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dessus des sentimens de la nature, il adora secrètement les décrets de la Providence, tout rigoureux qu'ils étaient; et le malheur qu'il éprouvait lui fournit une nouvelle preuve de l'instabilité des choses humaines. Ses amis, le Pape lui-même, le pressèrent de quitter l'état ecclésiastique et de se marier, pour être le soutien et la consolation de sa famille. Mais il refusa de se rendre à leurs sollicitations; et, afin de s'en délivrer pour toujours, il reçut les ordres sacrés, et se fit ordonner prêtre avant la fin de la même année. Peu de temps après il fut fait grand pénitencier, et archiprêtre de sainte Marie-Majeure. Ce fut dans le même temps qu'il fonda un collége à Pavie, pour l'éducation des jeunes clercs de Milan, et qu'il obtint diverses bulles relatives à la réformation de plusieurs abus qui s'étaient introduits dans la discipline ecclésiastique.

L'année suivante est mémorable par la clôture du concile de Trente (5), qui avait été souvent interrompu et

(5) La convocation du concile de Trente souffrit de grandes difficultés ; on désespéra plus d'une fois de les vaincre. Ces difficultés venaient de plusieurs causes.

1o On présuma d'abord ( et Luther le promettait), que quand le Pape, les évêques et les universités auraient porté leur jugement sur la nouvelle doctrine, tout rentrerait dans l'ordre. Mais on s'aperçut bientôt que l'autorité ne ramènerait pas les errans, que les décisions d'un concile ne serviraient qu'à consommer leur schisme, et à mettre le dernier sceau à leur séparation. Cette idée faisait beaucoup d'impression sur Clément VII.

2o Les princes chrétiens furent, pendant tout cet intervalle, divisés par des guerres presque continuelles. Par une suite de leurs défiances mutuelles, on ne pouvait s'accorder sur le lieu où se tiendrait le concile. C'était le cas de l'indiquer dans une ville de l'État de l'Église, qui ne devait être suspect à aucune des parties. Mais les protestans s'y opposaient, et l'Empereur ne voulait pas leur déplaire.

3o A la vérité, les luthériens demandaient le concile; mais ils ne cherchaient qu'à répandre plus sûrement leurs erreurs, à l'ombre d'un nom si respecté. Dans le fond, ils ne voulaient point de concile, ou ils le

repris. La dernière session se tint le 3 et le 4 Décembre 1563. Les décrets des sessions précédentes, tenues sous

voulaient à des conditions qui allaient à renverser la constitution de l'Église. Ils demandaient en outre avec hauteur qu'on le tînt en Allemagne, où ils savaient bien que les évêques des autres nations ne viendraient pas. L'Allemagne était alors un théâtre sanglant de discordes, de séditions et de meurtres; les ecclésiastiques y étaient continuellement exposés à mille avanies, et leur vie y était dans un danger évident. De là cette multitude de négociations avec les princes et les luthériens, lesquelles donnèrent tant d'exercice à la sollicitude paternelle des Souverains-Pontifes pendant plus de vingt ans.

Pour convoquer le concile, Clément VII exigeait la paix entre les princes chrétiens, et la soumission des protestans ; mais il se relâcha sur cette dernière condition, quoiqu'on reconnût la justice, la nécessité même de la demande du Pape. On est cependant parti de là pour le déchirer, en l'accusant de s'être opposé au concile et d'avoir toujours montré de la répugnance à le convoquer. Mais Charles-Quint et François Ier, avec lesquels il en avait traité par ses nonces, par lettres et de vive voix, ont rendu justice à son zèle et à la pureté de ses intentions.

Clément VII mourut le 25 Septembre 1534, sans avoir recueilli le fruit des peines qu'il s'était données.

Le cardinal Farnèse lui succéda sous le nom de Paul III. Le nouveau Pape pensa, comme il avait pensé n'étant encore que cardinal, qu'il fallait aller en avant, sans s'embarrasser ni des démêlés des princes, ni des chicanes des protestans; et il se flatta que tôt ou tard il reussirait. Il ne se trompa point; mais ce ne fut encore qu'après dix années de négociations et de convocations inutiles. Immédiatement après son exaltation, il reprit l'affaire du concile, il tint plusieurs consistoires, il écrivit un grand nombre de brefs, et envoya différens nonces tant aux catholiques qu'aux protestans. Rien ne le rebuta, ni les voyages, ni les refus, ni les mauvaises réceptions qu'on fit à ses envoyés.

En 1536, il donna une bulle par laquelle il indiquait le concile à Mantoue pour le 23 de Mai de l'année suivante. Cette bulle fut approuvée dans le consistoire, et publiée le 2 de Juin. Le Pape envoya des légats et des nonces à tous les princes catholiques et protestans, pour leur notifier l'indiction du concile. Cette convocation n'eut point d'effet, parce que le duc de Mantoue exigeait absolument que le Pape entretînt une garde militaire dans sa ville. Paul III, après bien des négociations, ne voulut point y consentir; il craignait qu'on ne publiât un jour que le but de la garnison avait été de tenir le concile dans la servitude. Il se

Paul, III, Jules III et Pie IV, y furent confirmés et souscrits par quatre légats du Saint-Siége, par des cardinaux,

trouva dans l'embarras, parce qu'il n'avait pas assez de temps pour informer la chrétienté de ce changement, avant le terme fixé pour l'ouverture du concile. Il tint un consistoire secret, où il appela les ambassadeurs des princes; il les pria de faire part à leurs maîtres des conditions sans lesquelles le duc de Mantoue ne voulait point recevoir le concile dans sa ville, des raisons qui l'empêchaient de les accepter, et de l'intention où il était de proroger la convocation jusqu'au premier de Novembre suivant. La bulle de prorogation fut publiée le 20 Mai 1537.

Paul III fit ensuite proposer aux princes catholiques une des villes de l'état de Venise, après avoir obtenu le consentement de la république. Il publia le 8 d'Octobre de la même année, une bulle par laquelle il convoquait le concile à Vicence pour le premier de Mai suivant. Il nomma trois légats pour y présider : les cardinaux Campége, Simonette, Alexandre. Ces légats étaient connus par un mérite distingué; il n'y avait presque aucun genre de science où ils ne fussent très-versés: Simonette sur-tout excellait dans la connaissance du droit canonique. Ils se rendirent à Vicence; mais il n'y vint aucun évêque, et l'ouverture du concile ne put avoir lieu. Paul fut donc contraint de la suspendre jusqu'au jour qu'il indiquerait, et il publia la bulle de cette suspension le 25 Avril 1538. Après la conférence de Nice avec l'Empereur et le Roi de France, il se vit encore obligé, sur les représentations de ces deux princes, de proroger l'ouverture du concile jusqu'à Pâques. Malgré tous ces délais, personne ne se rendit à Vicence. Le Pape, craignant avec raison qu'on ne le soupçonnât d'amuser le monde par un concile imaginaire, résolut, dans le consistoire du 31 Mai 1539, de le proroger pour un temps indéterminé, c'est-à-dire, jusqu'à ce qu'il se présentât un moment favorable pour le célébrer. Il rappela dans la nouvelle bulle les soins qu'il s'était donnés, et les obstacles qu'il avait rencontrés. Il promettait en même temps d'accélérer la célébration du concile, le plus qu'il lui serait possible.

Il se passa encore deux ou trois ans en négociations inutiles. Le Pape offrit différentes villes, et en Italie, et en d'autres états. Les protestans les rejetérent toutes, parce qu'ils voulaient absolument le concile en Allemagne. Paul de son côté insistait pour Cambrai, alors ville libre, parce qu'elle observait une exacte neutralité entre les puissances belligérantes. Enfin, dans la diète de Spire, tenue en 1542, il fit encore offrir Cambrai et Trente. Tous les ordres de l'empire, à l'exception des pro

trois patriarches, vingt-cinq archevêques, cent soixantehuit évêques, trente-neuf députés de prélats absens, sept

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testans, acceptèrent cette dernière ville, située sur les confins de l'Allemagne, et feudataire de Ferdinand, archiduc d'Autriche. Mais on ent beaucoup de peine à la faire accepter par François Ier, qui ne voyait pas de bon œil le concile dans un fief d'Autriche.

Le Pape ne perdit pas un moment; la bulle de convocation fut dressée, et signée le 22 de Mai, et publiée le 29 de Juin, fête du Prince des apôtres. Le concile fut indiqué pour la fête de tous les Saints. Les cardinaux Parisi, Pool et Morone furent nommés pour y présider. A leur arrivée à Trente, ils trouvèrent si peu d'évêques, qu'on ne fit point l'ouverture du concile au jour marqué. Au commencement de l'année suivante, les deux Granvelle y arrivèrent avec la qualité d'ambassadeurs de l'Empereur. Charles-Quint, voulant rejeter sur les autres le nouveau délai, écrivit au Pape que les retardemens du concile ne devaient pas lui être imputés, puisqu'il y avait envoyé des ambassadeurs. Paul lui répondit que c'était avec des évêques, et non avec des ambassadeurs qu'on tenait des conciles. Les deux ambassadeurs eurent ordre de se rendre ailleurs. Quelques prélats italiens, qui étaient arrivés, s'en retournèrent aussi. Le Pape manda à Bologne les légats Pool et Parisi, pour délibérer sur le parti qu'il y avait à prendre. Après sept mois de séjour à Trente, les légats furent enfin rappelés, et les évêques déliés de l'obligation de rester plus long-temps dans cette ville. On remit à un temps plus favorable l'ouverture de l'assemblée.

La paix ayant été conclue entre François Ier et Charles-Quint, sur la fin de l'année 1544, on reprit l'affaire du concile. Les cardinaux del Monte, Cervin et Pool furent choisis pour y présider. En arrivant à Trente, ils n'y trouvèrent que l'évêque de Cava, envoyé par le Pape en qualité de commissaire, pour faire des provisions. Il fallut donc encore attendre. Peu à peu arrivèrent quelques évêques et quelques ambassadeurs. La circonstance critique où se trouvaient les affaires de la religion en Allemagne, porta le Pape à donner un ordre précis de faire l'ouverture du concile le 3 de Mai; mais cet ordre n'eut point d'exécution, parce qu'on reçut des nouvelles peu favorables. L'Empereur s'opposait d'ailleurs à l'ouverture du concile, et il n'y avait guères que des évêques italiens à Trente. Les prélats fatigués de ces nouveaux délais, menaçaient de s'en retourner; il fallut toute l'adresse et toute la patience des légats pour les retenir. Cependant le Pape résolut absolument, dans le consistoire du 6 de Novembre, de faire ouvrir le concile le 13 Décem

abbés, et sept généraux d'ordres religieux. Les difficultés qui survinrent, et qui furent suscitées par l'Empereur

bre 1545: ce qui fut exécuté dans la cathédrale de Trente. Cornelio Musso, Franciscain, évêque de Bitonto, le plus célèbre prédicateur de son siècle, fit le discours d'ouverture. Il s'y trouva quatre cardinaux, quatre archevêques, vingt évêques, cinq généraux d'ordre, Sebastien Pighino, auditeur de Rote, et les ambassadeurs du Roi Ferdinand.

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On se proposait dans le concile de condamner les nouvelles erreurs contre la foi, de travailler à la réformation des mœurs et de la discipline, de remettre en vigueur les anciens canons et de faire de nouveaux réglemens relatifs à cet objet. On discutait d'abord les matières dans des congrégations particulières ; après cette discussion, elles étaient portées et examinées dans les congrégations générales, et enfin on prononçait définitivement dans les sessions. On convint, après plusieurs débats, de ne point séparer la discipline de la foi, et de faire suivre la condamnation des erreurs, des décrets pour la réformation des mœurs : la raison en est que les abus dans la pratique ont rapport à la plupart des points de doctrine. On explique d'abord la doctrine de la foi dans les chapitres; vient ensuite la condamnation des erreurs qui y sont opposées, et enfin les articles de foi définis dans les canons. Ce n'est pas qu'il y ait de nouveaux dogmes. La foi que nous professons est celle des apôtres, celle que l'Église a crue et enseignée dans tous les siècles. Le P. Bernard Lami, de l'Oratoire, avait avancé que les chapitres du concile où est contenue l'exposition de la doctrine, n'avaient pas une autorité égale à celle des canons; mais M. Bossuet le convainquit charitablement qu'ils se trompait; il le reconnut, corrigea ce qui lui était échappé, et se rétracta, comme l'observe M. Languet, archevêque de Sens.

Dans plusieurs sessions, les décrets pour la réformation des mœurs et pour la discipline, sur-tout dans le clergé, suivent les chapitres et les canons de doctrine.

On ne décida rien dans les trois premières sessions, pour donner aux prélats le temps d'arriver. L'Écriture-Sainte, le péché originel, le libre arbitre, la justification, les sacremens en général, ceux du Baptême et de la Confirmation en particulier, sont la matière des quatre sessions suivantes.

Une maladie épidémique étant survenue à Trente, on parla de transférer le concile à Bologne. L'Empereur était extrêmement opposé à cette translation, et fit faire de grandes menaces au légat Cervin, qu'il en

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