Phil. Montons chez Eliante, attendant sa venue. Dans ce petit coin sombre avec mon noir chagrin. SCÈNE II. Célimène, Oronte, Alceste. Or. Oui, c'est à vous de voir, si, par des nœuds si doux, Madame, vous voulez m'attacher tout à vous. Il me faut de votre âme une pleine assurance; Un amant là-dessus n'aime point qu'on balance. Si l'ardeur de mes feux a pu vous émouvoir, Vous ne devez point feindre à me le faire voir; Et la preuve, après tout, que je vous en demande, C'est de ne plus souffrir qu'Alceste vous prétende De le sacrifier, madame, à mon amour, Et de chez vous enfin le bannir dès ce jour. Cél. Mais quel sujet si grand contre lui vous irrite, Vous à qui j'ai tant vu parler de son mérite? Or. Madame, il ne faut point ces éclaircissements ; Il s'agit de savoir quels sont vos sentiments. Choisissez, s'il vous plaît, de garder l'un ou l'autre ; Ma résolution n'attend rien que la vôtre. Alc., (sortant du coin où il était.) Oui, monsieur a raison; madame, il faut choisir ; Pareille ardeur me presse, et même soin m'amène; Or. Je ne veux point, monsieur, d'une flamme importune, Troubler aucunement votre bonne fortune. Alc. Je ne veux point, monsieur, jaloux ou non jaloux, Partager de son cœur rien du tout avec vous. Or. Si votre amour au mien lui semble préférable... Alc. Je jure hautement de ne la voir jamais. Or. Madame, c'est à vous de parler sans contrainte. Alc. Vous n'avez qu'à trancher, et choisir de nous deux Et ce n'est pas mon cœur maintenant qui balance: Je trouve que ces mots, qui sont désobligeants, Or. Non, non, un franc aveu n'a rien que j'appréhende, J'y consens pour ma part. Alc. Et me tiendrai pour dit tout le mal que j'en pense. Or. Je vous sais fort bon gré, monsieur, de ce courroux, Et je lui dis ici même chose que vous. Cél. Que vous me fatiguez avec un tel caprice! Ce que vous demandez a-t-il de la justice? Et ne vous dis-je pas quel motif me retient? SCENE III. Eliante, Philinte Célimène, Oronte, Alceste. Cél. Je me vois, ma cousine, ici persécutée. Dites-moi si jamais cela se fait ainsi. Eli. N'allez point là-dessus me consulter ici : SCÈNE IV. Arsinoe, Célimène, Eliante, Alceste, Philinte, Acaste, Clitun dre, Oronte. Ac., (à Célimène.) Madame, nous venons tous deux, sans vous déplaire, Clit., (à Oronte et à Alceste.) Fort à propos, messieurs, vous vous trouvez ici; Ars., (à Cél.) Madame, vous serez surprise de ma vue, Ac. Oui, madame, voyons d'un esprit adouci Clit. Vous avez pour Acaste écrit ce billet tendio. Messieurs, ces traits pour vous n'ont point d'obscurité, À connaître sa main n'ait trop su vous instruire. Vous êtes un étrange homme, Clitandre, de condamner mon enjouement, et de me reprocher que je n'ai jamais tant de joie que lorsque je ne suis pas avec vous. Il n'y a rien de plus injuste: et si vous ne venez bien vite me demander pardon de cette offense, je ne vous la pardonnerai de ma vie Notre grand flandrin de vicomte... Il devrait être ici. Notre grand flandrin de vicomte, par qui vous cominencez vos plaintes, est un homme qui ne saurait me revenir ;' et, depuis que je l'ai vu, trois quarts d'heure durant, cracher dans un puits pour faire des ronds, je n'ai pu jamais prendre bonne opinion de lui. Pour le petit marquis... C'est moi-même, messieurs, sans nulle vanité. Pour le petit marquis, qui me tint hier long-temps la main, je trouve qu'il n'y a rien de si mince que toute sa personne, et ce sont de ces mérites qui n'ont que la cape et l'épée. Pour l'homme aux rubans verts... (A Alceste.) À vous le dé, monsieur. Pour l'homme aux rubans verts, il me divertit quelquefois avec ses brusqueries et son chagrin bourru; mais il est cent moments où je le trouve le plus fâcheux du monde. Et pour l'homme au sonnet... (A Oronte.) Voici votre paquet. Et pour l'homme au sonnet, qui s'est jeté dans le bel esprit, et veut être auteur malgré tout le monde, je ne puis me donner la peine d'écouter ce qu'il dit; et sa prose me fatigue autant que ses vers. Mettez-vous donc en tête que je ne me divertis pas toujours si bien que vous pensez; que je vous trouve à dire, plus que je ne voudrais, dans toutes les parties où l'on m'entraîne; et que c'est un merveilleux assaisonnement aux plaisirs qu'on goûte, que la présence des gens qu'on aime. Clit. Me voici maintenant, moi. Votre Clitandre, dont vous me parlez, et qui fait tant le doucereux, est le dernier des hommes pour qui j'aurais de l'amitié. Il est extravagant de se persuader qu'on l'aime, et vous l'êtes de croire qu'on ne vous aime pas. Changez, pour être raisonnable, vos sentiments contre les siens; et voyez-moi le plus que vous pourrez, pour m'aider à porter le chagrin d'en être obsédée. D'un fort beau caractère on voit là le modèle, Me revenir, me plaire Montrer de votre cœur le portrait glorieux. Ac. J'aurais de quoi vous dire, et belle est la matière; Ont, pour se consoler, des cœurs de plus haut prix. SCÈNE V Célimène, Eliante, Arsinoé, Alceste, Oronte, Philinte. ; Or. Quoi! de cette façon je vois qu'on me déchire, Après tout ce qu'à moi je vous ai vu m'écrire! Et votre cœur, paré de beaux semblants d'amour, À tout le genre humain se promet tour à tour! Allez, j'étais trop dupe, et je vais ne plus l'être; Vous me faites un bien, me faisant vous connaître ; J'y profite d'un cœur qu'ainsi vous me rendez, Et trouve ma vengeance en ce que vous perdez. (A Alc.) Monsieur je ne fais plus d'obstacle à votre flainme Et vous pouvez conclure affaire avec madame. SCENE VI. Célimène, Eliante, Arsinoé, Alceste, Philinte. Ars., (à Cél.) Certes, voilà le trait du monde le plus noir Je ne m'en saurais taire, et me sens émouvoir. Voit-on des procédés qui soient pareils aux vôtres ? Mais, monsieur, que chez vous fixait votre bonheur, Devait-il... Alc. Laissez-moi, madame, je vous prie, Et ne vous chargez point de ces soins superflus; Ars. Hé! croyez-vous, monsieur, qu'on ait cette pensée, |