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la pratique de l'obéissance et du renoncement à sa propre volonté, par les veilles, les jeûnes et l'abstinence. Elle y joignait une humilité profonde et une douceur inaltérable. Ce fut là le fondement de ces vertus admirables dont il plut au Seigneur de l'orner, et de ces grâces signalées dont il voulut bien la combler.

Quelque distinguée qu'elle fût par ses qualités personnelles et par les dons de la grâce, elle ne s'occupait que de la vue de ses imperfections, de sa bassesse et de son néant. Elle désirait que les autres la méprisassent autant qu'elle se méprisait elle-même, et elle avait coutume de dire qu'un des plus grands miracles de la bonté divine était qu'elle fût encore soufferte sur la terre. Loin d'être éblouie par la qualité de supérieure, elle se comportait comme si elle eût été la dernière servante du monastère; elle se jugeait même indigne d'approcher des sœurs. Son amour pour la contemplation ne lui faisait point négliger les devoirs communs. Elle avait soin encore de pourvoir à tous les besoins de ses filles, tant pour le corps que pour l'âme. Aussi les voyait-elle avec plaisir faire de nouveaux progrès dans les voies intérieures de la perfection.

Son amour pour Jésus-Christ lui faisait aimer tendrement la Sainte-Vierge, et chaque jour elle exprimait sa dévotion envers la Mère de Dieu en réclamant sa protection. Les âmes qui souffrent en purgatoire, étaient aussi l'objet de sa charité : elle demandait sans cesse à Dieu qu'il les fit entrer par sa miséricorde dans un lieu de rafraîchissement et de paix.

Sainte Gertrude a tracé le vrai portrait de son âme, dans le livre de ses Révélations. C'est le récit de ses communications avec Dieu, et des transports de son amour. Cet ouvrage, après ceux de sainte Thérèse, est peut-être le plus utile aux contemplatifs, et le plus propre à nourrir

la piété dans leurs âmes (2). La Sainte propose divers exercices pour conduire à la perfection. Ce qu'elle prescrit pour la rénovation des voeux du baptême, a pour objet de porter l'âme à renoncer entièrement au monde et à elle-même, à se consacrer au pur amour de Dieu, à se dévouer à l'accomplissement de sa volonté en toutes choses. S'agit-il de la conversion d'une âme à Dieu, du renouvellement des saints engagemens qu'elle a contractés avec le céleste Epoux, de la consécration d'elle-même au Sauveur, par le lien inviolable de l'amour ? Elle développe sur tous ces points les maximes les plus sublimes et les plus solides. Elle demande à Dieu de mourir absolument à elle-même pour être ensevelie en lui, en sorte que lui seul connaisse son tombeau, et qu'elle n'ait plus d'autres fonctions que celles de l'amour, ou celles que l'amour dirige. Ces sentimens sont répétés avec une variété admirable, en divers endroits de l'ouvrage. Dans la dernière partie, la Sainte s'arrête principalement aux brûlans désirs d'être au plus tôt unie à l'objet de son amour dans la gloire éternelle; elle prie son

(2) Le livre des Révélations de sainte Gertrude a été imprimé plusieurs fois. On doit distinguer les éditions données par Lanspergius, Chartreux, qui mourut à Cologne en 1539, et par le célèbre Blosius, restaurateur de l'abbaye de Liessies, qui refusa l'archevêché de Cambrai, et mourut en 1568. Le même livre a été réimprimé à Paris en 1662, in-8°, sous ce titre, Insinuationes divinæ Pietatis, etc. Il reparut dans la même ville deux ans après, in-12, sous un titre un peu different, et que nous rapporterons en entier Sanctæ Gertrudis V. Abbatissæ Ord.S. Benedicti Insinuationum divinæ pietatis Exercitia. L'édition de 1662 est de D. Nicol. Canteleu, et celle de 1664, de D. Ant. Jos. Mège, religieux de la congrégation de Saint-Maur. En 1676, D. Mège fit imprimer aussi à Paris, in-8°, une traduction française de la vie et des révélations de sainte Gertrude.

On peut voir sur les révélations attribuées à notre Sainte, Amort, chanoine régulier de la congrégation de Saint-Jean-de-Latran, Lib. de Revelationibus, privatis Augustæ Vindelis. 1744, in-4o, à p. 49 ad p. 162.

Sauveur par toutes ses souffrances et par son infinie miséricorde, de la purifier de ses souillures et de toutes les affections terrestres, afin qu'elle puisse être admise en sa divine présence. Les soupirs par lesquels elle exprime l'ardeur de ses désirs pour être unie à son Dieu dans la béatitude, sont pour la plupart si célestes, qu'on les croirait moins d'un mortel que d'un habitant des cieux. C'est ce qu'on remarque particulièrement dans les exercices où elle conseille à l'âme dévote de prendre quelquefois un jour pour s'occuper sans interruption de la louange et de l'action de grâces, afin de suppléer aux défauts qui peuvent journellement se glisser dans l'accomplissement de ce double devoir, et de s'associer dans cette fonction, aussi parfaitement qu'il est possible, aux esprits célestes. Elle veut aussi que pour suppléer aux défauts qui n'accompagnent que trop souvent notre amour pour Dieu, l'âme emploie de temps en temps un jour entier à produire les actes les plus fervens de cette vertu.

Que n'aurions-nous pas à dire de la chasteté de sainte Gertrude? Aucune épouse de Jésus-Christ n'a jamais porté plus loin les précautions propres à conserver la pureté de l'âme et du corps. Il serait également trop long de rapporter tous les traits qui ont caractérisé sa confiance en Dieu. Elle ne voulait recevoir aucune consolation humaine, et elle attendait avec patience qu'il plût au Seigneur d'accomplir ses désirs; elle se rejouissait dans l'espérance et dans l'amour durant les temps d'épreuves. Etre visitée du Saint-Esprit, souffrir la privation de ces visites, boire dans le calice de la passion du Sauveur, être dans la joie ou dans l'affliction, c'était pour elle une même chose, parce qu'elle était pleinement résignée à la volonté de Dieu.

Enfin arriva le moment où elle fut réunie pour toujours à son céleste Epoux; elle mourut en 1534, après avoir été

quarante ans abbesse (3). Sainte Mechtilde, sa sœur, était morte quelque temps auparavant. Sa dernière maladie ne fut à proprement parler qu'une langueur de l'amour divin, tant furent délicieuses et ineffables les consolations dont son âme fut alors inondée. Plusieurs miracles attestèrent combien sa mort avait été précieuse devant le Seigneur. Il y a un office en son honneur dans le bréviaire romain, sous ce jour. Le Lipsonographia, ou catalogue des reliques qui se gardent dans le palais électoral de Brunswich-Lunebourg (4), fait mention d'une belle châsse qui renferme celles de sainte Gertrude.

Les exercices par lesquels sainte Gertrude fit de si rapides progrès dans la perfection, avaient pour objet d'unir intimement son cœur à Dieu par les désirs les plus enflammés et les affections les plus pures; ils tendaient encore à écarter tous les obstacles qui auraient pu retarder cette union, en purifiant son âme par les larmes de la componction, par le renoncement aux satisfactions des sens, et par le sacrifice absolu d'elle-même. De là cette assiduité à la prière, pour obtenir la grâce de se résigner parfaitement au saint amour, en sorte qu'il ne restât plus rien d'humain en elle; qu'elle

(3) L'Empereur Rodolphe I, de Hapsbourg, mourut en 1291, sainte Gertrude se mit en prières pour demander à Dieu un successeur de sa main, et Adolphe de Nassau fut élu le 2 Janvier 1292, la Sainte n'étant point encore abbesse. Insinuat. I. 1, c. 3. Il paraît d'ailleurs par ses écrits qu'elle gouverna son monastère pendant quarante ans; d'où il suit qu'il faut corriger les dates assignées par Cave, D. Mège, etc. Voyez Campacci et Légipont.

L'Empereur Rodolphe, ayant fait la conquête de l'Autriche, donna l'investiture de ce duché à son fils Albert. C'est depuis ce temps-là que la maison des comtes de Hapsbourg, descendue des comtes de Thierstein, a porté ce nouveau titre. Albert I d'Autriche fut élu Empereur après Adolphe de Nassau en 1298.

(4) Ce catalogue a été imprimé à Hanovre en 1713, in-fol.

fût entièrement consumée par le feu de la charité, et que ce qu'il y avait de terrestre, disparût comme la poussière que le vent emporte sans qu'elle laisse aucune trace (5). Les actes extérieurs du renoncement et de la charité, du zèle et des autres vertus, sont sans doute nécessaires; mais il faut sur-tout s'attacher aux exercices intérieurs par lesquels l'âme s'élève à Dieu, par l'amour, la louange, l'action de grâces, par lesquels, en un mot, elle travaille tous les jours à mourir à elle-même par de vifs sentimens d'humilité, de componction, de douceur, de patience, de mortification.

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S. MALO, AUSSI APPELÉ S. MACLOU ET S. MAHOUT ; ÉVÊQUE D'ALETH EN BRETAGNE (1).

Vers l'an 565.

SAINT MALO était fils de Went ou Gwent; celui-ci était un seigneur breton qui vivait dans la province de Silures, laquelle porta depuis son nom, et s'appelle aujourd'hui Montmouth. Il fit bâtir Gastel-Went, présentement Chestowe, sur la rivière de Wye. Derwele sa femme était parente d'Ammon et d'Umbrafel, pères de saint Samson et de saint Magloire. Nous apprenons cette particularité des anciens actes de saint Malo (2).

Notre Saint vint au monde dans la vallée de Lann-Carvann, au comté de Glamorghan. Sa mère y était venue dans

(5) Insinuat. Div. p. 52.

(1) En latin Machutus, Machutes, Maclovius, Macliavus.

(2) Derwelle n'était point sœur d'Ammon et d'Umbrafel, comme on le lit dans des copies interpolées des mêmes actes.

T. XVII.

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