman, nous avons été bien coupables, moi surtout. (Elle pleure.)

Victor. Oui, nous avons tous les deux bien des torts à

avouer.

Madame Duservant. Expliquez-moi comment il se fait qu'au lieu de vous trouver gais et rayonnans au milieu de vos amis, nous vous revoyons délaissés et tout tristes.

Victor. C'est que nous n'avons pas suivi les bonnes recommandations que tu nous avais faites.

Caroline. Hélas oui! au lieu d'être doux et complaisans envers ceux que nous avions appelés pour partager nos plaisirs, nous nɔus sommes montrés acariâtres et impertinens, au point de les renvoyer.

Madame Duservant. Oh! que c'est mal!

M. Lebreton. Cette leçon leur profitera mieux que toutes les recommandations.

Victor. Oh! oui; car les reproches qu'on pourrait nous faire ne sont pas plus cruels que les regrets que nous éprou

vons.

Madame Duservant. Et que comptez-vous faire ?

Caroline. Réparer nos torts.

Victor. Certainement! et j'irai demain chez tous ceux que nous avons offensés, pour les prier de nous pardonner.

Madame Duservant. Ainsi, vous sentez vivement votre faute, et vous donneriez tout au monde pour la réparer à l'in

stant.

Caroline, (avec élan.) Oh! si cela était possible!

Victor. Moi, j'en serais au comble de la joie.

Madame Duservant. Eh bien! mes chers.enfans, quand on a de bonnes intentions, Dieu donne les moyens de les accom plir. (Elle s'approche de la porte du salon.) Entrez, mes amis, entrez...

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