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jourd'hui les plus illustres théologiens, amis des progrès de la science.

La grande diversité qui existe entre les esprits des hommes introduit nécessairement beaucoup de variétés dans la manière dont ils envisagent la religion, la théologie et la dogmatique. Voyez-les en présence de l'idée de Dieu, comme ils se répandent en mille chemins variés et souvent contraires. L'athée nie qu'il y ait une cause première et un esprit créateur.

Le panthéiste fait de Dieu l'esprit général de l'univers, l'expression la plus haute de l'humanité et de la nature, en d'autres termes, une pure abstraction sans personnalité.

Le fétichiste place Dieu dans un objet extérieur et grossier qu'il adore et qu'il prie. Le partisan du naturalisme confond Dieu avec la nature, et le voit dans l'organisation de l'univers.

Le manichéen reconnaît un Dieu déchiré en deux par la lutte entre le bien et le mal. Le poJythéiste divise la perfection suprême et individualise ses attributs, Dieu est pour lui l'homme-divinisé. Le monothéiste fait de son Dieu un être unique, puissant et bon.

Si l'on diverge ainsi sur la base, sur la pierre angulaire de toute religion, que sera-ce de la dogmatique et de ses détails? L'Eglise dans laquelle on est né, sa tendance étroite ou large, mille circonstances inévitables la rendront belle ou méprisable, utile ou nuisible.

N'est-il pas évident, pour donner un exemple, que le catholique et le protestant s'en feront une idée opposée?

Le catholique inscrira les décisions et les symboles des conciles, il répètera les ordres de l'Eglise, et, appuyé sur l'autorité, il regardera l'examen et les résultats auxquels il arrive comme les fruits de l'incrédulité, comme une impiété funeste. Tout progrès lui apparaîtra comme une nouveauté dangereuse, et les travaux de la critique et de l'exégèse seront à ses yeux un piége de l'esprit du mal.

Le protestant, au contraire, s'il est fidèle à son principe, sentira que les résultats d'un examen consciencieux et approfondi ne peuvent être identiques pour tous, et il donnera moins d'importance à des points controversés et par cela même moins essentiels et moins vitaux. Il séparera le fond de la forme; une fois que le chrétien saluera le Christ comme son rédempteur et son maître, il attachera moins de prix à l'explication de passages détachés ; il verra l'esprit des enseignements au lieu de la lettre, l'âme et non plus le corps.

Laissons à l'homme sa franchise et sa liberté; ne le contraignons pas de déguiser sa pensée, en l'accablant d'épithètes injurieuses parce qu'il ne sait pas voir comme nous; ce malaise et cette crainte trahissent de confiance dans la bonté de sa cause. peu Pour moi, qui vois avec douleur la manière dont l'orthodoxie rigoureuse et le méthodisme déguisent

le christianisme, je ne saurais avoir la moindre appréhension pour l'avenir; voici quelques années de fermentation et d'efforts pour nous ramener le quinzième siècle; je m'appuie sur celui dont la parole ne passera point, et j'espère que l'on discernera toujours les divagations de l'homme de la sagesse éternelle de Dieu.

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y a toujours eu des manières tranchées de voir sur les questions qui se rattachent à une révélation, ou à ces connaissances que l'homme tient de Dieu. Il y a eu et il y a encore des supranaturalistes' et des rationalistes qui se divisent en plusieurs catégories. Les premiers reconnaissent que Dieu a quelquefois agi en faisant des exceptions aux lois de la nature, et ils conviennent que la révélation présente des enseignements et des faits que l'intelligence humaine ne peut qu'imparfaitement comprendre, mais dont la vérité et la réalité reposent sur de solides preuves. Mais alors il en est qui poussent au dernier terme l'inspiration des écrivains sacrés, qui la veulent littérale, et qui croient manifester avec plus d'éclat la puissance divine, en lui faisant prodiguer dans la révélation des mystères incompréhensibles qui confondent la raison, et paraissent à leurs yeux rehausser l'action divine. Il est des supranaturalistes qui font consis

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Supranaturalistes actuels: Steudel, Glaubenst. d. ev. prot. Tubing. 1834. Nitsch, System, d. chr. Lehre s. acad. etc. Bonn. 1829. Olshausen, Bibl. commentar. u. s. Schrift d. N. T. Konigsb. 1833. Hengstemberg, Christol. des. A. T.

ter leur orthodoxie à admettre les décisions des conciles de Nicée, de Constantinople, d'Ephèse et de Chalcédoine; d'autres élisent Calvin pour leur maître dans la foi, et combattent tous ceux qui signalent des erreurs dans les enseignements de ce grand homme. D'autres enfin, tout en reconnaissant les égarements et les limites de la raison, aspirent à concilier les leçons de ces deux maîtres, et croiraient offenser la majesté de Dieu s'ils le supposaient contredisant par l'une de ces voies les règles positives qu'il a données par l'autre.

Les rationalistes vont plus loin; ils n'admettent pas que Dieu ait jamais agi contre les lois de la nature; il en est parmi eux qui allégorisent tout, qui tentent d'expliquer les miracles d'une manière naturelle, conforme à l'ordre établi, et qui repoussent l'action immédiate du Tout-Puissant. C'est là l'ancien rationalisme, qui en appelle avant tout à la preuve morale de l'Evangile, et qui oublie qu'il est dans la bouche de Jésus et des Apôtres des appels si clairs à des actes surnaturels, qu'il est impossible d'admettre leurs explications sans ébranler le caractère moral et la véracité du fondateur du christianisme'.

Les rationalistes modernes considèrent le christianisme comme une religion historique, dont c'est le devoir de la raison de sonder les sources et les appuis; Jésus a révélé un Dieu unique et a fondé sa

1 Anciens rationalistes: Wegscheider, Paulus, Venturini.

religion sur uné autorité divine, mais il faut soigneusement distinguer dans l'Ecriture le fond de la forme, et la vérité, de l'enveloppe que les écrivains sacrés lui ont donnée. L'idée-mère du rationalisme moderne, c'est que Dieu opère ses révélations à l'homme par la conscience de l'homme, qui parle un langage divin et est inspiré toutes les fois qu'il exprime de hautes pensées; et il les doit à l'image de Dieu qu'il porte enlui-même. Le fondachristianisme a enseigné ce qui était divin.

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Au milieu de divergences aussi notables, le théologien ne doit se lier irrévocablement à aucun système, il doit enseigner ce qu'il croit être la vérité, et y renoncer aussitôt qu'il se verra convaincu d'erreur. Ici, je prends la plume comme supranaturaliste rationnel, j'admets l'autorité des Saintes Ecritures, et je dirai ce qu'elles me paraissent enseigner sur chaque sujet, ne recevant d'autre titre et d'autre couleur que celle d'un chrétien ami de la vérité et désireux de l'embrasser et de la suivre toutes les fois qu'elle m'apparaît. Le mot orthodoxie a perdu son ancienne valeur, il ne signifie plus que la fidélité à une certaine Eglise; ainsi le catholique orthodoxe admet pour règle de sa foi les décisions des conciles: le calviniste orthodoxe explique la Bible comme Calvin l'a comprise il y a trois siècles; le luthérien orthodoxe conforme sa foi aux symboles admis par son Eglise ; il y a au-dessus de tout cela le chrétien orthodoxe qui conserve la véritě chrétienne telle qu'il la voit en

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