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physiologistes, qu'on peut rapporter à cet instinct les vagissements des nouveau-nés; car il semble qu'ils accusent ainsi quelque souffrance, et qu'ils demandent d'une manière vague qu'on leur apporte du soulagement.

Chez certains animaux, la femelle, dans les moments de danger, pousse un cri d'alarme qui est instinctivement compris par ses petits : c'est ainsi qu'on voit les jeunes poussins se réfugier précipitamment sous l'aile de la poule, et les petits de la sarigue se blottir dans la poche protectrice dont est munie leur mère.

La fuite irréfléchie du danger, ou la peur, dépend donc essentiellement de l'instinct de conservation; et, par une prévision admirable de la Providence, il se trouve que les animaux les plus disposés à l'épouvante sont aussi le mieux conformés pour la course le lièvre, le cerf, le chevreuil, les gazelles, sont dans ce cas.

L'attachement à la vie est donc un sentiment profondément empreint dans le cœur de l'homme comme chez tous les animaux. Toutefois, on voit presque toujours ces derniers remplir jusqu'à la fin le rôle qui leur a été départi sur la scène du monde, tandis que le roi de la création, se livrant si fréquemment au suicide, abandonne son poste tantôt comme un lâche déserteur, tantôt comme un furieux qui n'a plus même l'instinct ordinaire de la brute. Il y a nécessairement dans la nature humaine quelque chose de faussé, de dégénéré, de corrompu! Besoin d'alimentation, voracité. La vie ne pouvant être entretenue que par la réparation des pertes

continuelles qui résultent du jeu des organes, le besoin de nourriture se trouve essentiellement lié à celui de conservation. Mais au milieu d'une foule de substances qui se présentent à la bouche des animaux, il en est dont la moindre quantité déterminerait chez eux un empoisonnement bientôt suivi de mort il fallait donc qu'ils eussent la faculté de distinguer celles qui sont vénéneuses, de celles qui sont propres à leur alimentation. Aussi leur odorat est-il tellement développé, qu'ils n'ont guère besoin de s'en référer au goût pour le choix de leur nourriture sous ce rapport, ils ont sur l'homme un immense avantage.

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Comme chez ce dernier, l'instinct d'alimentation est excité en eux par la sensation de la faim. Ainsi, lorsque les petits des quadrupèdes cherchent avec avidité le mamelon de leur mère, ils ne font autre chose qu'obéir à cet instinct; il en est de même de l'aiglon qui reçoit la proie sanglante qu'on lui apporte, et du petit poulet qui distingue et ramasse le grain qui lui convient. Pour le canard, qui, à peine sorti de sa coquille, se dirige rapidement vers l'eau, lors même qu'il a été couvé par une poule, il obéit simultanément à l'instinct des localités et à celui de l'alimentation, puisqu'il y rencontre un milieu et des aliments appropriés à

sa nature.

Chose remarquable, le cochon d'Inde (mus porcellus) fait et renouvelle la première dentition dans le sein même de sa mère. M. Emmanuel Rousseau en a vu quelquefois le petit, avant d'être complétement expulsé des organes sexuels, diriger la tête

vers des herbes ou des fruits qui se trouvaient à sa proximité, et s'en repaître avidement; ce qui ne l'empêche pas de teter, comme les autres mammifères qui ne présentent pas cette singularité.

Une nourriture régulière et suffisante est bien certainement l'un des motifs pour lesquels les bêtes de somme nous vendent leurs services et leur liberté. Trois chevaux de lanciers s'étaient échappés à travers une plaine immense, et déjà ils avaient franchi un espace de six cents pas, lorsque les officiers auxquels ils appartenaient s'aperçurent de leur fuite soudain, l'un d'eux, appelant un trompette qui n'était pas éloigné, lui commanda de sonner la botte. Aux premiers sons du clairon, les fougueux animaux ont reconnu l'air favori qui annonce leur repas, et tous les trois, faisant ensemble volte-face, reviennent paisiblement se remettre à leur râtelier.

Parmi les animaux, quelques-uns sont doués d'un appétit modéré, d'autres sont insatiables: le troglodyte, par exemple, mange toutes les cinq minutes. Mais, en fait de gloutonnerie, je ne sache pas qu'il existe d'oiseaux qui surpassent les faisans communs et les faisans argentés. Aussi, lorsque ces volatiles n'ont pas encore les plumes de la queue, ou bien qu'ils en sont privés par accident, les oiseliers ontils soin de ne pas les laisser plusieurs ensemble: sans cette précaution, le plus affamé d'entre eux ne tarde pas à plonger le bec dans l'anus de son voisin, et à en faire sortir les intestins, qu'il dévore sans lâcher prise, pendant qu'un troisième, profitant de cette préoccupation sanguinaire, se hâte de lui arracher les entrailles à lui-même, et de s'en repaître avec avidité.

Chez les quadrupêdes carnassiers, l'instinct d'alimentation se confond nécessairement avec celui de la destruction : c'est pourquoi ils ne sont jamais si farouches ni tant à redouter que lorsqu'ils sont pressés par la faim; ils ne mangent même pas sans une sorte de fureur la pâture qu'on leur jette dans les loges où ils sont renfermés.

Quant aux poissons, poussés, la plupart, par une froide voracité, ils avalent indistinctement toute proie vivante, sans excepter leur espèce, ni même leurs petits.

Colère et Courage. Chez l'animal, aussi bien qué chez l'homme, la colère n'est qu'une réaction plus ou moins violente et passagère contre ce qui nuit ou ce qui blesse; tandis que le courage consiste dans une hardiesse habituelle, qui contemple le danger sans effroi, sait l'affronter au besoin, et semble puiser de nouvelles forces dans les obstacles ou devant les ennemis qu'elle rencontre. Ces deux sentiments s'observent tantôt isolés, tantôt réunis, chez un grand nombre d'animaux, notamment chez le taureau, le chien, l'hermine, la piegrièche, le coq, le troglodyte, les abeilles et les fourmis : les phrénologistes les ont confondus sous le nom de combativité. Les troglodytes surtout paraissent nés pour les batailles aussi, lorsqu'on veut conserver vivants quelques-uns de ces petits gladiateurs, il faut les tenir soigneusement séparés les uns des autres. Cette précaution est indispensable, car chez eux il n'existe même pas d'harmonie entre le mâle et la femelle. Du reste, cet irascible volatile ne manque jamais d'annoncer par un chant d'allé

gresse la victoire qu'il a pu remporter dans les combats à mort qu'il livre aux oiseaux de son espèce. Quand les mœurs du troglodyte seront plus généralement connues, les Anglais, ce peuple civilisé qui élève encore des races de coqs pour les combats, lui donneront sans doute la préférence, parce que les chances des parieurs seraient alors beaucoup plus égales.

Si le courage est l'armure des êtres forts, la Peur est la ressource ordinaire des êtres faibles. Ne nous étonnons donc pas que la Providence, si soigneuse de conserver ses œuvres, ait inspiré la peur aux animaux en raison des dangers qui les menacent. Admirons plutôt cette prévoyante sollicitude qui a précisément donné l'agilité la plus grande à ceux d'entre eux qui sont le plus susceptibles d'éprouver ce sentiment; en sorte qu'ils se trouvent à la fois organisés pour la peur et pour la fuite: témoin le daim, le cerf, le lièvre, etc. Quelque courageux, du reste, que soit un animal, il est des circonstances, des causes particulières, qui peuvent le faire sortir de son caractère habituel, et lui faire donner momentanément des signes de faiblesse : c'est ainsi que les cris aigus du porc et une musique retentissante ont suffi plus d'une fois pour effrayer des éléphants, et leur faire jeter le trouble dans les rangs de l'armée pour laquelle ils combattaient. A la bataille de Zama, par exemple, Scipion ayant fait donner à la fois de toutes les trompettes pour recevoir la charge des éléphants d'Annibal, ce bruit étonna tellement ces quadrupèdes, qu'il y en eut qui s'arrêtèrent tout court, et d'autres qui reculèrent d'épouvante sur la

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