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que la présence d'un professeur, quel qu'il soit, dans un établissement quelconque, offre du danger, du moment où il aurait acquis la preuve formelle de ce danger, ce danger ne tarderait pas à disparaitre. Lorsque nous demandons l'intervention de l'État dans l'instruction publique, croyez-le bien, ce n'est pas pour propager les doctrines immorales, les doctrines impies. »

On connaît le langage tenu au Sénat par M. le Ministre de l'Intérieur : « Le Gouvernement, a dit M. de Decker, est sans doute pénétré de la grandeur du devoir qui lui incombe dans cette circonstance. Il ne peut pas tolérer que l'enseignement de l'État puisse prendre un caractère ouvertement hostile à la religion de la presque totalité des Belges. II ne peut pas tolérer qu'un établissement de haut enseignement dont la tutelle lui est confiée, soit compromise dans son existence et dans sa prospérité par les doctrines de l'un ou de l'autre de ses professeurs.»>

L'opinion contraire ne pourrait prévaloir sans danger. L'État qui protége et salarie les cultes dans l'intérêt de la société, ne peut pas en même temps protéger et salarier un enseignement destructif des cultes. L'État qui met l'entretien de ses établissements à la charge des contribuables, ne peut pas tolérer que ces établissements prennent une direction manifestement contraire aux vœux et aux sentiments de l'immense majorité de ces contribuables. L'État enfin à qui la société a remis, en quelque sorte, le soin de ses destinées, n'a pu obtenir cette délégation pour couvrir de sa tutelle un enseignement qui saperait les bases de cette même société.

Le droit de l'État reconnu, le ministère devait-il en faire application à M. Brasseur? C'est sur ce terrain que sera nécessairement portée la discussion qui s'ouvrira mardi, et il y aurait peut-être témérité à préjuger la décision de la Chambre.

Ce qui est certain, c'est que si l'on examine en elles-mêmes les trois propositions que M. Brasseur a déclaré d'abord enseigner à ses élèves, on y trouve la négation de la divinité du catholicisme. Quelle est sa thèse ?

Le principe subjectif, étouffé dans l'antiquité, a été réhabilité par le christianisme à son origine; puis étouffé de nouveau au moyen âge par ce même christianisme qui l'avait réhabilité d'abord; pour être affranchi définitivement par la réforme qui a été, pour le moyen âge, ce que le christianisme avait été pour l'antiquité. Le sens de cette proposition n'est pas douteux. Elle veut bien dire que le christianisme dans la suite des temps à dévié de son principe fondamental et que la réforme n'a été que la restauration de ce christianisme primitif.

Accepte-t-on la lettre explicative de M. Brasseur, qui prétend n'avoir apprécié la réforme qu'au point de vue social, politique, juridique, il reste encore à examiner, si ce n'est pas attaquer le fondement même du catholicisme que de l'accuser d'avoir étouffé l'esprit humain. Pour nous, nous croyons qu'aucune accusation plus grave ne peut être dirigée contre l'Église, et c'est surtout à la combattre que nous nous attacherons. S'il était vrai, dit quelque part Aug. Nicolas, que c'est au protestantisme que nous devons la liberté de conscience, le déploiement des forces de l'esprit humain, je m'explique et j'approuve l'éloignement de beaucoup d'esprits élevés et de cœurs généreux à l'égard de l'Église.» Cette prévention malheureuse peut arrêter certains esprits flottants aux portes de la vérité, et quand cette prévention est éveillée, nourrie, entretenue, par un fonctionnaire public, n'avons-nous pas le droit de soutenir qu'il dirige contre l'Église une grave accusation?

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Nous attachons une importance capitale à la partie bibliographique. Sous ce rapport, notre programme ne sera pas un vain mot. Nous consacrerons un article à toutes les productions contemporaines pour louer chaque fois que l'éloge sera mérité, pour blâmer toutes les fois que les principes que nous défendons seront attaqués.

Ceux qui se font une juste idée des difficultés attachées à l'organisation d'une revue, ne songeront même pas à nous reprocher de ne pas donner à notre bulletin dès la première livraison toute l'extension qu'il comporte. C'est une critique sérieuse que nous voulons faire, et pour cela il faut que nous ayons le loisir de lire les ouvrages que nous nous proposons d'examiner.

Un de nos collaborateurs les plus distingués prépare en ce moment un travail littéraire sur les conférences du Père Dechamps. Nous aurons tout naturellement l'occasion de parler de l'ouvrage de Monseigneur Malou sur la charité. Les œuvres, sorties depuis quelques années de l'Université catholique de Louvain en dehors de la controverse si franche et si chrétienne que quelques-uns des professeurs les plus éminents soutiennent dans la Revue catholique, seront examinées successivement. Nous accorderons la même attention à d'autres travaux que nous ne pouvons pas énumérer ici. Nous completerons enfin la galerie des poëtes belges, commencée dans la Revue des Revues.

Notre bulletin ne sera pas uniquement consacré à la littérature nationale. La Belgique reste tributaire de la France pour une foule d'ouvrages sur lesquels il importe de fixer l'attention de nos lecteurs. Nous suivrons avec sollicitude le mouvement intellectuel chez nos voisins, et nous nous attacherons surtout à caractériser les productions dont la prudence chrétienne doit interdire la lecture.

NOUVELLE GRAMMAIRE FRANÇAISE,

par M. l'Abbé J.-J. PÉTERS,

candidat en philosophie et lettres, ancien directeur du pensionnat du Beauregard, à Liége,

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1 vol. in-12 de 256 pag. — Liége, chez J.-G. LARDINOIS, éditeur, 1855.

Cet ouvrage a obtenu, en quelques mois, un succès aussi flatteur que mérité. Déjà bon nombre d'établissements d'éducation l'ont adopté ; et il nous parait destiné à occuper, dans un avenir peu éloigné, un rang honorable parmi les manuels de ce genre.

C'est que, d'abord, cette Grammaire est une œuvre consciencieusement élaborée, originale même, autant du moins que peut l'être un livre de cette nature.

On s'aperçoit aisément, en la lisant, qu'elle est le fruit de recherches patientes et sérieuses, préparées et facilitées, d'ailleurs, par la longue expérience que l'auteur a acquise dans la carrière de l'enseignement.

M. l'abbé Péters, professant une médiocre estime pour la fameuse maxime: Jurare in verba magistri, s'est attaché à discuter plutôt la valeur des raisons que le poids des autorités. Or, qui pourrait lui faire un crime de ce libre-examen? Qui ne sait, en effet, qu'en fait de grammaire surtout, l'on n'est généralement que trop disposé à croire sur parole les maîtres, auteurs ou professeurs?

Apportant autant de sagacité que d'indépendance dans ses jugements, l'auteur a réussi à éclaircir certains points réputés douteux, et à résoudre plusieurs questions laissées en litige par ses devanciers. Nous lui savons également gré d'avoir réduit à leur juste valeur plus d'une décision hasardée des grammairiens les plus accrédités, notamment de Leroy, de Bonneau, de Poitevin, de Chapsal; et d'avoir ainsi fait bonne justice de quantité d'hérésies grammaticales qui circulent depuis longtemps comme autant d'articles d'une orthodoxie de bon aloi.

Appuyé, d'un côté, sur l'autorité de l'Académie, qui est et restera en matière d'orthographe, l'autorité la plus respectable; armé d'autre part d'une logique serrée et doué d'un remarquable bon sens qui ne lui fait jamais defaut, il a su, en accordant d'ailleurs à l'usage, Penès quem est jus et norma loquendi, la part légitime qui lui revient, débrouiller d'une main sure les difficultés les plus ardues. Grâce à l'ouvrage de M. l'abbé Péters, nous pouvons donc espérer que bientôt nous serons complétement édifiés sur l'inviolable autorité de maints grammairiens qui, jusqu'à présent, ont régenté nos écoles.

L'exactitude du fond n'est pas le seul mérite de la nouvelle Grammaire. L'auteur a voulu en outre, nous dit-il, faire un livre complet. « Toutefois, pour ne pas dépasser les bornes d'un livre élémentaire, il a écarté certaines remarques orthographiques qui doivent s'apprendre ailleurs; et il s'est montré sobre de développements, restreignant mème, autant que possible, ceux qu'il se croyait obligé de donner. »

Cette sobriété, en effet, est vraiment remarquable: l'auteur dit beaucoup en peu de mots. Et ce n'est pas nous, certes, qui l'en blâmerons, car cette qualité n'est plus guère de mise aujourd'hui dans les manuels, et cette facilité, avec laquelle l'auteur sait condenser sa pensée, accuse assurément chez lui un travail patient et laborieux.

Cependant, M. l'abbé Péters n'aurait-il pas, en certains endroits, poussé un peu trop loin cet amour de la sobriété? Il ne doit pas oublier, en effet, qu'il écrit plutôt pour des élèves que pour des maîtres; et que les élèves, en général, ne s'approprient bien que ce qui se trouve explicitement formulé dans leurs manuels, ne profitant qu'imparfaitement, pour l'ordinaire, des notes et des explications du professeur. Du reste, ces notes et ces explications se recommanderont-elles toujours par une scrupuleuse exactitude, et seront-elles constamment en harmonie avec les principes de la Nouvelle Grammaire? Nous persistons donc à croire, sauf meilleur avis, que l'auteur aurait dû faire luimême la besogne qu'il abandonne au professeur.

M. l'abbé Péters, enfin, a voulu faire un livre clair et méthodique tout à la fois; et, selon nous, il a tenu parole. Son style se distingue toujours par une grande simplicité, et les matières y sont traitées avec ordre et méthode. Nous aurions pourtant voulu, à l'effet de faciliter les recherches, voir figurer à la fin une table alphabétique des matières. Ajoutons, et cette qualité n'est pas à dédaigner même dans un livre classique, que l'exécution typographique ne laisse rien à désirer : outre qu'il est imprimé en caractères entièrement neufs et sur beau papier, la correction en a été si bien soignée, qu'il ne s'y est glissé qu'un seul erratum.

Nous croyons donc n'être que l'écho des sentiments des professeurs et des élèves qui ont eu l'occasion d'apprécier la Nouvelle Grammaire française, en félicitant M. l'abbé Péters de son beau et solide travail. Nous formons le vœu que cette grammaire soit bientôt généralement adoptée dans les diverses écoles de notre pays: on ferait en cela tout ensemble preuve de bon goût et acte de patriotisme.

N. C.

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