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BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

M. STAS.

Nous reproduisons avec empressement les lignes suivantes que les Précis historiques consacrent à l'une des plus honorables carrières que puisse revendiquer la presse belge.

• Peu de publicistes ont, comme l'honorable directeur du Courrier de la Meuse et du Journal de Bruxelles, passé trente-cinq années difficiles dans les labeurs du journalisme, sous le feu croisé de la presse quotidienne. C'est qu'il n'est pas ordinaire de réunir la solidité des principes, la vivacité de la foi, la fermeté des convictions, le courage de la publicité, l'indépendance du caractère, la prudence, le dévouement, l'abnégation. Jamais un mot d'intérêt personnel, de spéculation financière, de récompense honorifique n'a guidé la plume de M. Stas: il a été sans cesse ce qu'il a toujours voulu que le pays fût lui-même : libre et indépendant, mais conservateur et catholique,

«Dans la défense des doctrines sociales, politiques et religieuses, M. Stas n'a envisagé que le but, sans acception de personnes. Il a poussé vigoureusement la guerre contre les livres, les discours, les feuilles hostiles; mais il leur a fait une guerre franche et loyale. Aussi l'a-t-on dit avec raison: « M. Stas a eu des adversaires, nous croyons qu'il ne compte pas d'ennemis. »

« La patrie et la religion, qu'il a servies avec un si noble désintéressement, lui doivent une reconnaissance bien méritée. Longtemps avant que M. Stas ne quittât la carrière, quelques preuves de gratitude lui furent données : le Souverain-Pontife Pie IX reconnut les éminents ser

vices de l'honorable publiciste et lui envoya une médaille d'or; la Belgique compta M. Stas parmi les décorés de la Croix de fer; S. M. le Roi l'anoblit; le pays entier lui témoigna toujours de ses vives sympathies.

« Deux grands journaux de Belgique doivent leur fondation à M. le chevalier Dieudonné Stas: le Courrier de la Meuse et le Journal de Bruxelles.

« Le Courrier de la Meuse se publiait déjà à Liége, sous la domination du roi de Hollande, au milieu des circonstances les plus inquiétantes et de la politique la plus ombrageuse. Ce journal fut, on peut le dire avec assurance, le plus courageux et le plus prudent de tous les défenseurs du catholicisme dans notre pays. Son nom faisait autorité ; son drapeau abritait, pour les soulager, toutes les souffrances individuelles et publiques, et, par conséquent et avant tout, la patrie, la religion, la vérité. Aussi est-ce le Courrier de la Meuse qui, de tous les journaux, a le plus puissamment contribué à notre indépendance, à la fondation de notre monarchie constitutionnelle, à l'intronisation de S. M. le roi Léopold.

« Le Journal de Bruxelles a succédé au Courrier de la Meuse le 1er janvier 1841. C'était pour obéir à de nobles appels que M. Stas quittait Liége, sa famille, ses amis, et venait se dévouer à une tâche plus rude encore, mais bien plus utile, dans la capitale du royaume.

<< L'œuvre avait changé de localité et de titre, sans changer de principes, de zèle, de patriotisme. Elle s'est maintenue avec une rare fidélité et sans aucune tergiversation.

« Au commencement de mars, M. le chevalier Stas a cédé la propriété de son journal (1). »

(1) Depuis cette époque, le Journal de Bruxelles s'imprime chez M. Goemaere, rue de la Montagne, 52, où les bureaux sont transférés.

DE LA

SITUATION DES PARTIS

EN BELGIQUE.

J'aborde un sujet délicat. Je voudrais rechercher quelle est la situation des partis en Belgique et caractériser l'influence que cette situation doit exercer d'après moi sur l'esprit public et l'avenir de nos institutions. Tout me convie à cette étude que je pourrais appeler examen de conscience politique, et le rétablissement de la paix d'abord dont le contre-coup sur notre vie publique se laisse déjà deviner par de nombreux symptômes, et l'approche des élections où se jouent tous les deux ans les destinées des majorités et des minorités, et plus encore la fin probable d'une période de quatre années qui m'apparaît comme une sorte de halte dans notre histoire parlementaire.

Du sein de l'opinion conservatrice, des voix éloquentes et généreuses ont souvent appelé la transformation ou l'assoupissement des partís. M. Dechamps, au lendemain de la catastrophe de février, conviait les deux grandes fractions de la Chambre à oublier leurs dissentiments passés et à s'unir sous une bannière commune. Il était si convaincu que cet oubli, ce rapprochement étaient possibles; il les désirait avec tant d'ardeur que ses vœux patriotiques, devançant l'union qu'il espérait, lui faisaient dire à la tribune que

les partis morts pour longtemps n'étaient destinés à renaître que tctalement transformés (1).

Plus tard, un autre membre de la droite, qui lui aussi jugeait les hommes avec la loyauté et la générosité de son cœur, a fait un nouvel et éloquent appel au patriotisme des deux grandes opinions qui divisent le parlement (9). Il a mis en regard l'esprit de parti et l'esprit national. Il a montré la fécondité et retracé les bienfaits de l'un; il a dit la stérilité et les maux de celui-là. Il a exprimé la conviction profonde que l'avenir de nos institutions, le maintien de notre indépendance et la prospérité du pays sont étroitement liés au renouvellement de cette ancienne union historique à l'ombre de laquelle la Belgique constitutionnelle s'est faite ce qu'elle est et dont le retour lui promet des jours non moins fortunés.

Par un heureux concours de circonstances, il se fit que cette union, que cette trève, dont on avait ri, devint une véritable nécessité politique, et à quelques mois d'intervalle, M. de Brouckere traduisait dans son programme ministériel la pensée qui avait inspiré la brochure de M. de Decker. Une meilleure fortune et une consécration plus haute lui étaient encore réservées. L'auteur luimème était destiné à faire l'essai de la politique qu'à la tribune et dans deux publications remarquables, il avait préconisée avec une ardeur, un enthousiasme, pourrais-je dire, qui accusait au moins une conviction profonde et sincère.

Qu'est-il advenu de cette double tentative, et quelle modification s'est produite dans l'existence et dans l'attitude des partis! Sans doute, si l'on n'examine les choses qu'à la surface, et qu'on s'en tienne à l'apparence des faits, le passage aux affaires du Cabinet du 31 octobre semblera avoir réagi d'une manière favorable sur l'esprit du parlement. On ne peut nier que la vivacité des passions ne se soit fort émoussée, que les débats n'aient pris un caractère moins agressif et moins personnel, qu'il n'y ait eu une sorte d'asSoupissement dont je dirai plus loin les causes. Ce que je tiens à "onstater dès maintenant, c'est que les passions faisaient silence,

(1) Annales parlementaires de 1848. Discours sur la réforme électorale (2) L'esprit de parti et l'esprit national.

mais qu'elles n'étaient pas éteintes, que l'esprit de parti se résignait bien à dissimuler son existence, mais qu'il n'abdiquait rien de ses rancunes, de ses préventions, de ses haines, de ses projets de domination et de vengeance.

Ets'il en avait été autrement en effet, s'il y avait eu une transformation accomplie et simplement une trève supportée à regret, aurionsnous assisté au spectacle que nous avons eu depuis l'avénement du cabinet du 30 mars. L'observateur le moins perspicace n'a-t-il pas constaté le réveil de l'esprit de parti dans les cris de guerre de la presse libérale, dans l'effervescence de la maçonnerie, dans le langage provocateur et les votes passionnés de la gauche parlementaire! Je ne dois pas remonter bien haut dans les discussions de la Chambre pour découvrir l'empreinte du mauvais esprit que je signale. Il s'est révélé récemment d'une manière si éclatante, si audacieuse, si inouïe, pourrais-je dire, que je puis me borner à cette seule manifestation. Je parle du vote sur la cession du chemin de fer de Contich à Lierre où les suffrages se sont divisés en catholiques et en libéraux, et cela d'une manière si nette, si tranchée qu'il est visible que le parti pris a tenu lieu de convictions et de raisonnements. Le mot d'ordre a été si bien suivi que l'Indé pendance, au mépris de toute moralité, a désapprouvé la convention intervenue entre l'État et la Compagnie, après avoir applaudi à cet acte des deux mains quelques mois auparavant (1).

Il me suffit de ce seul fait. L'esprit de parti, un moment effrayé des périls qu'il traîne à sa suite, a repris pleine possession de luimême. Le voici de nouveau qui s'agite, qui porte son vote à l'urne électorale, qui dicte les premiers-Bruxelles des journaux, qui noue les intrigues au sein du parlement, qui inspire les discours, qui décide les votes, qui souffle la tempête, qui se rue à l'assaut d'un portefeuille. Le pays le voit et l'entend; il sait que sa prospérité et son bonheur forment l'enjeu de ses efforts. Quelle impression produit sur lui ce spectacle!

(1) On trouve des détails curieux sur ce sujet dans l'Emancipation du 11 avril. Ce journal met en regard deux articles de l'Indépendance où la cession du chemin de fer de Contich à Lierre est appréciée d'une manière contradictoire, approuvée sans réserve en 1853, condamnée absolument en 1856.

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