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de leur existence, de payer une pension d'un côté, et d'entretenir de l'autre une maison, surtout quand il y a des enfans en bas âge; quel usage le tuteur de l'interdite pourra-t-il faire de la considération qu'on lui propose? Cependant les lois sont faites indistinctement pour

toutes les classes de la société, pour le riche et pour le pauvre. Qu'on juge maintenant si la considération qu'on oppose à la décision de la Cour royale de Colmar, pour combattre le principe que nous invoquons en faveur de la femme outragée, est sans réplique!

CHAPITRE VIII,

De la Filiation, de la Paternité et de la Maternité.

194. Ce titre est, sans contredit, le plus important de nos lois civiles il comprend dans ses divers sujets l'origine et l'état des personnes. Quoi de plus imposant!

La filiation est la série des descendans et l'ordre de la génération des familles : c'est par l'état des pères et mères qu'on juge de celui des enfans. Dans l'ordre de la nature, tous les hommes sont égaux, mais dans l'ordre de la civilisation, ils naissent avec les distinctions que le pacte de la société attribue à leurs parens.

Ainsi, les enfans suivent la condition de leur père, et lorsque leur père est inconnu, ils suivent celle de leur mère.

Les pères et mères ne peuvent pas plus changer leur condition, que les enfans ne peuvent eux-mêmes changer celle qu'ils ont reçue des auteurs de leurs jours, ou plutôt les uns et les autres ne peuvent changer leur état que dans les cas prévus par la loi. Voyez le chapitre 9 sur l'adoption.

Pour développer avec clarté une matière aussi étendue, nous en parlerons dans l'ordre suivant :

SOMMAIRE.

1. De la dénomination des diverses classes d'enfans, d'après la nouvelle législation, pour servir d'introduction à la filiation.

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la volonté de leur maître; les prisonniers de guerre devenus esclaves par cette condition, et les esclaves nés de l'esclavage.

En France, dans le droit civique ou politique, les hommes sont tous au même rang: ils naissent libres dans toutes les conditions de la société. Mais dans le droit civil, on distingue les enfans en trois classes principales, selon l'origine de leur naissance ceux qui naissent du mariage institué par le pacte social; ceux qui sont nés de personnes libres, c'est-à-dire de personnes qui ne sont pas dans les liens du mariage, et qui pouvaient légalement se marier suivant les règles du droit civi!, et ceux qui naissent d'un commerce réprouvé. On qualifie les premiers, enfans légitimes; les seconds, enfans naturels reconnus et non reconnus; et les autres, enfans adultérins ou incestueux.

SECTION II.

De la filiation des enfans légitimes.

196. Nons l'avons déjà dit, la filiation des enfans légitimes, ou nés dans le mariage, est la série des descendans et l'ordre de la génération des familles.

Ainsi, on appelle enfans légitimes ceux qui sont nés d'un mariage légalement contracté, ou d'un mariage déclaré nul, s'il a été contracté de bonne foi par les époux ou par l'un d'eux seulement.

Ainsi, on met au rang des enfans légitimes ceux qui sont issus de deux individus qui ont vécu publiquement comme mariet femme, et sont tous deux décédés; car, dans ce cas, la légitimité de tels enfans ne peut être contestée sous le seul prétexte du défaut de représentation de l'acte de célébration, surtout quand cette légitimité est soutenue par une possession d'état non contredite par l'acte de naissance (320).

Les enfans nés d'un mariage déclaré nul sont aussi au rang des enfans légitimes, si les époux, où l'un d'eux seulement, était de bonne foi; car, d'après

cette règle de bonne foi dont parlent les articles 201 et 202 du Code civil, un tel mariage produit tous les effets civils à l'égard des enfans.

Ainsi, lorsque l'un des époux était de bonne foi et que l'autre ne l'était pas, on ne peut contester la légitimité des enfans issus d'un mariage déclaré nul. La loi protége l'époux trompé, et elle maintient aux enfans tous les droits de famille légitime. Seulement le mariage ne produit aucun effet civil à l'égard de l'époux trompeur.

. Par exemple, un père a épousé sa fille naturelle. Celle-ci ignorait son état; elle était de bonne for. Trois enfans sont nés de ce mariage incestueux.

Le ministère public en est informé. Il propose la nullité de ce mariage, et demande que les deux époux soient condamnés à se séparer.

En découvrant son état, la femme s'éloigne du domicile conjugal: le mariage est annulé.

L'époux contre lequel la nullité a été prononcée est mort peu de jours après la condamnation.

Ses héritiers se présentent à sa succession, et repoussent les trois enfans du mariage de l'hérédité de leur auteur, par le moyen spécieux que ce sont des enfans incestueux, et qu'aux termes de l'article 762 ils n'ont droit qu'à des ali

mens.

Dans de telles occurrences, les héritiers de l'époux trompeur doivent être déclarés non recevables, la femme trompée doit être maintenue dans tous les avantages résultant du mariage, et les enfans déclarés légitimes.

Cet exemple peut servir de règle pour tous les cas où, suivant la disposition des articles 201 et 202 du Code civil, les époux sont de bonne foi, ou seulement tant que la bonne foi existe de la part de l'un d'eux.

197. Le Code civil, article 151 appelle aussi les enfans légitimes des enfans de famille.

Les enfans nouveau-nés (C. civ., 58), trouvés ou exposés, ou abandonnés, et en général les orphelins, sont au rang

des enfans légitimes. Voyez, section 14 du chapitre 13, ce que nous avons dit sur cette importante question.

198. L'enfant adoptif, quoique étranger à celui qui l'adopte, devient, par l'adoption légale, le fils légitime de celui-ci. Voyez sur l'adoption, le chapitre 9.

199. On met aussi au rang des enfans légitimes les enfans naturels reconnus et légitimés par mariage subséquent. Voyez section de ce chapitre.

Esprit de l'article 312 sur les naissances

précoces et tardives.

200. Suivant cette maxime célèbre des jurisconsultes romains: Paterest is quem nuptia demonstrant, consacrée par le Code civil, l'enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari (1er paragraphe de l'article 312).

201. Le terme de la gestation d'un enfant, depuis la conception jusqu'à la naissance, est ordinairement de neuf mois; mais il n'y a point de règle pour découvrir ce secret de la nature.

Les lois romaines avaient fixé la naissance prématurée à sept mois, et la naissance tardive à dix mois.

Le Code civil ne compte pas par mois, il compte par jour. Il fixe les naissances les plus précoces à cent quatre-vingts jours correspondant à six mois moins quelques jours, et les naissances les plus tardives à trois cents jours ou à dix mois moins quelques jours, temps pendant lequel la nature peut exercer ses merveilleux caprices.

Ainsi, pour que l'enfant ait été conçu pendant le mariage, constante matrimonio, il faut que depuis la conception qui remonte au jour de la célébration du mariage, il naisse après cent quatrevingts jours; car, s'il naît avant ce

(1) Dans son arrêt du 8 janvier 1812(Sirey, t. 12, p. 214), la Cour de Paris a décidé que l'enfant né plus de trois cents jours après la dissolution du mariage, arrivée par le décès du mari de la mère, est réputé illégitime par

terme, il n'est pas ex nuptiis, né dans le mariage,

Ainsi l'enfant qui naît au-delà de trois cents joues après la dissolution du mariage est conçu hors du mariage; sa légitimité peut être contestée, parce que, au-delà de la présomption de la naissance la plus tardive, l'enfant n'est pas censé conçu dans le mariage. Telle est la règle de l'article 315(1).

M. Duveyrier, orateur du tribunat, chargé de présenter au corps législatif le titre de la paternité et de la filiation, s'est donc trompé lorsqu'il a dit, dans son rapport, que les auteurs du Code « ont établi qu'une naissance précoce « serait légitime si elle arrivait au moins « dans le commencement du septième « mois... » Et à l'égard de la naissance tardive, « qu'on ne pourra contester la « légitimité d'un enfant que lorsqu'il « sera né dans le onzième mois après << la dissolution du mariage. » Il est tellement confiant dans son erreur, que plus loin il ajoute : «La loi décide qu'un « enfant peut être conçu au plus tôt sept « mois, et au plus tard dix mois avant « la naissance. L'enfant du mariage enfin « est celui qui reçoit le jour au plus tôt « dans le commencement du septième « mois après la célébration, et au plus « tard dix mois après sa dissolution. »

Onze des mois de l'année ont, les uns trente et les autres trente-un jours, et le mois de février seul vingt-huit ou vingt-neuf jours; mais, quelle que soit l'époque à laquelle la gestation d'un enfant a commencé, la naissance légitime, précoce ou tardive, arrive toujours, d'après la règle du Code civil, avant le septième et le onzième mois. Or, il est donc démontré que l'explication de cette règle est contraireà la préfixion de temps donnée par le Code à la gestation légitime des enfans nés dans le mariage; que cette proposition est une ex

le seul fait de sa naissance tardive; que sur ce point il y a présomption légale au-dessus de toute preuve contraire qu'il suffit, pour le faire déclarer tel, que sa légitimité soit contestée.

tension irritante à l'égard des naissances précoces, et contre la vertu des femmes et contre la légitimité des enfans.

202. Des dispositions du Code sur la filiation des enfans légitimes, il résulte que l'impossibilité physique de cohabitation entre les époux ne peut exister que par deux causes, l'absence et l'impuissance accidentelle du mari.

De toutes les règles du Code qui laissent désirer plus de clarté, il n'en est peut-être point de plus abstraite que celle tracée par le second alinéa de l'article 312 sur les circonstances qui donnent le droit au mari de contester la légitimité de l'enfant né dans le mariage;car la proposition de cet article n'indique le mode de compter le terme de la gestation que d'une manière très-implicite.

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et tardives, nous allons entrer dans quelque développement, et, pour être bien compris, nous prendrons dans des exemples des propositions sur le fait.

Dans son discours au corps législatif sur la disposition de l'article 312, M. Duveyrier a dit : « Il faut que l'absence "soit constante, continue, et de telle << nature, que dans l'intervalle de temps. « donné à la possibilité de la concep«tion, c'est-à-dire dans l'intervalle « de cent vingt jours, qui s'écoule entre « le cent quatre-vingtième jour et le trois « centième jour avant la naissance de «<l'enfant, l'esprit humain ne puisse « concevoir la possibilité d'un seul ins<< tant de réunion entre les deux époux.»

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Dans le même sens, mais en renversant le départ et le but de la proposition sur la même règle, M. Toullier (Cours de Droit français) s'explique ainsi : « Quelque accident a mis le mari dans l'impossibilité de cohabiter avec sa << femme pendant le temps qui a couru << depuisle trois centième jusqu'au cent «quatre-vingtième jour avant la nais<< sance de l'enfant; car on applique à ces « deux cas la règle établie pour les nais«<sances tardives ou prématurées. Le << mari doit donc prouver quatre mois << entiers et continus d'absence, à com<< mencer depuis le premier jour du « dixième mois jusqu'au sixième mois « (cent quatre-vingts jours) de la nais«sance de l'enfant. »

Pour des hommes aussi profondément instruits que MM. Duveyrier et Toullier, l'explication de cette règle ne laisse peut-être rien à désirer; mais pour ceux qui n'ont pas l'habitude d'interpréter l'esprit des règles de droit, il nous semble qu'elle a besoin d'être elle-même expliquée.

Sans sortir de la proposition qu'ils ont choisie pour expliquer cette règle, nous allons exposer la pensée qu'elle fait naître.

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Un mariage a été célébré le 1er mars 1827; le mari s'est éloigné de son épouse le même jour, et il est revenu auprès d'elle le 30 juin de la même année; c'est-à-dire qu'entre le départ et le retour il y a eu cent vingt jours d'absence continuelle. Dans cet exemple, si l'enfant est né le 29 août, ou s'il est né le 25 décembre de la même année, il a été conçu dans le mariage, parce que, dans le premier cas, il est venu au monde après les cent quatre-vingt jours, temps donné aux naissances les plus précoces, et parce que, dans le second, Ja naissance est arrivée avant trois cents jours, terme le plus long des naissances tardives. Car, en faisant le calcul du nombre de jours qui se sont écoulés entre le départ et la naissance prématurée et la naissance tardive, on trouve que la naissance prématurée est arrivée le cent quatre-vingtième jour depuis l'éloignement, et que la naissance tardive a eu lieu avant le trois centième jour accompli.

Mais si l'enfant naît avant le 29 août ou après le 26 décembre, c'est-à-dire avant les cent quatre-vingts jours de la naissance la plus précoce, ou après les trois cents jours, temps donné à la naissance la plus tardive, l'enfant n'étant pas réputé conçu dans le mariage, le père pourra en contester la légitimité.

Cette proposition d'un intervalle de cent vingt jours entre le départ et le retour, pour expliquer le temps qui doit coïncider avec la conception et la naissance de l'enfant, est plus abstraite qu'intelligible. On peut même prévoir qu'elle ne sera pas toujours exacte. si la pression des époques met les parties dans la nécessité de compter le premier ou le dernier jour en dedans ou en dehors.

Toute règle générale a ses dangers; celle qu'on tend à introduire sur cette question n'est pas sans inconvénient.

Ne serait-il donc pas suffisant et même plus simple de dire, en thèse générale, que le mari pourra désavouer l'enfant toutes les fois qu'entre son éloignement et la naissance tardive

ou prématurée, il y a eu impossibilité de cohabitation avec sa femme; c'està-dire, qu'il faut absolument que la conception coïncide avec la présence du mari, et que la naissance coïncide aussi avec le temps de la gestation? Voilà tout le secret métaphysique de la règle tracée par l'article 312, dont l'ensemble des dispositions du Code, sur la même matière nous donne naturelle. ment la clef.

M. Bigot-Préameneu, sur l'exposé des motifs du titre de la paternité et de la filiation, nous paraît avoir indiqué le véritable moyen d'appliquer dans Voici comme il s'exprime : « La règle tous les cas la disposition de l'art. 312.

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« établie sur les naissances avancées « ou tardives recevra encore son application dans le cas où le mari vou«< dra désavouer l'enfant pour cause d'impossibilité physique de cohabi«tation. La loi exige qu'il y ait eu im

possibilité pendant le temps qui a «< couru depuis le trois centième jus« qu'au cent quatre vingtième jour << avant la naissance de l'enfant; le « temps le plus long de la grossesse « étant de trois cents jours, et le plus « court de cent quatre-vingts, si, de« puis l'époque où a pu commencer le « temps le plus court, il y a eu impos«sibilité, il est évident que la pré

somption qui naît du cours ordinaire « de la nature a toute sa force. »

Ainsi, lorsque trois cents jours se sont écoulés depuis le départ du mari sible entre les époux pour donner lieu sans qu'il y ait eu rapprochement posà la perception de la naissance prématurée, l'enfant né après le terme de trois cents jours peut être désavoué par le mari; mais si la naissance arrive avant ce terme, et après les cent quatre-vingts jours donnés à la naissance précoce, l'enfant étant conçu dans le mariage, on ne peut attaquer sa légitimité.

Nous terminerons cette explication par un tableau indiquant la manière de compter le temps que la loi exige

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