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Mais, dit-on, une révolte ne serait pas à craindre si les laics jouissaient de plus de libertés, s'ils pouvaient aspirer aux emplois comme les ecclésiastiques; c'est à mes yeux une grave erreur : les ennemis de la religion auront toujours intérêt à faire naitre des troubles dans Rome et l'on s'abuse en disant que les séculiers ne sont pas admis aux emplois.

La nécessité d'une souveraineté temporelle pour le chef de l'Église n'est plus mise en doute aujourd'hui, toutes les grandes puissances et tous les historiens les plus distingués le reconnaissent; il est clair en effet qu'abstraction faite de tout sentiment religieux et dans l'intérêt mème de la civilisation, le Pape doit conserver une indépendance absolue et que cette indépendance eesserait d'exister du jour où il cesserait d'être chef temporel d'un état; ce point ne fait plus question; aussi les partisans de M. de Cavour ne pouvant chasser le Pape de ses états veulent arriver au mème résultat en lui enlevant son indépendance, en sécularisant son Gouvernement, ce qui, d'une manière absolue, est incompatible avec la souveraineté qui incombe au chef de l'Église ; c'est en effet comme tel que le Pape doit avoir une cour composée d'ecclésiastiques, et comme le titre de chef de l'Église repose sur la même tète que celui de souverain d'un état, ces deux administrations se confondant en une foule de points, amènent nécessairement un assez grand nombre d'ecclésiastiques dans les fonctions du Gouvernement; c'est là une nécessité évidente, le nier c'est nier en même temps la possibilité d'existence d'un gouvernement qui a le pape pour chef. Est-ce à dire cependant que tous les emplois doivent être occupés par des ecclésiastiques, non sans doute, car, malgré la liaison qui existe entre l'administration spirituelle et temporelle du Saint-Siége, on peut distinguer, d'une part l'administration de l'État faite par les ministres et d'autre part les tribunaux et les congrégations ecclésiastiques, c'est ce que Pie IX a compris sans attendre M. de Cavour et son memorandum et c'est aussi d'après cette distinction que nous allons voir comment les emplois sont dévolus dans le Gouvernement.

Je crois qu'il n'est pas sans intérêt pour éclaircir la question

de donner le nombre de fonctions occupées par les ecclésiastiques et par les séculiers dans l'administration de l'état ainsi que le montant des traitements perçus par les uns et par les autres. J'ai puisé ces chiffres dans la statistique générale de janvier 1848, trouvant qu'il fallait donner la situation des emplois à l'époque la plus critiquée par les adversaires de la Cour pontificale, c'est-à-dire, au temps qui a précédé la trop fameuse révolution de Rome.

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Il résulte du simple aperçu de ce tableau que les séculiers ne sont pas comptés pour rien à la Cour de Rome, comme on aime à le prétendre. Il est à remarquer d'ailleurs que les simples

tonsurés sont considérés ici comme ecclésiastiques; plusieurs grands dignitaires de l'État ne sont pas prêtres et ne le seront probablement jamais; ainsi le cardinal Antonelli, Secrétaire d'État, n'est que diacre; cela n'empêche pas qu'on ne m'ait montré à Rome un ouvrage français sur l'Italie où l'auteur, racontant un voyage à Rome et donnant des conseils au Gouvernement sous une couleur dévote, citait entre autres particularités qu'il avait assisté avec ferveur à la messe du cardinal Antonelli; à la messe d'un diacre; c'est ainsi qu'on écrit l'histoire de l'Italic moderne. Notons que si le Ministère des Affaires étrangères compte plus d'ecclésiastiques comparativement aux autres ministères et si le traitement qu'ils perçoivent est plus grand que celui des séculiers, c'est que ce ministère comprend les agents diplomatiques et je ne sache pas que l'on en soit encore venu à réclamer que la Cour pontificale se fasse représenter près des grandes puissances par des ambassadeurs séculiers, alors que la plupart de ses rapports avec les puissances étrangères ont trait à des affaires purement religieuses. Remarquons encore que ce Gouvernement de prêtres corrompus et intolérants, comme dit M. De Franchis, n'est pas bien grandement payé : le Secrétaire d'État qui est à la tète du Ministère des Affaires étrangères a pour traitement 1,272 écus.

Le Ministère de l'Intérieur est presque entièrement composé de séculiers; car dans le nombre de 156 ecclésiastiques que porte le tableau, sont compris 134 chapelains des prisons et des forteresses, chapelains dont les fonctions sont exclusivement spirituelles, et qui ne devraient pas être compris dans le tableau; il en résulte qu'il n'y a en réalité dans le Ministère de l'Intérieur que 22 fonctionnaires ecclésiastiques et 1,411 séculiers. On voit d'après le tableau qu'il y a au Ministère de l'Instruction publique 3 ecclésiastiques et 11 séculiers; il va sans dire que les professeurs de l'Université ne figurent pas dans ces chiffres de même que l'armée ne figure pas dans les chiffres émis au Ministère de la Guerre. Quant aux autres Ministères, la différence saute aux yeux sans qu'il soit nécessaire de l'énoncer davantage. En retranchant de ces chiffres les chapelains et le

montant de leur traitement, on voit que le Gouvernement et l'administration de l'État sont confiés à

109 ecclésiastiques

et 5,059 séculiers,

dont l'ensemble des traitements s'élèvent à :

185,397 écus 91 baioques pour les ecclésiastiques; 1,186,194 écus 75 baïoques pour les séculiers.

En examinant d'autre part comment est composé le Gouvernement purement spirituel du Saint-Siége, c'est-à-dire, les tribunaux et les congrégations ecclésiastiques, on trouve une preuve nouvelle que la Cour de Rome loin d'écarter les séculiers des emplois, les y admet toutes les fois qu'elle juge pou voir le faire sans porter atteinte à la souveraineté spirituelle du Saint-Père. Rien ne serait cependant plus logique que de voir les ecclésiastiques occuper seuls des fonctions qui sont de l'ordre spirituel et cependant il n'y a que quatre congrégations dans lesquelles ne figurent pas de laics; ce sont la congrégation des cérémonies sacrées, celle de la discipline des réguliers, celle des indulgences et des saintes reliques et enfin la Secrétairerie des affaires ecclésiastiques extraordinaires. Toutes les autres congrégations et tous les tribunaux ecclésiastiques comptent des séculiers. Il serait trop long de donner ici un tableau des emplois comme nous l'avons fait pour l'administration de l'État; notons cependant que le nombre total des fonctionnaires dans les diverses congrégations et tribunaux ecclésiastipues est de 161 ecclésiastiques,

316 séculiers,

et que

les traitements perçus par les uns et par les autres est de 36,120 écus 22 baioques pour les ecclésiastiques;

61,830 écus 03 baïoques pour les séculiers.

Voilà des chiffres qui font tomber le grief qu'à Rome les ecclésiastiques sont seuls aptes aux emplois. Il est bien vrai que certaines charges importantes dans l'État, et notamment celles qui réclament la prélature sont toujours occupées par des ecclésiastiques. Dans chaque Gouvernement, d'ailleurs, on trouve des castes privilégiées, dans les Gouvernements absolus, c'est ordi

nairement la classe aristocratique et dans le régime constitutionnel, il est presque de rigueur d'avoir fait partie des Chambres législatives pour occuper de hautes fonctions dans l'État. Quoi qu'il en soit de ces priviléges, il résulte clairement des chiffres que nous venons de citer que la grande part des emplois et des traitements est pour les séculiers.

Pour en finir avec les griefs contre la Cour de Rome il nous reste à discuter si réellement le peuple des États pontificaux est malheureux et opprimé. J'espère prouver dans une prochaine lettre qu'il a au contraire toutes les conditions qui amènent le bien-être et le bonheur.

Pour arriver à cette conclusion, je démontrerai que le Gouvernement des États pontificaux est un Gouvernement paternel

dont l'action bienfaisante ne cesse de se faire sentir sur les masses. Le peuple romain est libre, il a peu d'impôts à supporter, moins, peut-être, qu'aucun peuple d'Europe et il a à sa disposition d'excellents établissements de bienfaisance. Rien ne sera plus facile que de le démontrer.

B.-N. DUMORTIER,

Docteur en Droit.

Tournay, 10 Mai 1856.

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