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La seconde.

Je vois de toutes parts sa clarté répandue.
La première.

Dans un gouffre profond Sion est descenduc

La seconde.

Sion a son front dans les cieux.

La première.

Quel triste abaissement !

La seconde.

Quelle immortelle gloire !

La première.

Que de cris de douleur !

La seconde.

Que de chants de victoire !

Une troisième.

Cessons de nous troubler; notre Dieu, quelque jour,
Dévoilera ce grand mystère.

Toutes trois.

Révérons sa colère;
Espérons en son amour.

Une autre.

D'un cœur qui t'aime,

Mon Dieu qui peut troubler la paix?
Il cherche en tout ta volonté suprême,
Et ne se cherche jamais.

Sur la terre, dans le ciel même,
Est-il d'autre bonheur que la tranquille paix
D'un cœur qui t'aime?

ACTE QUATRIÈME

SCENE PREMIÈRE.

Joas, Josabet, Zacharie, Salomith, un Lévite, le Chour.

Sal. D'un pas majestueux, à côté de ma mère,
Le jeune Éliacin s'avance avec mon frère.

Dans ces voiles, mes sœurs, que portent-ils tous deux ?
Quel est ce glaive enfin qui marche devant eux ?

Jos., (à Zacharie.)

Mon fils, avec respect posez sur cette table
De notre sainte loi le livre redoutable.
Et vous aussi, posez, aimable Éliacin,
Cet auguste bandeau près du livre divin.
Lévite, il faut placer, Joad ainsi l'ordonne,
Le glaive de David auprès de sa couronne.

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Joas. Princesse, quel est donc ce spectacle nouveau ?
Pourquoi ce livre saint, ce glaive, ce bandeau ?
Depuis que le Seigneur m'a reçu dans son temple,
D'un semblable appareil je n'ai point vu d'exemple.
Jos. Tous vos doutes, mon fils, bientôt s'éclairciront.
Joas. Vous voulez essayer ce bandeau sur mon front?
Ah! princesse! gardez d'en profaner la gloire!
Du roi qui l'a porté respectez la mémoire.

Un malheureux enfant aux ours abandonné...
Jos., (lui essayant le diadême.)

Laissez, mon fils, je fais ce qui m'est ordonné.

Joas. Mais j'entends les sanglots sortir de votre bouche
Princesse, vous pleurez! quelle pitié vous touche?
Est-ce qu'en holocauste aujourd'hui présenté

Je dois, comme autrefois la fille de Jephté,
Du Seigneur par ma mort apaiser la colère?
Hélas? un fils n'a rien qui ne soit à son père.
Jos. Voici qui vous dira les volontés des cieux.
Ne craignez rien. Et nous, sortons tous de ces lieux.

SCÈNE II.

Joad, Joas.

Joas, (courant dans les bras du grand-prêtre.)

Mon père !

Joad. Hé bien, mon fils?
Joas.

Qu'est-ce donc qu'on prépare î

Joad. Il est juste, mon fils, que je vous le déclare.

Il faut que vous soyez instruit, même avant tous,

Des grands desseins de Dieu sur son peuple et sur vous.
Armez-vous d'un courage et d'une foi nouvelle ;

Il est temps de montrer cette ardeur et ce zèle
Qu'au fond de votre cœur mes soins ont cultivés,
Et de payer à Dieu ce que vous lui devez.

Sentez-vous cette noble et généreuse envie?

Joas. Je me sens prêt,' s'il veut, de lui donner ma vie.
Joad. On vous a lu souvent l'histoire de nos rois;
Vous souvient-il, mon fils, quelles étroites lois

Doit s'imposer un roi digne du diadême ?

1

Joas. Un roi sage, ainsi Dieu l'a prononcé lui-même,"

1 L'adjectif prêt doit être régi par la préposition à Il se distingue ainsi de l'adverbe près, qui est gouverné par de.

• Deut. ch. 17

Sur la richesse et l'or ne met point son appui ;
Craint le Seigneur son Dieu; sans cesse a devant lui
Ses préceptes, ses lois, ses jugements sévères,
Et d'injustes fardeaux n'accable point ses frères.

Joad. Mais sur l'un de ces rois s'il fallait vous régler, À qui choisiriez-vous, mon fils, de ressembler?

Joas. David, pour le Seigneur plein d'un amour fidèle, Me paraît des grands rois le plus parfait modèle. Joad. Ainsi, dans leurs excès vous n'imiteriez pas L'infidèle Joram, l'impie Ochozias?

Joas. Ô mon père !

Joad.

Achevez, ditcs: que vous en semble?

Joas. Puisse périr comme eux quiconque leur ressemble!

(Joad se prosterne à ses pieds.)

Mon père, en quel état vous vois-je devant moi!

Joad. Je vous rends le respect que je dois à mon roi,

De votre aïeul David, Joas, rendez-vous digne.

Joas. Joas! moi?

Joad, (se relevant.) Vous saurez par quelle grâce insigne D'une mère en fureur Dieu trompant le dessein,

Quand déjà son poignard était dans votre sein,
Vous choisit, vous sauva du milieu du carnage.
Vous n'êtes pas encore échappé de sa rage:
Avec la même ardeur qu'elle voulut jadis
Perdre en vous le dernier des enfants de son fils,
À vous faire périr sa cruauté s'attache,

Et vous poursuit encor sous le nom qui vous cache.
Mais sous vos étendards j'ai déjà su ranger
Un peuple obéissant et prompt à vous venger.
Entrez, généreux chefs des familles sacrées
Du ministère saint tour-à-tour honorées.

SCÈNE III.

Joas, Joad, Azarias, Ismaël, trois autres chefs des Lévites

Joad. Roi, voilà vos vengeurs contre vos ennemis.

Prêtres, voilà le roi que je vous ai promis.

Aza. Quoi! c'est Éliacin ?

Ism.

Quoi! cet enfant aimable...

Joad. Est des rois de Juda l'héritier véritable,
Dernier né des enfants du triste Ochozias,
Nourri, vous le savez, sous le nom de Joas.
De cette fleur si tendre et sitôt moissonnée,
Tout Juda, comme vous, plaignant la destinée,

Avec ses frères morts le crut enveloppé.
Du perfide couteau comme eux il fut frappé ;
Mais Dieu du coup mortel sut détourner l'atteinte,
Conserva dans son cœur la chaleur presque éteinte,
Permit que, des bourreaux trompant l'œil vigilant,
Josabet dans son sein l'emportât tout sanglant,
Et, n'ayant de son vol que moi seul pour complice,
Dans le temple cachât l'enfant et la nourrice.

Joas. Hélas! de tant d'amour et de tant de bienfaits,
Mon père, quel moyen de m'acquitter jamais ?

Joad. Gardez pour d'autres temps cette reconnaissance.
Voilà donc votre roi, votre unique espérance:

J'ai pris soin jusqu'ici de vous le conserver;
Ministres du Seigneur, c'est à vous d'achever
Bientôt de Jézabel la fille meurtrière,
Instruite que Joas voit encor la lumière,

Dans l'horreur du tombeau viendra le replonge¡ ·
Déjà, sans le connaître, elle veut l'égorger.
Prêtres saints, c'est à vous de prévenir sa rage:
Il faut finir des Juifs le honteux esclavage,
Venger vos princes morts, relever votre loi,
Et faire aux deux tribus reconnaître leur roi.
L'entreprise, sans doute, est grande et périlleuse;
J'attaque sur son trône une reine orgueilleuse,

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Qui voit sous ses drapeaux marcher un camp nombreux
De hardis étrangers, d'infidèles Hébreux;

Mais ma force est au Dieu dont l'intérêt me guide.
Songez qu'en cet enfant tout Israël réside.
Déjà ce Dieu vengeur commence à la troubler:
Déjà, trompant ces soins, j'ai su vous rassembler;
Elle nous croit ici sans armes, sans défense.
Couronnons, proclamons Joas en diligence:
De là, du nouveau prince intrépide soldats,
Marchons, en invoquant l'arbitre des combats;
Et, réveillant la foi dans les cœurs endormie,
Jusque dans son palais cherchons notre ennemie.
Et quels cœurs si plongés dans un lâche sommeil,
Nous voyant avancer dans ce saint appareil,
Ne s'empresseront pas à suivre notre exemple!
Un roi, que Dieu lui-même a nourri dans son temple
Le successeur d'Aaron, de ses prêtres suivi,
Conduisant au combat les enfants de Lévi;
Et, dans ces mêmes mains des peuples révérées,
Les armes au Seigneur par David consacrées!

;

Dieu sur ses ennemis répandra sa terreur.
Dans l'infidèle sang baignez-vous sans horreur
Frappez et Tyriens et même Israélites.

Ne descendez-vous pas de ces fameux lévites
Qui, lorsqu'au dieu du Nil le volage Israël
Rendit dans le désert un culte criminel,

De leurs plus chers parents saintement homicides,
Consacrèrent leurs mains dans le sang des perfides,
Et par ce noble exploit vous acquirent l'honneur
D'être seuls employés aux autels du Seigneur?

Mais je vois que déjà vous brûlez de me suivre.
Jurez donc avant tout sur cet auguste livre,
À ce roi que le ciel vous redonne aujourd'hui,
De vivre, de combattre, et de mourir pour lui.

Aza., (au bout de la table, ayant la main sur le livre saint)
Oui, nous jurons ici pour nous, pour tous nos frères,
De rétablir Joas au trône de ses pères,

De ne poser le fer entre nos mains remis,
Qu'après l'avoir vengé de tous ses ennemis.
Si quelque transgresseur enfreint cette promesse,
Qu'il éprouve, grand Dieu, ta fureur vengeresse;
Qu'avec lui ses enfants, de ton partage exclus,
Soient au rang de ces morts que tu ne connais plus!
Joad. Et vous, à cette loi, votre règle éternelle,
Roi, ne jurez-vous pas d'être toujours fidèle ?

Joas. Pourrais-je à cette loi ne me pas conformer ?
Joad. Ô mon fils,' de ce nom j'ose encor vous nommer,
Souffrez cette tendresse, et pardonnez aux larmes
Que m'arrachent pour vous de trop justes alarmes:
Loin du trône nourri, de ce fatal honneur,
Hélas! vous ignorez le charme empoisonneur;
De l'absolu pouvoir vous ignorez l'ivresse,
Et des lâches flatteurs la voix enchanteresse.
Bientôt ils vous diront que les plus saintes lois,
Maîtresses du vil peuple, obéissent aux rois;
Qu'un roi n'a d'autre frein que sa volonté même;
Qu'il doit immoler tout à sa grandeur suprême;
Qu'aux larmes, au travail, le peuple est condamné,
Et d'un sceptre de fer veut être gouverné;
Que s'il n'est opprimé, tôt ou tard il opprime.
Ainsi de piège en piége, et d'abyme en abyme,

1 Ce passege, d'une délicieuse poésie, et rempli d'utiles enseignements, ne saurait être trop admiré.

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