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5/3/24

AVANT-PROPOS

S'il est vrai, s'il est justement admis dans toute société civilisée que l'honneur ne soit pas chose moins sacrée que les lois qui régissent les États; bien que le duel soit depuis plusieurs siècles déclaré hors la loi; bien que dans l'ordre légal on ne puisse attribuer la qualité de code qu'à celui sanctionné par la loi; dans l'ordre moral, et suivant les conseils toujours prépondérants de l'esprit pratique, nous ne craindrons jamais de présenter ni de défendre, sous le nom de code, les règles imposées par l'honneur.

Chacun, nous dit M. de Chateauvillard, est exposé à cette dure nécessité de risquer sa vie pour venger une offense, une injure. C'est donc

a

une affaire assez importante dans l'existence pour qu'elle soit d'avance réglée selon les formes voulues par la délicatesse et le droit.

Des exemples sans cesse renaissants nous prouvent chaque jour la nécessité de l'établir d'une manière formelle et d'éviter ainsi des fautes qui compromettent l'existence d'un ami, des assassinats que l'on croit devoir passer sous silence pour ne pas donner aux familles le déshonneur d'une récrimination; enfin, ce droit, c'est la sauvegarde de tous; s'il est enfreint, si le sang d'une victime vient à crier vengeance, il sera là accablant pour l'homme sans foi; il sera là encore pour soutenir l'homme courageux qu'on viendrait taxer d'homicide, pour le défendre, pour l'absoudre et faire tomber sur ceux qui l'attaquent l'infamie d'une blâmable accusation (Chateauvillard, Essai sur le duel, page 5).

Les édits des rois prononçant les peines les plus sévères contre les duels, enchérissant même par des peines accessoires sur la peine de mort prononcée contre les délinquants; les arrêts des Parlements; les injonctions et promesses des administrateurs d'hôpitaux chargés de la confiscation des biens des duellistes, les règlements de MM. les maréchaux de France; les

efforts de la Ligue du Bien public, et la protestation publique de plusieurs gentilshommes de refuser toutes sortes d'appels; les mercuriales des prélats, des docteurs en théologie; les décrets des conciles; les foudres pontificales et l'excommunication encore en vigueur aujourd'hui; de nos jours, enfin, la vigilance, l'activité déployées par les agents préposés à la sûreté publique; ces mesures répressives que les législateurs contemporains cherchent à faire adopter par les tribunaux de leur pays; rien n'a pu arrêter le cours du duel qui, à son temps et à son heure, sait renverser toutes les digues.

Ce fait incontestable ne nous donne-t-il pas le droit de penser et d'affirmer que la question du duel est l'un des problèmes d'économie sociale les plus difficiles à résoudre, les plus dignes par là même d'exciter l'intérêt de tout philanthrope désireux de servir les intérêts de l'humanite?

Établir les règles du duel, le réglementer en un mot, telle est la préface naturelle de tonte étude sur cette plaie sociale, jusqu'ici rebelle à la répression. C'est ainsi que l'ont pensé avant nous les hommes honorables qui, en 1836, sont venus engager M. le comte de Chateauvillard,

membre distingué du Jockey-club de Paris, à publier un Essai sur le duel.

Ce nouveau code du duel fut appuyé par l'approbation des hommes de l'époque les plus autorisés par leur haute position dans la société.

<< Intimement convaincus, disent-ils, que les intentions de l'auteur, loin de propager les duels, tendent au contraire à en diminuer le nombre, à les régulariser, à en éviter les chances funestes, les soussignés donnent leur entière approbation aux règles établies et développées dans le présent ouvrage. »

Suivent les nombreuses signatures d'hommes distingués, parmi lesquels nous remarquons des maréchaux, des pairs de France, députés, officiers généraux, officiers supérieurs, hommes de lettres et gentlemen, etc. (Voir l'Essai sur le duel, par le comte de Chateauvillard, pages 87 et suivantes.)

Nous ne saurions passer sous silence le nom de l'un des signataires les plus compétents, que nous avons eu l'avantage de connaître et d'apprécier nous voulons parler de M. le marquis de Hallay Coetquen, gentilhomme accompli dont les décisions, jusque dans ses dernières

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