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LE MARQUIS.

Réponds donc, je te prie.

DORANTE.

Laiffe-moi donc faire. Si...

LE MARQUIS.

Parbleu, je te défie de répondre.

DORANTE.

Oui. Si tu parles toujours.

De grace,

CLIMENE.

écoutons fes raifons.

DORANTE.

Premiérement, il n'eft pas vrai de dire que toute la piéce n'eft qu'en récits. On y voit beaucoup d'actions qui fe paffent fur la fcéne ; & les récits eux-mêmes y font des actions, fuivant la conftitution du fujet; d'autant qu'ils font tous faits inuocemment, ces récits, à la perfonne in téreffée, qui par là entre à tous coups dans une confufion à réjouir les fpectateurs, & prend, à chaque nouvelle, toutes les mesures qu'il peut, pour fe parer du malheur qu'il craint."

URANIE.

Pour moi, je trouve que la beauté du sujet de l'Ecole des Femmes confifte dans cette confidence perpétuelle; & ce qui me paroît affez plaifant, c'eft qu'un homme qui a de l'efprit, & qui eft averti de tout par une innocente qui eft fa maî treffe, & par un étourdi qui eft fon rival, ne puiffe avec cela éviter ce qui lui arrive.

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DORANTE.

Pour ce qui eft des enfans par l'oreille, ils ne font plaifans que par réflexion à Arnolphe, & l'auteur n'a pas mis cela pour être de foi un ben mot; mais feulement pour une chofe qui caractérise l'homme, & peint d'autant mieux fon extravagance, puifqu'il rapporte une fottife triviale qu'a dite Agnés, comme la chose la plus belle du monde, & qui lui donne une joye inconcevable.

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Quant à l'argent qu'il donne librement, outre que la lettre de fon meilleur ami lui eft une caution fuffifante, il n'eft pas incompatible qu'une perfonne foit ridicule en de certaines chofes, & honnête homme en d'autres. Et, pour la fcéne d'Alain & de Georgette dans le logis, que quelques-uns ont trouvée longue & froide, il est certain qu'elle n'eft pas fans raifon; & de même qu'Arnolphe fe trouve attrapé pendant fon voyage par la pure innocence de fa maîtreffe, il demeure au retour long-tems à fa porte par l'innocence de fes valets, afin qu'il foit par tout puni, par les chofes dont il a crû faire la fûreté de fes précautions.

LE MARQUIS.

Voilà des raifons qui ne valent rien.

CLIMENE.

Tout cela ne fait que blanchir.

Cela fait pitié.

ELISE.

DO

DORANTE.

Pour le difcours moral que vous appellez un fermon, il eft certain que de vrais dévots qui l'ont ouï, n'ont pas trouvé qu'il choquât ce que vous dites; & fans doute que ces paroles d'enfer & de chaudiéres bouillantes font affez juftifiées par l'extravagance d'Arnolphe, & par l'innocence de celle à qui il parle. Et quant au tranfport amoureux du cinquiéme Acte, qu'on accufe d'être trop outré & trop comique, je voudrois bien fçavoir fi ce n'eft pas faire la fatyre des amans, & fi les honnêtes gens même & les plus férieux, en de pareilles occafions, ne font pas des choses...

LE MARQUIS.

Ma foi, Chevalier, tu ferois mieux de te taire. DORANTE.

Fort bien. Mais enfin, fi nous nous regardions nous-mêmes, quand nous fommes bien amou

reux...

LE MARQUIS.

Je ne veux pas feulement t'écouter.

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La, la, la, la, lare, la, la, la, la, la, la.

Quoi ?....

[Il chante.]

DORANTE.

LE MARQUIS.

La, la, la, lare, la, la, la, la, la, la, la.

DORANTE.

Je ne fais pas fi.....

LE

LE MARQUIS.

La, la, la, la, lare, la, la, la, la, la, la.

URANIE.

Il me femble que....

LE MARQUIS.

La, la, la, lare, la, la, la, la, la, la, la, la, la, la. URANIE.

Il fe paffe des chofes affez plaifantes dans notre difpute. Je trouve qu'on en pourroit bien faire une petite comédie, & que cela ne feroit pas trop mal à la queuë de l'Ecole des Fem

mes.

DORANTE.

Vous avez raison,

LE MARQUIS.

Parbleu, Chevalier, tu jouerois là-dedans un rôle qui ne te feroit pas avantageux.

DORANTE.

Il est vrai, Marquis.

CLIMENE.

Pour moi, je fouhaiterois que cela fe fit, pourvû qu'on traitât l'affaire comme elle s'eft paffée.

ELISE.

Et moi, je fournirois de bon cœur mon perfonnage.

LYSIDA S.

Je ne refuferois pas le mien, que je penfe.

URANÍE.

Puifque chacun en feroit content, Chevalier, faites un mémoire de tout, & le donnez à Moliere que vous connoiffez, pour le mettre en comédie.

CLIMEN E.

Il n'auroit garde, fans doute, & ce ne feroient pas des vers à fa louange.

URANIE.

Point, point, je connois fon humeur; il ne fe foucie pas qu'on fronde fes piéces, pourvû qu'il y vienne du monde.

DORANTE.

Oui. Mais quel dénouement pourroit- il trouver à ceci? Car il ne fçauroit y avoir ni mariage ni reconnoiffance, & je ne fçais point par où l'on pourroit faire finir la difpute.

URANIE.

Il faudroit rêver à quelque incident pour cela.

SCENE DERNIERE.

CLIMENE, URANIE, ELISE, DORANTE, LE MARQUIS, LYSIDAS, GALOPIN.

Madame,

GALOPIN.

on a fervi fur table.

DORANTE.

Ah! Voilà juftement ce qu'il faut pour le dénouëment que nous cherchions, & l'on ne peut rien trouver de plus naturel. On difputera fort & ferme de part & d'autre, comme nous avons fait, fans que perfonne fe rende; un petit laquais viendra dire qu'on a fervi, on fe lévera, & chacun ira fouper.

URA

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