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qu'il peut commettre. Ce ne feroit point affez pour lui d'avoir rangé ces mouvemens au nombre de fes connoiffances, ils vont lui fervir de guide dans fes voyages, & il interrogera ces petits globes pour leur demander la defcription du fien.

Galilée ayant continué fes obfervations, pénétra d'un coup d'œil toute l'utilité qu'on en pouvoit retirer, & conçut le magni-. fique projet de les faire fervir à la recherche des longitudes. On ne connut d'abord la furface de la Terre que par les relations des Voyageurs la distance des différens lieux, & leur pofition refpective, n'étoient eftimées que par le chemin qu'on avoit fait, & le fens dans lequel on avoit marché. Il est ailé de fentir combien ces moyens étoient défectueux. Hipparque & Ptolemée inventerent la méthode de mesurer la distance des lieux par longitude & latitude. Cette méthode eft exacte & fure. Ils appellerent latitude, la diftance du lieu à l'équateur terreftre: la longitude fut mefurée par les degrés de l'équateur même. On la compte de l'Ouest à l'Eft. Par le pole & par les deux lieux dont on cherche la différence de longitude, on fait paffer deux cercles qui coupent l'équateur, & l'arc de l'équateur compris entre les fections de ces deux cercles, eft la différence de longitude de ces lieux.

Hipparque & Ptolemée montrerent que la recherche des latitudes & des longitudes dépendoit des obfervations astronomiques. On détermine la latitude [a] en obfervant la hauteur des aftres fur l'horifon. A l'égard de la longitude; qu'on imagine un cercle qui paffe par les poles du Monde & par le Soleil : la Terre en tournant fur fon axe en vingt-quatre heures, amenera fucceffivement toutes fes différentes parties perpendiculairement

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[a] Les Aftronomes connoiffent exactement les déclinaifons des étoiles ou du Soleil chaque jour, c'est-à-dire, leur diftance à l'équateur. Ils obfervent [ Fig. 5. ] la hauteur HS du Soleil ou d'une étoile fur l'horifon, dans l'inftant où ces aftres font dans le méridien : ils retranchent de cette hauteur, ou ils y ajoutent la déclinaison ES, felon que ces altres font au deffus ou au- deffous de l'équateur, & ils obtiennent par conféquent la hauteur de l'équateur H E. Mais e k eft la latitude du lieu, & l'angle e c k eft égal à l'angle E CZ: donc, fi de l'angle droit HCZ, on retranche la hauteur de l'équateur, on aura la distance du zénith à l'équateur égale à la latitude du lieu. Le 26 Mai 1765, à midi, on a obfervé à l'Obfervatoire Royal de Paris, la hauteur du Soleil 62° 23′ 12": la déclinaifon dn Soleil étoit ce jour-là boréale, c'est-à-dire qu'il étoit plus élevé que l'équateur de 21° 13' 26"; donc la hauteur de l'équateur eft à l'Obfervatoire, de 41° 9'46"; par conféquent la distance du zénith à l'équateur, ou la latitude de Paris, eft de 48° 50′ 14′′.

au - deffous de ce cercle: c'est l'inftant de midi. Les 360 degrés de l'équateur y pafferont en vingt-quatre heures : donc 15 degrés de longitude répondent à une heure, & 15 minutes de degrés à une minute d'heure. Une ville qui fera de 15 degrés de longitude plus à l'Oueft que Paris, aura donc midi une heure plus tard; c'est-à-dire qu'elle aura midi lorfqu'il fera à Paris une heure après midi. C'eft ce que l'on peut vérifier aisément au moyen d'un globe terreftre. Il s'enfuit de là, que la différence de longitude de deux villes dépend de la différence du tems que l'on y compte au même inftant. Les phénomenes céleftes font des fignaux donnés à tout l'hémifphere. Si dans chacune de ces deux villes on a marqué l'instant auque! le même phénomene a été apperçu, on faura quelle heure on comptoit dans ces deux villes au même inftant. Je fuppofe qu'on ait observé à Paris le commencement d'une éclipfe de Lune à 4" 16" 20" du foir, & que le même jour à Pekin on ait obfervé le commencement de cette éclipfe à 11" 52' 44" du foir; cette obfervation fait voir que l'on compte à Pekin 7" 36′ 24′′ de plus qu'à Paris. Or, à raifon de 15° par heure, 7" 36' 24" répondent à 114° 6' la différence de longitude entre Paris & Pekin est donc de 1 14° 6′, dont Pekin eft plus à l'Est.

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Maintenant il eft facile de faire voir l'ufage de ces connoiffances. On prend un globe fur lequel on a deffein de tracer un tableau de la fuperficie de la Terre, c'est-à-dire, la position de fes différentes parties: on y trace l'équateur, & fur ce cercle on prend un arc de 114° 6'. Par les extrémités de cet arc, & par les poles, on fait paffer deux cercles. Sur le premier, à la diftance de 48° 50' de l'équateur, on marque un point qui défigne Paris: fur le fecond, à la diftance [a] de 39° 54' de l'équateur, on marque un autre point qui repréfente Pekin; & l'on parvient ainfi à avoir fur le globe la vraie pofition refpective de ces deux villes. En répétant la même opération fur une infinité de villes, de montagnes, de caps, d'ifles, dont on compare la position à celle de l'une des deux villes déja fixée, on parvient à repréfenter non feulement l'intérieur des terres connues, mais les longs contours des côtes, & toutes les parties du monde où les [4] La latitude de Pekin eft de 39° 54'.

hommes ont pu pénétrer. Voilà la méthode que nous laiffa Ptolemée; mais les moyens d'en faire ufage n'étoient pas entre fes mains. Il eût fallu un grand nombre d'obfervations aftronomiques, & il y en avoit très peu de fon tems; tant parcequ'il n'y avoit gueres d'Obfervateurs , que parceque les obfervations propres à cette recherche étoient affez rares. Ptolemée donna les vrais principes de la Géographie; mais cette science resta long-tems dans l'enfance, fes progrès furent fort lents. C'étoit cependant un projet intéreffant, digne des efforts de l'efprit humain, que celui de décrire le globe que nous habitons: les dangers de la navigation le rendoient important. L'ambition & la cupidité ont donné naiffance au commerce maritime; la balance politique l'a rendu néceffaire. Il eft de l'humanité, il est de la fageffe du Gouvernement de remédier aux maux qu'on ne peut plus éviter. Les nations commerçantes devoient s'intéreffer vivement au fuccès du projet de Galilée, & les Etats de Hollande lui promirent de grandes récompenfes, s'il réuffiffoit. Ce grand homme confidéra que Jupiter étant vifible pendant dix mois de l'année, la vîteffe du mouvement des Satellites devoit multiplier les obfervations qu'on en pouvoit faire, & offroit un moyen facile de déterminer les longitudes, en comparant les mêmes obfervations faites en différens lieux. Nous ignorons de quelles obfervations des Satellites il comptoit fe fervir dans cette recherche. Les Etats de Hollande lui envoyerent, en 1636, Hortenfius & Blaeu pour l'aider dans cette entreprife: mais à peine étoient-ils arrivés, que le plus grand malheur qui puiffe affliger un homme curieux d'obferver, vint terminer la carriere de Galilée: une fluxion le priva de la vue; le ciel, dont tant d'aveugles jouiffent, fut à jamais fermé pour celui qui favoit le voir. Il paffa les fix dernieres années de fa vie à regretter le fpectacle de la Nature, & les découvertes qu'il auroit pu y faire. Les efpérances que fon projet avoit fait concevoir s'éva nouirent, jufqu'à Dominique Caffini, qui les fit renaître & les remplit.

Dans le même tems, Peiresc en France, après avoir appris la découverte des Satellites faite par Galilée, avoit entrepris de travailler aux Tables de leurs mouvemens. Plufieurs Aftronomes, & Morin principalement, l'aiderent dans ce projet. Morin

inventa

une théorie méchanique pour trouver en tout tems les lieux de ces Satellites: mais il eft vraisemblable qu'il ne la jugea point affez bonne, puifqu'il ne la donna pas au Public. Il croyoit qu'en obfervant, en différens lieux de la Terre, les configurations de ces Satellites, on pouvoit déterminer exactement les diftances, & s'en fervir à corriger les cartes géographique & à perfectionner la navigation. On fit diverfes épreuves: un Obfervateur alla vers l'Orient jufqu'à Alep; mais le fuccès ne remplit pas l'attente de Morin, & il vit que fa méthode avoit plus d'inconvéniens qu'il ne l'avoit imaginé. Il abandonna même entiérement cette entreprise, lorsqu'il fut que Galilée s'en occupoit, & qu'il étoit en traité avec les Hollandois.

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Après la mort de Galilée, Vincent Reyneri fut chargé par Grand Duc de Tofcane, de continuer les obfervations, & d'en conftruire des Tables. Il y travailla dix ans; mais fa mort fit perdre tout le fruit qu'on en attendoit: fes papiers difparurent avec lui. Malgré les recherches que fit faire le Grand Duc, les obfervations de Galiléc, dont Reyneri fon difciple étoit poffeffeur, furent en même tems perdues.

Les travaux de Galilée avoient excité l'émulation des Savans. Hodierna, Marius, Hérigone, Hévélius, ne réuffirent pas mieux que Morin. Borelli approcha de la vérité dans quelques points; mais il échoua, comme les autres, fur le plus important.

La plupart de ces Aftronomes connurent fi imparfaitement les mouvemens des Satellites, que leurs Tables étoient fort éloignées de les repréfenter. On n'observa d'abord que les configurations de ces planetes à l'égard de Jupiter; & dans la figure que l'on en traçoit, on ne prenoit pas la peine de les diftinguer les unes des autres on comptoit apparemment faire cette diftinction à loifir, ou l'on en laiffoit le foin à ceux qui vouloient faire ufage des obfervations. Avant que les mouvemens des Satellites aient été à - peu - près connus, on n'avoit d'autre indice pour pour les reconnoître, que la différence de grandeur & d'éclat. Le troifieme étoit le plus brillant; le quatrième étoit le plus petit; les deux autres fe confondoient aifément. Mais, fi l'éclat & la grandeur du quatrieme varient fenfiblement, c'étoit une fource d'erreur de plus.. Il cft vrai que comme il est le plus éloigné, on peut le reconnoître à ce qu'il s'écarte plus

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que tous les autres du centre de Jupiter. On appelle digreffion cette diftance du Satellite au centre de la planete: le point de la plus grande digreffion eft donc celui où il ceffe de s'en éloigner, & où il commence de s'en rapprocher. Auffi, dans les premiers tems de la découverte des Satellites, il paroît que Galilée luimême ne favoit diftinguer que le quatrieme. Cette difficulté fut long-tems un obftacle.

Enfin, Dominique Caffini, l'un des plus grands hommes que le dix- feptieme fiecle ait vu fleurir, &, fi j'ofe le dire, le fondateur de l'Aftronomie moderne, fut le premier qui débrouilla la théorie [a] des Satellites. Il publia fes Tables en 1666. L'étonnement fut général dans l'Europe: le grand nombre de ceux qui avoient échoué avoit découragé les Savans, & perfonne n'ofoit entrer dans la carriere. M. Caffini ouvrit & applanit le chemin à ceux qui l'ont fuivi. M. Picard fut frappé de l'accord qui regnoit entre l'obfervation & le calcul fait fur ces Tables: il les trouva plus exactes que l'Auteur même n'avoit ofé l'efpérer, parceque s'étant hâté de les mettre au jour, il ne leur avoit pas donné toute la perfection qu'il entrevoyoit déja.

La premiere chofe que M. Caffini eut à faire, ce fut de déterminer les révolutions périodiques, c'eft-à-dire, le tems que les Satellites emploient à faire le tour de Jupiter. Il remarqua que les obfervations les plus exactes étoient celles de leurs éclipfes. Tout corps éclairé par un flambeau quelconque, jette une ombre derriere lui: celle de Jupiter s'étend donc à l'oppofite du Soleil. Les dimenfions de cette ombre dépendent de la distance de Jupiter au Soleil, & du rapport des groffeurs de ces deux planetes. Si le globe du Soleil étoit plus petit que celui de Jupiter, les rayons qui touchent les deux bords de cet aftre, feroient divergens, & l'ombre auroit, pour ainfi dire, la forme d'un entonnoir: fi le globe du Soleil étoit égal, les rayons feroient paralleles, & l'ombre cylindrique & infinie; mais le Soleil étant beaucoup plus gros, l'ombre a la forme d'un cône

[4] Les Aftronomes entendent par le mot de Theorie, la réunion de toutes les connoif fances de fait, néceffaires pour calculer les mouvemens des planetes. Chacune de ces connoiflances en particulier a le nom d'Element. On donne auffi ce nom à toutes les autres connoiffances que l'on tire de l'observation des aftres, foit fur leur figure, leur masse, leus denfité, &c.

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