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lents, de quelques brouillons ambitieux à la tête desquels était le comte de Thurn, naguère destitué de la place de burgrave de Carlstein qu'il avait lui-même enlevé peu d'années auparavant au comte Slavata.

Une véritable conspiration s'organisa contre le nouveau roi et éclata par un acte de violence sauvage commis sur la personne des ministres de l'empereur à Prague. Trois d'entre eux furent jetés par les fenêtres et ne durent leur salut qu'à l'intervention visible de la Providence. Les chefs de la noblesse s'emparèrent aussitôt de l'administration du pays, nommèrent trente directeurs pour représenter l'autorité des états, expulsèrent les Jésuites, dépêchèrent de tous côtés des agens chargés de défendre leur cause ou de leur obtenir de l'appui et levèrent quantité de contributions et de troupes. L'empereur fidèle à ses habitudes de faiblesse essaya d'abord de négocier et de traiter. Ces ménagements ne firent qu'enfler l'arrogance des rebelles. Le comte de Thurn, à la tête des troupes des états, attaqua Crummau et Budweiss, seules villes avec Pilsen qui furent restées fidèles à Mathias, s'empara de la première et bloqua la seconde. L'empereur, obligé. malgré lui, de recourir à la force, fit entrer en Bohême deux armées, l'une sous le commandement de Charles de Longueval, comte de Bucquoy, célèbre capitaine belge, qu'il avait pris à son service dès 1614 et nommé feld-maréchal, et la seconde sous la conduite de Henri du Val, comte de Dampierre, gentilhomme lorrain, réputé pour sa bravoure et ses exploits dans les guerres de Hongrie et de Venise. Mais les rebelles recevaient de tous côtés des secours et des encouragements. Le margrave de Jagendorf fut chargé par les états de Silésie de leur amener un corps de troupes. La Moravie et l'Autriche s'agitèrent en leur faveur. Bethlen Gabor leur promit une intervention puissante, enfin les chefs de l'Union évangélique toujours fidèles à leur politique tortueuse de demi-moyens, traitèrent secrètement, à l'insu de leurs alliés, avec le duc de Savoye, pour leur envoyer 4,000 hommes que ce prince avait fait lever en Allemagne par le comte Ernest de Mansfeldt. Pour mieux disposer le duc à faire les frais de cette expédition, on lui fit entrevoir à la fois la couronne de Bohême et le sceptre impérial. Les promesses ne coûtèrent rien

aux membres de l'Union, heureux de trouver un moyen commode de desservir les catholiques et l'empereur sans se compromettre. et sans bourse délier. Mansfeld s'empara de Pilsen, et la guerre se poursuivait avec des fortunes diverses, quand Mathias vint à mourir.

LE C DE VILLERMONT.

DOCTRINES DE M. BRASSEUR.

INFLUENCE

DU

DOGME CATHOLIQUE SUR LA POLITIQUE,

PAR

J. BONIFACE.

INTERVENTION DES PAPES AU MOYEN AGE.

INFLUENCE DU CATHOLICISME ET DU PROTESTANTISME.

Nous réunissons à dessein le cours de M. Brasseur et le pamphlet de J. Boniface. Les blasphèmes de l'un et les outrages de l'autre sont sortis d'un même système et tendent au même but. Nier l'action salutaire de l'Église quand l'obscurité des temps ne permet pas tonjours d'en saisir clairement la trace; la dénaturer quand elle est trop éclatante pour pouvoir être liée; ramasser contre elle, dans la boue du XVIIIe siècle, des calomnies dont notre temps a fait justice: telle est la pensée commune qui les a guidés.

Et qu'on ne s'imagine pas que nous forcions les choses pour établir un rapprochement factice entre deux hommes placés dans des situations si dissemblables. Il existe une étroite connexité entre les doctrines de M. Brasseur et celles du pamphlétaire pseudonyine. Tous deux acclament dans la réforme le signal de l'affranchissement de l'esprit humain

étouffé sous le joug de l'Église, et si le dernier développant cette thèse dans toutes ses conséquences, nous montre le protestantisme traînant après lui, comme un pompeux cortège, la civilisation, les lumières, les sciences, les arts, l'industrie et le commerce, tandis que le dogme catholique (1) courbe les peuples dans l'ignorance, dans la misère, dans l'abrutissement, c'est qu'il est plus logique ou qu'il a moins de réserves à garder que le premier.

M. Brasseur, dans un accès de brutale franchise dont il a paru se repentir plus tard, a déclaré enseigner à ses élèves :

«1° Que la papauté du moyen âge a absorbé la puissance séculière par des usurpations successives et anéanti l'élément subjectif de l'homme;

« 2° Qu'il n'aperçoit pendant toute la durée du moyen âge qu'un fait, c'est le despotisme théocratique se substituant au lieu et place de l'Etat, et confisquant le principe subjectif au moyen de la force; enfin

«3° Qu'il voit dans la réforme du XVIe siècle le signal de l'affranchissement de l'esprit humain étouffé sous le joug de l'Église au moyen åge, et que la réforme fut à ses yeux pour le moyen âge, ce que le christianisme avait été pour l'antiquité, une réhabilitation du principe subjectif par la proclamation du libre examen (2). »

J. Boniface part du même point de vue quand il dit (pages 29 et 54) « la Belgique a-t-elle gagné ou perdu, en ne s'affranchissant pas comme la Hollande de la tutelle de Rome? Cette question est peut-être du domaine de la théologie, mais la théologie mise hors du débat, vous pouvez soutenir qu'en coupant le câble qui la liait à la papauté, la Hollande gagna tout ce que la Belgique perdit en n'imitant pas un si héroïque exemple.

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« Et chose reconnue, la guerre que Rome fit à la liberté des peuples a partout le même résultat. Où Rome triomphe, meurent avec la liberté, la richesse nationale et le rayonnement intellectuel. Où Rome succombe. l'esprit d'entreprise remue les âmes et l'aisance succède à la détresse. »

Enfin voici venir le Messager de Gand, faisant écho au professeur et au pamphlétaire, qui s'écrie: «Depuis plus de trois siècles tous les progrès se sont accomplis malgré l'Église qui, loin de conduire l'huma nité, arrête son développement. »

On le voit, c'est à l'influence sociale et civilisatrice du catholicisme

(1) Expression de Boniface pour désigner l'Église.

(2) Lettre adressée par M. Brasseur au Bien public de Gand, no du 26 décembre

1855.

qu'on s'attaque pour mieux déchaîner contre lui un siècle, enivré de ses progrès et de ses conquêtes. On espère le rendre odieux en disant aux peuples que l'ignorance, l'abrutissement, la misère sont au bout de son triomphe dans le monde; et pour cela on s'empare du moyen âge, non pas tel qu'une investigation consciencieuse nous le représente, mais tel qu'il a été défiguré sous la plume des romanciers de l'histoire.

C'est là désormais, puisque nos adversaires se sont emparé de cette position pour nous attaquer, que nous devons porter nos efforts. Ozanam, dont le Père Lacordaire nous esquisse la vie, se préoccupait surtout de remettre dans tout son jour cette période historique.

« Je me propose, dit-il, d'écrire l'histoire du moyen âge, depuis le Ve siècle jusqu'à la fin du XIIIe et jusqu'à Dante, à qui je m'arrête comme le plus digne de représenter cette grande époque.

Mais dans l'histoire des lettres, j'étudie surtout la civilisation, dont elles sont la fleur ; et dans la civilisation, j'aperçois principalement l'ouvrage du christianisme.

«

<< Toute la pensée de mon livre est donc de montrer comment le christianisme sut tirer, des ruines romaines et des tribus campées sur ces ruines, une société nouvelle, capable de posséder le vrai, de faire le bien et de trouver le beau.....

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Laïque, je n'ai pas de mission pour traiter des points de théologie, et d'ailleurs Dieu, qui aime à se faire servir par des hommes éloquents, en trouve assez de nos jours pour justifier ses dogmes. Mais pendant que les catholiques s'arrêtaient à la défense de la doctrine, les incroyants s'emparaient de l'histoire. Ils mettaient la main sur le moyen âge; ils jugeaient l'Église quelquefois avec inimitié, quelquefois avec les respects dus à une grande ruine, souvent avec une légèreté qu'ils n'auraient pas portée dans des sujets profanes. Il faut reconquérir ce domaine, qui est à nous, puisque nous le trouvons défriché de la main de nos moines, de nos bénédictins, de nos bollandistes. >>

Dieu n'a pas permis que le monument rêvé par Ozanam à la gloire de l'Église fut achevé de ses mains. Il a laissé à d'autres le soin de leterminer. Nous ne sommes pas de ce nombre; mais si nous ne pouvons pas même apporter une pierre à cet édifice, encourageons au moins par notre bonne volonté des ouvriers plus intelligents et plus habiles.

Le moyen âge, dans tout ce qu'il nous a légué de grand, de beau, de noble, est la création de l'Église. C'est le creuset dans lequel a été jetée notre civilisation moderne, et si parfois au milieu de cette immense fusion, nous voyons apparaître l'écume, pouvons-nous nous en souvenir

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