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viennent elles à éprouver un froid assez vif, elles restent comme engourdies, elles souffrent; procurez à l'eau une douce chaleur, aussitôt elles témoignent leur satisfaction par un mouvement doux, répété, et de plus ou moins longue durée.

Tous ces phénomènes s'o pèrent par les nerfs doués de plus ou moins de sensibilité; ceux qui se distribuent aux téguments paroissent être les plus sensibles. Ils transmettent au cerveau et aux ganglious l'impression agréable ou désagréable des objets extérieurs; le cerveau et les ganglions réagissent sur une substance corporelle ou spirituelle d'une structure inconnue, que les uns nomment instinct, et les autres ame, de manière à faire naître dans la sangsue le sentiment du mal et du bien, et l'idée de fuir l'un et de rechercher l'autre. Le cerveau et les ganglions, en recevant les impressions fâcheuses des objets extérieurs, ne souffrent pas, quoique les nerfs soient très irrités, puisqu'en irritant le cerveau et les ganglions avec un instrument pointu ou avec une substance corrosive, la sangsue ne donne aucune marque de sensibilité; puisque après avoir enlevé le cerveau ou plusieurs ganglions,

elle continue de s'agiter lorsqu'on dilacère ou pique les téguments et la tunique musculaire

cutanée. Les nerfs auroient-ils ici une sensibilité particulière et indépendante du cerveau et des ganglions?

:

On ne connoît point la structure interne des nerfs, du cerveau et des ganglions; on ne sait même si les filets nerveux sont creux pas ou entièrement solides : ceux qui soutiennent qu'ils sont creux y font couler un fluide très subtil, d'une mobilité extrême, et dont le cerveau et les ganglions forment autant de réservoirs suivant eux, la sensibilité, le mouvement et la vie de la sangsue n'existent qu'autant que le cerveau et les ganglions agissent sur ce fluide au point d'en entretenir continuellement le cours : la nature du fluide est encore parmi les savans un sujet de dispute; les uns pensent que c'est une espèce de substance ignée; les autres le fluide électrique ou le fluide galvanique ( ces deux fluides se ressemblent); plusieurs le fluide magnétique ; d'autres enfin une substance éthérée particulière aux nerfs, au cerveau et aux ganglions.

Les anatomistes, persuadés que les nerfs n'offrent point de cavité, se sont appuyés sur

la structure intérieure des nerfs des grands animaux; il est vrai qu'on ne découvre dans ces nerfs aucune espèce de cavité : pour cela, les nerfs ressemblent-ils, lorsqu'ils sont frappés par des objets extérieurs ou intérieurs, à des cordes tendues d'instrument sonore, qui, étant mises en mouvement par un corps solide, et mues avec plus ou moins de vélocité, suivant leur diamètre et leur degré de tension, donnent des vibrations, d'où il résulte différents sons. Mais les nerfs sont des corps mous, humectés, peu tendus et incapables de transmettre au cerveau ou aux ganglions le mouvement: qu'ils reçoivent.

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Quelle confiance peut-on donc avoir en tous les systèmes créés, pour rendre raison de la manière dont les nerfs, le cerveau et les glions agissent à l'instant où la sangsue reçoit l'impression des corps étrangers, lorsqu'on voit des anatomistes prendre les lobes du cerveau pour les testicules, les ganglions nerveux pour des vésicules aériennes, et avancer que tout le système nerveux consiste en un cordon médullaire qui s'étend depuis la bouche jusqu'à la queue 25, mana

Ce cordon d'un hrun noirâtre ne peut être

comparé aux nerfs qu'on remarque chez la plupart des insectes qui approchent de la structure des sangsues : il doit être considéré comme un canal, puisqu'en le coupant transversalement dans sa partie la plus grosse, et en divisant une de ses nodosités, on voit sensiblement, à l'aide d'une bonne loupe, sortir des parties coupées une sérosité limpide.

La substance du cordon n'offre rien de médullaire; on n'aperçoit aucun de ses filets communiquer avec le cerveau, les ganglions et les grands nerfs latéraux ; et lorsqu'on l'irrite, les mouvements de la sangsue ne s'accroissent pas.

Si le grand cordon n'est point nerveux, et s'il ne présente qu'un canal, quel peut être son usage? Je pense qu'il sert à porter dans différentes parties du corps, principalement dans la bouche, l'oesophage, le canal alimentaire et les estomacs, une humeur séreuse propre à favoriser la digestion du sang, comme chez l'homme, le foie, les glandes salivaires et le pancréas fournissent dans les intestins la bile, la salive, le suc pancréatique.

Du toucher. Le toucher le plus étendu des sens de la sangsue réside principalement dans

la face externe et interne des lèvres. A la moindre impression agréable ou désagréable, elles se meuvent et prennent une infinité de formes ; elles s'alongent, elles s'élargissent, elles se terminent en pointe : la lèvre supérieure peut se replier sous la face interne de la lèvre inférieure; par ce moyen, elle met la bouche à l'abri de l'impression fâcheuse des corps extérieurs; elles peuvent encore s'élargir sur elles-mêmes pour laisser agir tous les organes propres à la bouche et favoriser les impressions agréables qu'elle doit éprouver en touchant immédiatement la peau de l'homme, et la surface d'un de ses vaisseaux sanguins.

L'épiderme, membrane fine, transparente, unie par une espèce de corps muqueux au tissu mamelonné des téguments, s'étend sur la face externe et interne des lèvres, de la bouche, du canal alimentaire et des estomacs. L'épiderme n'est point le siège du toucher; il est insensible, les nerfs et les vaisseaux sanguins ne le pénètrent point. Examinez avec la loupe les portions de l'épiderme de la sangsue soulevées par l'huile essentielle de térébenthine, vous ne verrez ni nerfs, ni vaisseaux sanguins, ni fibres musculaires. L'épiderme ne sert donc

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