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dérer la qualité des parties, leur bonne foi, l'utilité ou l'inutilité de l'objet des actes faits sous signatures privées sans date certaine. Ainsi, lorsque l'obligation de celui qui est placé sous la protection d'un conseil judiciaire n'a pas acquis une date certaine antérieure au jugement d'interdiction ou d'établissement du conseil, il faut, dans la crainte de se tromper, examiner et la nature de l'obligation et la cause qui y a donné lieu : car, si une telle obligation résul tait des choses dues par l'incapable antérieurement à son incapacité; en bonne justice, on devrait maintenir, sinon l'exécution de l'obligation qui paraîtrait avoir été faite depuis son incapacité prononcée, mais du moins la reconnaissance de la vérité qu'elle contient, et surtout quand la chose a tourné au profit de l'incapable. (1312).

La même Cour a jugé que les actes passés par un prodigue seul, postérieurement au jugement qui lui donne un conseil, ne sont nuls qu'autant que le jugement a été levé, signifié à partie, et publié dans la forme et le délai prescrits par l'article 501 du Code civil, sur les effets du jugement portant nomination d'un conseil. Sur la publication et sur la responsabilité des notaires. V. ce que nous avons dit à la sect. 8.

SECTION X.

De la main levée de l'interdiction, et de la main-levée de l'institution du conseil judiciaire.

913. D'après la disposition des articles 512 et 514 du Code civil et 8y6 du Code de procedure, l'interdiction et l'institution du conseil judiciaire cessent avec les causes qui les ont déterminées; mais la main-levée ne peut être prononcée qu'en observant les formalités pour parvenir à l'interdiction, et l'interdit ne peut reprendre l'exercice de ses droits qu'après le jugement de la main-levée qui doit être signifié aa tuteur et au subrogé-tuteur, ou au conseil judiciaire.

La loi dit que l'interdiction cesse avec les causes qui l'ont déterminée ; mais cela ne s'entend que d'un retour constant; car des instans de calme ue suffisent pas pour rompre les liens de la tutelle ou de l'institution du conseil; il faut une raison permanente et longtemps éprouvée.

914. Sur la question de savoir si l'interdit peut provoquer de son chef, sans l'assistance de son tuteur, la main-levée de son interdiction, la Cour de Bordeaux a rendu une décision très-équitable, dont les motifs nous paraissent conformes à l'esprit de l'article 512 du Code civil.

«Attendu, dit son arrêt du 8 mars » 1822, Dalloz, t. 18, p. 149; Sirey, » 1822, p. 206, sur la fin de non rece» voir proposée par les intimés, tirée » de ce que l'interdit ne pouvait procé» der en justice, et qu'ainsi il n'a pu » introduire l'action en main-levée de » l'interdiction prononcée coutre lui; » que de la combinaison des articles » 512 du Code civil et 896 du Code de » procédure, il résulte évidemment que, » lorsqu'il y a cessation des causes de » l'interdiction, il y a lieu à en demander » la main-levée, et qu'il serait absurde » et barbare d'interdire aux malheureux » les moyens de réclamer ce droit ;

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» Considérant que ce serait d'autant plus dangereux, dans le procès ac>>tuel, que l'interdit a pour tuteur et » pour subrogé-tuteur les deux maris » de ses sœurs, qui, étant ses succes»sibles, sont intéressés à empêcher » qu'il reprenne l'administration et la » disposition de ses biens;

» Qu'ainsi, loin de l'écarter par cette » fin de non recevoir, la justice doit lui » tendre une main secourable, sauf à » voir si, comme on le dit, les » de son interdiction ont cessé. »

causes

Les moyens de la demande en mainlevée ne sont pas moins solides que l'arrêt, pour démontrer que l'interdit a le droit de provoquer, de son chef, sans l'assistance de son tuteur, la cessation du jugement d'interdiction. On peut même dire que les moyens pour et con

tre ont été savamment discutés. Nous renvoyons le lecteur aux recueils cités plus haut.

Il est certain que l'interdiction a pour but de protéger l'interdit, et non de l'opprimer.

Il serait tout à la fois dangereux et inconséquent pour l'interdit qu'il n'eût pas le droit de former lui-même cette demande sans l'assistance d'un parent ou de son tuteur; dangereux, parce qu'il ne trouvera pas toujours un paient assez zélé pour s'exposer à la chance d'un procès dont les frais seront peutêtre à sa charge, surtout s'il succombe; inconséquent, parce qu'on ne doit pas laisser au tuteur le droit de retenir l'interdit dans les liens d'une interdiction dont les causes ne subsistent plus.

En perdant la raison, l'homme perd sa liberté; mais en retrouvant sa raison, il rentre dans le pouvoir de réclamer l'exercice de ses droits civils. A-t-on besoin d'autorisation pour prouver à sa famille et à la justice qu'on a recouvré ses qualités morales?

Un arrêt de la Cour de cassation du 12 février 1816, Dalloz, t. 18, p. 150; Sirey, 1816, p. 217, avait déjà prononcé un fort préjugé sur cette question, en décidant, dans la cause de Jean-Thiébaut Martini, que la disposition de la loi portant que la demande en main-levée sera instruite et jugée de la même manière que l'interdiction ou l'institution d'un conseil, n'exige pas que l'interdit demandeur en main-levée

soit tenu de se donner un contradicteur. Telle est aussi l'opinion de MM. Merlin et Pigeau.

915. Un arrêt de la Cour de Poitiers du 5 août 1831, J. du 19e siècle, 1832, 2. p. 205, a justement décidé que le ministère public a qualité pour interjeter appel d'un jugement qui prononce la main-levée d'une interdiction qu'il avait lui-même provoquée d'office.

Un grand principe est la base de toutes les décisions de ce genre: celui qui a le pouvoir de diriger une action, et qui a obtenu un jugement conforme à sa demande, a aussi le droit de s'y faire maintenir par l'autorité supérieure.

FIN DU PREMIER VOLUME.

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