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nocent IV le canonisa en 1247 (11). L'année suivante, on leva de terre son corps, qui fut trouvé entier, et dont les jointures étaient encore flexibles. On en fit solennellement la translation, en présence de saint Louis, de la Reine Blanche, sa mère, des princes, ses frères, Robert, comte d'Artois, Alphonse, comte de Poitiers, Charles, qui fut depuis comte de Provence et d'Anjou, et Roi de Sicile; d'Isabelle de France, sœur du saint Roi; du cardinal Pierre, évêque d'Albano; du cardinal Eude, évêque de Frascati, légat du Saint-Siége; des archevêques de Bourges, de Sens, de Bordeaux, et d'Armagh; de saint Richard, évêque de Chichester, et d'un grand nombre de prélats, d'abbés, et d'autres personnes de distinction. Les reliques du Saint sont encore dans cette abbaye, qui a pris le nom de SaintEdmond de Pontigni.

Nous apprenons du sous-diacre Etienne, qui fut six ans secrétaire de saint Edmond, qu'il s'est opéré plusieurs miracles par l'intercession de ce Saint; miracles qui ont été vérifiés et approuvés par des évêques d'Angleterre. Cet auteur ajoute qu'il est aussi certain de leur existence, que s'il les eût vus de ses propres yeux. Il en rapporte un qui fut opéré sur lui-même.

Nous ne devons pas nous étonner des grands progrès que saint Edmond fit dans l'école de l'amour divin, et dans la contemplation. Il avait appris à mourir parfaitement à lui-même. Il avait compris de bonne heure que le cœur de l'homme est rempli de corruption; qu'il est entraîné par mille affections désordonnées; qu'il est livré à des passions subtiles qui l'agitent successivement, qui se déguisent sous des formes séduisantes, et qui infectent souvent nos vertus de leur poison. Il savait que Dieu réprouve quelquefois des

(11) Voyez les divers témoignages sur sa sainteté et ses miracles, avec la bulle de sa canonisation; ap. Martène, t. III, Anecdot. p. 1854.

actions que le monde admire, et qu'ayant principalement égard aux dispositions intérieures, à la pureté et à la ferveur d'intention les vertus les plus brillantes en apparence, se trouvent souvent fausses à ses yeux, et ne lui paraissent que des vices déguisés, que des fruits de l'amour-propre. De là, cet esprit d'humilité, de douceur, de patience, de componction, de renoncement et de prière, qui, en le détachant de plus en plus des choses terrestres, purifiait son cœur et le rendait digne de recevoir les précieuses influences de la grâce.

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S. EUCHER, ÉVÊQUE DE LYON.

L'AN 450.

PERSONNE, depuis saint Irénée, n'a plus fait d'honneur à l'église de Lyon, que saint Eucher. Sa famille était fort illustre selon le monde. Le père et le beau-père de Valérien, son proche parent, occupaient les premières dignités de l'empire. Mais Eucher dut sa principale grandeur au mépris qu'il fit des richesses et des honneurs que lui assuraient sa naissance et ses rares talens. La beauté et la pénétration de son génie, l'étendue et la variété de ses connaissances, la force et la majesté de son éloquence, lui attirèrent l'admiration de tous les orateurs de son temps, et l'estime de tout ce qu'il y avait de grands hommes dans l'empire. Il eut de Galla, son épouse, deux fils, Salonius et Véran, qu'il envoya, encore fort jeunes, au monastère de Lérins, pour qu'ils y fussent élevés sous les yeux de saint Honorat, et sous la conduite du célèbre Salvien, prêtre de Marseille : ils furent depuis élevés à l'épiscopat.

Eucher, dès son enfance, avait montré une piété extraordinaire, qui n'avait fait qu'augmenter avec l'âge. Dé

goûté enfin des vanités du monde, et effrayé des dangers qu'il y courait pour son salut, il résolut de l'abandonner. Il se retira, vers l'an 422, dans le monastère de Lérins, du consentement de sa femme qui, de son côté, se consacra dans la retraite au service de Dieu. Cassien, alors abbé de Saint-Victor de Marseille, adressa quelques-unes de ses conférences à Eucher et à Honorat, qu'il appelle les modèles admirables de cette maison de Saints.

Eucher, qui désirait mener une vie encore plus solitaire, quitta Lérins pour se retirer dans l'île de Léro, qui n'en est pas éloignée, et qui porte aujourd'hui le nom de Saint-Honorat. Ce fut là qu'il écrivit son livre de la vie solitaire, où il fait le plus bel éloge de l'état des solitaires en général et en particulier du désert de Lérins, qui était alors habité par un grand nombre de Saints. Il écrivit aussi dans le même lieu, vers l'an 427, son traité du mepris du monde, qu'il adressa à Valérien, son parent. C'est un des ouvrages les plus estimés de l'antiquité ecclésiastique, soit pour la forme, soit pour l'importance des vérités qu'il contient (1).

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(1) La latinité de cet ouvrage est presque digne du siècle d'Auguste. On y admire la douceur et la facilité du style, la beauté des tours, la noblesse des pensées, l'énergie de l'expression, la vivacité et le naturel des images, la clarté de la méthode : ce qui faisait dire à Erasme, que de toutes les productions des auteurs chrétiens, il n'en connaissait point de comparables à celle-ci. Du Pin, Bibl. t. IV, p. 413, dit, parlant de cet ouvrage de saint Eucher et du traité de la vie solitaire, « qu'ils ne le cèdent en rien pour la politesse et la pureté du discours, » à ceux des auteurs qui ont vécu dans les siècles où la langue latine » était dans sa plus grande pureté. » Godeau, Hist. de l'Église, t. III, édit. in-fol. sous l'an 441, va plus loin encore. Il donne les plus grandes louanges au livre de la vie solitaire, et au traité du mépris du monde, qu'il assure être également admirables « Toutes les beautés » de l'éloquence, dit-il, toutes les forces de l'esprit et du raisonne➤ment y sont mêlées à un air de piété si affectif, qu'il est impossible » de les lire, sans être touché du désir de quitter la conversation des >> hommes pour jouir de celle de Dieu. »

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est prouvé que le monde ne donne à ses partisans que de fausses joies; que ses honneurs, ses applaudissemens, ses sociétés ne sont qu'une vaine pompe, qu'un véritable

Nous allons donner de suite la notice des autres écrits de S. Eucher. 1. Des formules ou principes de l'intelligence spirituelle. Ce sont des explications de quelques endroits de l'Écriture que saint Eucher écrivit pour l'usage de Véran, le second de ses fils. Il est vrai qu'on n'y trouve ni la même élégance,' ni la même beauté de style que dans les deux ouvrages précédens mais le sujet ne le comportait pas, et la simplicité est le caractère distinctif de ce genre d'écrire.

2. Les institutions, en deux livres, qui sont adressées à Salonius, autre fils du Saint. Cet ouvrage a également pour objet d'expliquer plusieurs difficultés qui se rencontrent dans l'Écriture-Sainte. Il est plus solide et plus utile que le traité des formules adressé à Véran.

3. Les actes du martyre de saint Maurice et de ses compagnons. D. Rivet, Hist. lit. de la France, a démontré qu'ils avaient été écrits par saint Eucher. Chifflet les a publiés dans son Paulinus illustratus : mais l'édition qu'en a donnée D. Ruinart est plus correcte. Ceux que Surius et Mombritius ont fait imprimer, paraissent avoir été compilés d'après l'ouvrage de saint Eucher, par un moine d'Agaune du septième siècle, lequel y a fait des additions et des changemens. Ce sont ces actes que Dubourdieu et Burnet ont attaqués.

4. Claudien Mamert cite une partie d'une homélie de saint Eucher sur l'incarnation. Il est probable que quelques-unes des homélies, publiées sous le nom d'Eusèbe d'Emèse, appartiennent à des évêques de l'église gallicane qui florissaient dans le même siècle. Rien n'empêche qu'on ne les donne à saint Eucher.

5. Nous ne dirons rien des ouvrages attribués à ce saint évêque : nous nous contenterons de rapporter les titres des principaux : L'abrégé de Cassien; le commentaire sur la Genèse; le commentaire sur le Livre des Rois; les lettres à Philon et à Faustin; divers discours, etc.

Les ouvrages de saint Eucher, imprimés plusieurs fois séparément, ont été insérés dans la Bibliothèque des Pères.

Les traités de la vie solitaire et du mépris du monde, ont été traduits en diverses langues. M. Arnaud d'Andilly a donné une traduction française du second de ces traités, et a mis à la fin du volume le texte latin. Cette traduction parut à Paris en 1672, in-12. Elle a été depuis réimprimée dans le recueil des œuvres de M. Arnaud d'Andilly, Paris, 1675, in-fol.

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esclavage, et que personne ne pourrait s'y attacher, si on ne se laissait point aveugler par les passions. Le Saint représente d'une manière si frappante l'illusion, l'instabilité, le vide, le néant des biens terrestres, que le lecteur s'imagine voir passer le monde devant ses yeux, comme un fantôme, comme un éclair, qui se sont à peine montrés, qu'ils disparaissent pour toujours. « J'ai vu, dit-il, des » hommes élevés au plus haut faîte des honneurs et des richesses.... La fortune, prodigue en leur faveur, avait » accumulé tous les biens sur leurs têtes, sans leur donner » même le temps de les désirer; leur prospérité parvenue » à son comble, ne laissait plus d'activité à leurs passions. » Mais ils ont disparu dans un moment; leurs vastes pos>> sessions ont été dispersées, et eux-mêmes ne sont plus. Valérien, auquel l'exhortation sur le mépris du monde est adressée, vivait au milieu des grandeurs. Il ne quitta point son premier genre de vie, s'il est le même que Priscus Valérien, auquel saint Sidoine Apollinaire adressa son panégyrique de l'Empereur Avit, vers l'an 456. C'est le sentiment de quelques auteurs (2). D'autres pensent (3) qu'il s'agit de saint Valérien, qui se fit moine à Lérins, qui devint évêque de Cémèle, avant que ce siége eût été uni à celui de Nice; qui assista au concile d'Orange, d'Arles et de Riez, et qui mourut vers l'an 460 (4).

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Saint Eucher, suivant Cassien (5) brillait dans le monde

(2) D. Rivet, Hist. lit. de la Fr., t. II, p. 280.

(3) Rosweide, not. in S. Eucher. Jofredus, in Nicæá illustratá, part. 1, tit. 7, p. 99, t. IX, part. 6, ap. Grævium in Thesauro Antiq. et Hist. Ital.

(4) Nous avons de ce saint Valérien vingt homélies que le P. Sirmond a publiées pour la première fois avec une épître parénétique aux moines.

(5) Coll. 11.

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