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coup si violent, qu'il fut renversé par terre. Sa folie était d'en faire un martyr et un autre saint Thomas. On crut que le coup était mortel, et tous exprimèrent leur douleur par leurs larmes. Le saint évêque revenu à lui-même, demanda de l'eau qu'il bénit avec le signe de la croix, et voulut qu'on s'en servit pour laver sa plaie. Son sang s'arrêta sur-le-champ, et il dit la messe. L'auteur qui rapporte ce miracle, et qui en fut témoin occulaire, assure qu'on remarqua après la mort du Saint, qu'il avait une fracture au crâne. Le Roi voulut faire mettre à mort l'assassin; mais Laurent intercéda pour lui, et obtint sa grâce.

Le Pape Alexandre III, pour procurer la réformation des mœurs et l'extirpation des hérésies, avait assemblé le troisième concile général de Latran, à Rome, en 1179. Il s'y trouva trois cents évêques. Saint Laurent y alla d'Angleterre, avec l'archevêque de Tuam et neuf évêques, cinq Irlandais et quatre Anglais. Il exposa au Pape l'état de l'église d'Irlande, en le priant de remédier aux désordres qui y régnaient, et d'en maintenir les libertés. Alexandre acquiesça à sa demande, il fit les réglemens qu'il désirait, et le créa légat du Saint-Siége dans le royaume d'Irlande. Laurent partit de Rome, bien résolu d'exécuter avec zèle la commission dont il était chargé.

A son arrivée en Irlande, il trouva son diocèse affligé d'une famine cruelle qui dura trois ans. Il se fit une loi de nourrir tous les jours cinquante étrangers et trois cents pauvres. Cela ne l'empêchait pas de fournir aux besoins d'un grand nombre de personnes qui étaient dans l'indigence. Les mères qui ne pouvaient entretenir leurs enfans, les exposaient à la porte du palais de l'archevêque, ou dans les lieux par lesquels il devait passer. Le Saint en prenait soin, et souvent il en nourrissait jusqu'à trois cents à la fois.

Déronog, un des Rois d'Irlande, avait offensé Henri II;

Laurent fit un voyage en Angleterre, dans l'espérance de parvenir à les réconcilier. Mais Henri ne voulut point entendre parler de paix, et il s'embarqua pour la Normandie immédiatement après l'arrivée du Saint. Laurent se retira dans le monastère d'Abingdon, où il passa trois semaines. Il partit ensuite pour la France, afin de faire de nouvelles tentatives auprès du Roi d'Angleterre. Henri persista toujours dans son refus. Il se laissa cependant toucher à la fin, et Laurent obtint tout ce qu'il demandait. Le Roi s'en rapporta même à lui sur les conditions.

Après avoir rempli la commission que la charité lui avait fait entreprendre, il tomba malade, et la fièvre qui le prit en chemin, l'obligea de s'arrêter en route. Il se retira dans le monastère des chanoines réguliers de la ville d'Eu, qui est à l'entrée de la Normandie. Cette maison, qui était alors une dépendance de l'abbaye de Saint-Victor de Paris, appartient aujourd'hui à la congrégation de France. Le Saint dit en y entrant: C'est là le lieu de mon repos pour toujours, j'y demeurerai, parce que je l'ai choisi. Il se confessa à l'abbé, qui lui administra l'Extrême-Onction et le Saint-Viatique. Quelqu'un lui ayant proposé de faire son testament, il répondit : « De quoi me parlez-vous? Je re>> mercie Dieu de n'avoir pas un sou dans le monde dont » je puisse disposer. » Il mourut le 14 Novembre 1181, et fut enterré dans l'église de l'abbaye. Thibaud, archevêque de Rouen, et trois autres commissaires firent, par ordre du Pape Honorius III, une information juridique sur plusieurs miracles opérés par l'intercession du saint archevêque de Dublin, et envoyèrent leur procès-verbal à Rome. Honorius canonisa le serviteur de Dieu, en 1226, et il parle, dans sa bulle, de sept morts ressuscités. L'année suivante, le corps de saint Laurent fut levé de terre. La châsse qui le renferme se garde encore dans l'abbaye de Notre-Dame d'Eu, et est placée au-dessus du grand autel.

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On a donné quelques petites portions de ses reliques à d'autres églises. Celle de l'abbaye où reposent les corps de plusieurs comtes d'Eu, de Ponthieu, etc., ainsi que ceux de plusieurs princes de la maison de Bourbon, est présentement divisée en deux vastes églises, dont l'une sert de paroisse et porte le nom de saint Laurent, qui est le principal patron de la ville. On y célèbre tous les ans trois fêtes en son honneur; l'une au mois de Novembre, l'autre au mois d'Août, et la troisième au mois de Mai. A quelque distance de la ville est une chapelle bâtie à l'endroit où le clergé et les magistrats allèrent le complimenter, lorsqu'ils eurent appris son arrivée. La ville d'Eu est remplie de monumens qui attestent sa vénération pour saint Laurent, et on n'y en voit plus aucun de Henri II, qui l'honora souvent de sa présence.

Si la vertu, le zèle, les prières et les miracles de saint Laurent ne touchèrent point plusieurs pécheurs endurcis, dont il désirait la conversion, nous ne devons pas nous en étonner. Nous savons que la plupart des Juifs, sur-tout des pharisiens, refusèrent d'écouter le Sauveur du monde. Si les travaux d'un pasteur étaient toujours suivis du succès, il ne pratiquerait pas la patience qui conduit à la perfection, et qui mérite la couronne. La perversité, la malice, l'opiniâtreté des pécheurs ne doit donc ni le troubler, ni le décourager. Plus leur aveuglement est grand, plus leurs maladies spirituelles paraissent désespérées, plus il est obligé de les supporter avec patience, et de prier avec ferveur pour leur salut. Il peut toujours espérer, tant que Dieu les laisse sur la terre. Peut-être n'aura-t-il pas toujours l'occasion d'exhorter; peut-être même la prudence le forcera-t-elle de dissimuler le mal pour un temps. Qu'il se prosterne alors devant le Père des miséricordes, et qu'il demande la conversion des âmes rachetées par par le sang de Jésus-Christ.

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Au milieu de la corruption qui régnait parmi les anciens Bretons, avant l'invasion des Anglo-Saxons, Dieu suscita de saints pasteurs, qui, par leurs discours et leurs exemples, exhortaient leurs compatriotes à la pénitence. De ce nombre fut Dubrice, qui fit du South-Wales le principal théâtre de son zèle (1). Il était né dans l'île de Miserbdil,

(1) În lit dans les antiquités du comté de Warwick par Dugdale, que saint Dubrice fixa quelque temps son siége épiscopal à Warwick : que durant le temps qu'il y résida, il faisait des retraites fréquentes dans une agréable solitude sur le bord de l'Avon, environ à un mille de Warwick, laquelle fut depuis appelée Guy's-Cliff; qu'il y bâtit un oratoire, non sous l'invocation de sainte Marguerite, comme Camden l'avance, mais sous celle de sainte Marie-Magdeleine. Le même auteur cite les archives et une histoire manuscrite de Jean Rouss ou Ross, chapelain de ce lieu sous Edouard VI. On trouve dans cette histoire que Hearne a publiée, des anecdotes curieuses; mais il y a aussi beaucoup de fables et de faits qui ne sont appuyés que sur des conjectures.

Guy's-Cliff a été ainsi appelé de Guy, fameux champion anglais, qui fit des prodiges de valeur contre les Danois, sous le règne d'Athelstan. On l'appelle communément comte de Warwick. On donnait cependant alors le titre d'ealderman au principal gouverneur ou magistrat, et celui de comte ne fut introduit qu'après les Danois. Ses exploits ont été défigurés par les romanciers, ainsi que ceux du Roi Arthur et de plusieurs autres anciens héros. Il renonça depuis aux honneurs et aux richesses, se mit sous la conduite d'un saint hermite qui vivait dans le lieu dont nous parlons, et passa le reste de ses jours dans la pénitence. Il mourut dans une cellule située dans le voisinage, en 929, à l'âge de 70 ans.

La tour de Guy à Warwick a été ainsi appelée de Guy-Beauchamp, comte de Warwick. On lui attribue faussement les monumens des autres comtes qui faisaient leur résidence dans cette tour, laquelle était

près la rivière du Guy, que les uns prennent pour l'Avon, dans les comtés de Warwick et de Worchester, et les autres pour la Wye, dans le pays de Galles. Quoiqu'il en soit, tous s'accordent à dire que le Saint se fit d'abord connaître dans la province appelée aujourd'hui Warwick; qu'il y expliqua sept ans les Ecritures à Hentlan sur l'Avon, et qu'il ouvrit ensuite une seconde école à Moch-res sur la rivière de Wye, qui arrose les provinces de Brecknock, de Raddor et de Montmouth. Il lui vint des disciples de toutes les parties de la Bretagne, et il en compta jusqu'à mille. De ce nombre furent saint Samson, saint Théliau, et un grand nombre d'autres qui, s'étant rendus célèbres par leurs vertus et leur science, méritèrent d'être élevés à l'épiscopat. Les soins qu'il donnait à ses disciples, ne l'empêchaient pas de s'occuper de sa propre sanctification, et d'écouter le Saint-Esprit dans la solitude de l'oraison. Il fut sacré évêque de Landaff, par saint Germain, dans un synode tenu vers l'an 446. Lorsqu'on le transféra au siége archiepiscopal de Caerleon en 495, il eut saint Théliau pour successeur à Landaff. Dans un synode tenu à Brévi, en 512, il se démit de son archevêché en faveur de saint David, et se retira dans l'île de Barsey ou d'Euly, sur la côte de la province de Caernarvon. Il y mourut peu de temps après, et y fut enterré. On lit dans Camden et dans

une place forte, et que sa situation rendait fort avantageuse dans les guerres civiles. Guy-Beauchamp se fit aussi hermite.

D'autres hermites servirent Dieu dans la même solitude. On y voit encore des cellules et des croix taillées dans le roc.

Richard Beauchamp fonda une chapellenie à Guy's-Cliff, et Henri VI confirma cet établissement. L'église existe encore; mais elle sert à retirer les bestiaux, qui salissent de leurs ordures l'endroit même où était le grand autel. On voit dans la nef deux grandes statues de pierre ; l'une représente Guy, et l'autre Colborn, fameux champion danois que Guy tua dans un combat singulier près de Winchester.

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