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sans flatterie. « Josaphat, roi de Juda, dit à Achab, roi d'Israël (3. Reg., XXII. 7, 8; » 2. Paralip., XVIII. 6, 7.): N'y a-t-il pas ici quelque prophète du Seigneur? Il nous en reste >> encore un, répondit le roi d'Israël, qui s'ap» pelle Michée, fils de Jemla; mais je le hais, » parce qu'il ne me prophétise que du mal, et jamais du bien. »

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Il le reprenoit de ses crimes, et l'avertissoit des justes jugements de Dieu, afin qu'il les évitât. Achab ne pouvoit souffrir ses discours. Il aimoit mieux être environné d'une troupe de prophètes flatteurs, qui ne lui chantoient que ses louanges, et des triomphes imaginaires. Il voulut être trompé, et il le fut. Dieu le livra à l'esprit d'erreur, qui remplit le cœur de ses prophètes de flatteries et d'illusions, auxquelles il crut pour son malheur; et il périt dans la guerre où ses prophètes lui annonçoient tant d'heureux succès.

Au contraire, le pieux roi Josaphat reprend le roi d'Israël, qui ne vouloit pas qu'on écoutât ce prophète de malheurs. « Ne parlez pas ainsi, » roi d'Israël ( Ibid.). » Il faut écouter ceux qui nous montrent, de la part de Dieu, et nos fautes et ses jugements.

Le même roi Josaphat, au retour de la guerre où il avoit été avec Achab, écouta avec soumission le prophète Jéhu qui lui dit (2. Par., XIX. 2, 3.): « Vous donnez secours à un impie, et >> vous faites amitié avec les ennemis de Dieu : >> vous méritiez sa colère; mais il s'est trouvé en >> vous de bonnes œuvres. >>

Il marchoit en tout sur les pas de son père David, qui, recevant avec respect les justes répréhensions des prophètes Nathan et Gad (2. Reg., XII. et XXIV.), reconnut ses fautes, et en obtint le pardon.

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Ce ne sont pas seulement les prophètes qu'il faut ouïr le sage regarde tous ceux qui lui découvrent ses fautes avec prudence, comme des hommes envoyés de Dieu pour l'éclairer. Il ne faut point avoir égard aux conditions: la vérité conserve toujours son autorité naturelle, dans quelque bouche qu'elle soit. « Les hommes libres » obéissent aux serviteurs sensés; l'homme pru»dent et instruit ne murmure pas étant repris » (Eccli., X. 28.). »

L'homme qui peut souffrir qu'on le reprenne est vraiment maître de lui-même. « Qui méprise >> l'instruction, méprise son âme : qui acquiesce >> aux répréhensions, est maître de son cœur (Prov., xv. 32.). »

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Les avis volent à lui de toutes parts; il en sait faire le discernement, et rien n'échappe à sa connoissance.

Ce soldat à qui Joab, son général, commandoit quelque chose contre les ordres du roi, « lui ré»pondit (2. Reg., XVIII. 12, 13.): Quelque >> somme que vous me donnassiez, je ne ferois >> pas ce que vous me dites: car le roi l'a dé>> fendu : et quand je ne craindrois pas ma pro>> pre conscience, le roi le sauroit; et pourriez>> vous me protéger?

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« Nathan vint à Bethsabée, mère de Salomon, >> et lui dit : Ne savez-vous pas qu'Adonias, fils d'Haggith, s'est fait reconnoître roi ; et le roi >> notre maître l'ignore encore? Sauvez votre » vie et celle de Salomon; allez promptement, >> et parlez au roi (3. Reg., 1. 11, 12, 13.). Un mal connu est à demi-guéri : les plaies cachées deviennent incurables.

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Voilà pour le dedans. Et pour le dehors: Amasias roi de Juda, enflé de la victoire nouvellement remportée sur les Iduméens, voulut mesurer ses forces avec le roi d'Israël plus puissant que lui. «< Joas roi d'Israël lui fit dire: Le char>> don du Liban voulut marier son fils avec la >> fille du cèdre; et les bêtes qui étoient dans le >> bois de cette montagne, en passant, écrasèrent » le chardon. Vous avez défait les Iduméens, et >> votre cœur s'est élevé. Contentez-vous de la gloire que vous avez acquise, et demeurez en >> repos. Pourquoi voulez-vous périr, vous et >> votre peuple? Amasias n'acquiesca pas à ce >> conseil : il marcha contre Joas; il fut battu et pris. Joas abattit quatre cents coudées des mu>> railles de Jérusalem, et enleva les trésors de >> la maison du Seigneur et de la maison du roi » ( 4. Reg., XIV. 8, 9, 10, etc. ). >> Si Amasias eût connu les forces de ses voisins, il n'auroit pas cru qu'il pût vaincre un roi plus puissant que lui, parce qu'il en avoit vaincu un plus foible; et cette ignorance causa sa ruine.

Au contraire, Judas Machabée, pour avoir parfaitement connu la conduite et les conseils des Romains, leur puissance et leur manière de faire

la guerre, enfin leurs secrètes jalousies contre les rois de Syrie (1. MAC., VIII. 1, 2, 3, etc.), s'en fit des protecteurs assurés, qui donnèrent moyen aux Juifs de secouer le joug des Gentils. Que le prince soit donc averti, et n'épargne. rien pour cela. C'est à lui principalement que s'adresse cette parole du Sage : « Achetez la vé» rité ( Prov., .XXIII. 23.). » Mais qu'il prenne donc garde à ne point payer des trompeurs, et à ne pas acheter le mensonge.

XV. PROPOSITION. .

Le prince doit savoir parler.

« Les ouvrages sont loués par la main de l'ou>vrier; et le prince du peuple est reconnu sage >> par ses discours (Eccli., IX. 24. ). »

On n'attend de lui que de grandes choses. Job sentoit en cela son obligation, et l'attente des peuples, lorsqu'il disoit (JOB., XXIX. 21, 22. ) : « On n'attendoit de ma bouche que de belles >> sentences, et on se taisoit pour écouter mes >> conseils. On ne trouvoit rien à ajouter à mes >> paroles. >>

Ce n'est pas tout de tenir de sages discours, ni de dire de bonnes choses; il les faut dire à propos. « Les belles sentences sont rejetées dans la >> bouche de l'imprudent: car il ne les dit pas >> en leur temps (Eccli., xx. 22. ). »

C'est pourquoi le Sage pense à ce qu'il dit, pour ne parler que quand il faut. « Le cœur du »sage instruit sa bouche, et donne grâce à ses >> lèvres. Des paroles bien ordonnées sont comme >> le miel; la douceur en est extrême (Prov., » XVI. 23, 24. ). »

« Les paroles du Sage le rendront agréable; >> celles du fou l'engageront dans le précipice: il » commence par une folie, et finit par une er» reur insupportable ( Eccle., x. 12, 13.).

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Parler mal à propos n'est pas seulement chose désagréable, mais nuisible. « Le discoureur se » blesse lui-même d'une épée; la langue des »sages est la santé ( Prov., XII. 18.). » Et encore : « Qui garde sa bouche, garde son âme; >> le parleur inconsidéré se perdra lui-même (Ibid., XIII. 3. ). »

Le vain discoureur a un caractère de folie. « L'insensé parle sans fin (Eccle., x. 14.). » Et encore: «Voyez-vous cet homme prompt à parler? il y a plus à espérer d'un fou que de » lui (Prov., XXIX. 20.). »

La langue conduite par la sagesse est un instrument propre à tout. Voulez-vous adoucir un homme irrité? « Une douce réponse apaise » la colère; mais une parole rude excite la fu>> reur (Prov., XV. 1.). » Et encore : « Une >> langue douce est l'arbre de vie; une langue >> emportée accable l'esprit (Ibid., 4.). »

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Voulez-vous gagner quelqu'un qui soit mécontent? la parole vous y sert plus que les dons. « La rosée rafraîchit l'ardeur; et une parole vaut >> mieux qu'un présent (Eccli., XVIII. 16. ). Il faut donc être maître de sa langue. « Le >> cœur du sage instruit sa bouche; » comme nous venons de voir. Et encore: « Le cœur des >> fous est en la puissance de leur bouche; et la >> bouche des sages est en la puissance de leur » cœur (Eccli., XXI. 29. ). » La démangeaison de parler emporte l'un; la circonspection mesure toutes les paroles de l'autre : l'un s'échauffe en discourant, et s'engage; l'autre pèse tout dans une balance juste, et ne dit que ce qu'il veut.

XVI. PROPOSITION.

Le prince doit savoir se taire; le secret est l'âme des conseils.

<< Il est bon de cacher le secret du roi (Toв., » XIII. 7. ). »

Le secret des conseils est une imitation de la sagesse profonde et impénétrable de Dieu. << On »> ne peut connoître la hauteur des cieux, ni la >> profondeur de la terre, ni le cœur des rois » (Prov., xxv. 3. ). »

Il n'y a point de force, où il n'y a point de secret. « Celui qui ne peut retenir sa langue, >> est une ville ouverte et sans muraille (Ibid., » 28.). » On l'attaque, on l'enfonce de toutes parts.

Si trop parler est un caractère de folie, savoir se taire est un caractère de sagesse. « Le fou » même, s'il sait se taire, passera pour sage » ( Ibid., XVII. 28. ). »

Le sage interroge plus qu'il ne parle : « Faites » semblant de ne pas savoir beaucoup de choses, >> et écoutez en vous taisant et en interrogeant (Eccli., XXXII. 12. ). »

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Ainsi, sans vous découvrir, vous découvrirez les autres. Le désir de montrer qu'on sait, empêche de pénétrer et de savoir beaucoup de choses.

Il faut donc parler avec mesure. « L'insensé » dit d'abord tout ce qu'il a dans l'esprit : le sage >> réserve toujours quelque chose pour l'avenir » ( Prov., XXIX. 11.). »

Il ne se tait pas toujours; « mais il se tait jus>> qu'au temps propre : l'insolent et l'imprudent

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« Jouissez des biens dans les temps heureux; >> mais donnez-vous garde du temps fâcheux : >> car le Seigneur a fait l'un et l'autre ( Eccle., » VII. 15.). »

Il ne faut point avoir une prévoyance pleine de souci et d'inquiétude, qui vous trouble dans la bonne fortune; mais il faut avoir une prévoyance pleine de précaution, qui empêche que la mauvaise fortune ne nous prenne au dépourvu. « Dans l'abondance souvenez vous de la fa» mine; pensez à la pauvreté et au besoin parmi » les richesses: le temps change du matin au soir (Eccli., XVIII. 25, 26. ). »

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Nous avons vu David pour avoir prévu l'avenir, ruiner le parti d'Absalom, et étouffer la rébellion de Séba dans sa naissance (2. Reg., XV. XX. ).

Roboam, Amasias, et les autres dont nous avons vu les égarements, n'ont rien prévu, et sont tombés. Les exemples de l'un et de l'autre événement sont innombrables.

Il n'y a guère d'homme qui ne soit touché d'un grand mal présent, et ne fasse des efforts pour s'en tirer: ainsi toute la sagesse est à prévoir. L'homme prévoyant prend garde aux petites. choses, parce qu'il voit que de celles-là dépendent les grandes. « Qui méprise les petites choses, >> tombera peu à peu ( Eccli., XIX. 1. ). »

Dans la plupart des affaires, ce n'est pas tant la chose que la conséquence qui est à craindre : qui n'entend pas cela n'entend rien.

La santé dépend plus des précautions que des remèdes. Apprenez avant que de parler; pre

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Le prince doit être capable d'instruire ses ministres. C'est-à-dire que la raison doit être dans la tête. Le prince habile fait les ministres habiles, et les forme sur ses maximes.

C'est ce que vouloit dire l'Ecclésiastique : « Le »sage juge, c'est-à-dire, le sage prince instruira » son peuple; et le gouvernement de l'homme >> sensé sera durable ( Eccli., x. 1.). » Et encore: «L'homme sage instruit son peuple, et » les fruits de la sagesse ne sont pas trompeurs » (Ibid., XXXVII. 26. ). »

L'exemple de Josaphat, également sage, vaillant et pieux, nous apprendra ce qu'il faut faire. Dans la troisième année de son règne, il envoya cinq des seigneurs de la Cour «< pour in>> struire le peuple dans les villes de Juda, et » avec eux huit lévites et deux prêtres. Ils enseignoient le peuple de Juda, ayant en main le » livre de la loi du Seigneur; et ils parcouroient >> toutes les villes de Juda, et ils instruisoient le peuple ( 2. Par., xvII. 7, 8, 9. ).

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Remarquez toujours que la loi du Seigneur étoit la loi du royaume, dont le peuple doit être instruit ; et le roi prend soin de l'en faire instruire. Comme cette loi contenoit ensemble les choses religieuses et politiques, aussi, pour enseigner le peuple, il envoya des prêtres avec des seigneurs. Mais voyons la suite.

« Il établit des juges par toutes les villes fortes » de Juda, leur disant : Prenez garde à ce que » vous avez à faire; car ce n'est pas le jugement >> des hommes que vous exercez, mais le juge>> ment du Seigneur : et tout ce que vous jugerez >> retombera sur vous. Que la crainte du Sei>> gneur soit donc avec vous; et faites tout avec » soin; car il n'y a point d'iniquité dans le Sei>> gneur votre Dieu, ni d'acception de personnes, >> ni de désir d'avoir des présents (Ibid., XIX. » 5, 6, 7.). »

Outre ces tribunaux érigés dans les villes de Juda, il érigea un tribunal plus auguste dans la capitale du royaume. « Il établit dans Jéru

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>>salem des lévites et des prêtres, et les chefs de * famille, pour juger le jugement du Seigneur, » et terminer toutes les causes en son nom. Et il leur dit: Vous ferez ainsi, et ainsi, dans la » crainte du Seigneur, avec fidélité, et d'un cœur parfait. Dans toute cause de vos frères qui » viendra à vous, où il sera question de la loi, >> des commandements, des ordonnances et de la » justice, apprenez-leur à ne point offenser Dieu, » de peur que la colère de Dieu ne vienne sur » vous et sur eux : en faisant ainsi vous ne pé» cherez pas (2. Par., XIX. 8, 9, 10.). »

Un prince habile donne ordre que le peuple soit bien instruit des lois; et lui-même il instruit ses ministres, afin qu'ils agissent selon la règle.

ARTICLE II.

Moyens à un prince d'acquérir les connoissances nécessaires.

PREMIÈRE PROPOSITION.

Premier moyen: Aimer la vérité, et déclarer qu'on la veut savoir.

Nous avons montré au prince, par la parole de Dieu, combien il doit être instruit, et de combien de choses: donnons-lui les moyens d'acquérir les connoissances nécessaires, en suivant toujours cette divine parole comme notre guide. Le premier moyen qu'a le prince pour connoitre la vérité, est de l'aimer ardemment, et de témoigner qu'il l'aime : ainsi elle lui viendra de tous côtés, parce qu'on croira lui faire plaisir de la lui dire.

« Les oiseaux de même espèce s'assemblent, > et la vérité retourne à celui qui la recherche » (Eccli., XXVII. 10.). » Les véritables cherchent les véritables: la vérité vient aisément à un esprit disposé à la recevoir par l'amour qu'il a pour elle.

Au contraire, toute leur Cour sera remplie d'erreur et de flatterie, s'ils sont de l'humeur de ceux « qui disent aux voyants: Ne voyez pas; et à >> ceux qui regardent : Ne regardez pas pour »> nous ce qui est droit; dites-nous des choses » agréables, voyez pour nous des illusions (Is., » XXX. 10.). >>

Peu disent cela de bouche; beaucoup le disent de cœur. Le monde est rempli de ces insensés dont parle le Sage : « L'insensé n'écoute pas les » discours prudents, ni ne prête l'oreille, si vous » ne lui parlez selon ses pensées (Proverb., * XVIII. ). »

Il ne suffit pas au prince, de dire en général qu'il veut savoir la vérité, et de demander, TOME IV.

comme fit Pilate à Notre-Seigneur (JOAN., XVIII, 38.): « Qu'est-ce que la vérité? » puis s'en aller tout à coup sans attendre la réponse. Il faut et le dire et le faire de bonne foi.

Les uns s'informent de la vérité par manière d'acquit, et en passant seulement, comme il semble que Pilate fit en ce lieu. Les autres, sans se soucier de la savoir, s'en informent par ostentation, et pour se faire honneur de cette recherche. Tel étoit Achab roi d'Israël, dans lequel nous voyons tous les caractères de ce dernier genre d'hommes.

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Au fond il n'aimoit que la flatterie, et craignoit la vérité. C'est pourquoi «< il haïssoit Michée, par cette seule raison, qu'il ne lui >> prophétisoit que des malheurs (3. Reg., XXII. » 8; 2. Par., XVIII. 7.). »

Repris de cette aversion injuste par Josaphat roi de Juda, il n'ose lui refuser d'écouter ce prophète véritable: mais en l'envoyant quérir par un courtisan flatteur, il lui fit dire sous main, comme nous avons déjà vu : « Tous les pro

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phètes annoncent unanimement au roi des suc>> cès heureux, tenez-lui un même langage » (3. Reg., XXII. 13; 2. Par., XVIII. 12.). »

Cependant quand il paroît devant Josaphat et devant le monde, il fait semblant de vouloir savoir la vérité. « Michée, dit Achab, entrepren>> drons-nous cette guerre? Je vous demande, >> encore une fois, au nom de Dieu, de ne me dire » que la vérité (3. Reg., XXII. 15, 16; 2. Par., » XVIII. 14, 15.). »

Mais aussitôt que le saint prophète commence à la lui expliquer, il s'en fâche; et à la fin de son discours il le fait mettre en prison. « Ne vous

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avois-je pas bien dit qu'il ne vous prophétise>> roit que des malheurs (3. Reg., XXII. 18; » 2. Par., XVIII. 17.)? »

C'est ainsi qu'il parla à Josaphat, aussitôt presque que Michée eut ouvert la bouche. Et quand il eut tout dit, « le roi d'Israël donna cet » ordre : Enlevez-moi Michée, et menez-le au » gouverneur de la ville, et à Joas fils d'Amé» lech, et dites-leur : Le roi commande qu'on >> mette cet homme en prison, et qu'on le nour>> risse au pain et à l'eau en petite quantité, jusqu'à ce que je revienne en paix (3. Reg., » XXII. 26, 27; 2. Paralip., XVIII. 25, 26.). » Voilà à quoi aboutit ce beau semblant que fit Achab de vouloir savoir la vérité. Aussi Michée le jugeant indigne de la savoir, lui répondit d'abord d'un ton ironique : Allez, tout vous réussira (3. Reg., XXII, 15; 2. Paralip., XVIII. 14.).

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Enfin, pressé au nom de Dieu de dire la vérité,

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le prophète exposa devant tout le monde cette terrible vision (3. Reg., XXII. 19, etc.; 2. Paralip., XVIII. 18, etc.): « J'ai vu le Seigneur assis dans » son trône, et toute l'armée du ciel à droite et >> à gauche; et le Seigneur dit : Qui trompera » Achab, roi d'Israël, afin qu'il assiége Ramoth» Galaad, et qu'il y périsse? L'un disoit d'une >> façon, et l'autre d'une autre. Un esprit s'avança >> au milieu de l'assemblée, et dit au Seigneur : » Je le tromperai. En quoi le tromperas-tu, dit >> le Seigneur? Et il répondit: Je serai esprit >> menteur dans la bouche de tous les prophètes. >> Le Seigneur lui dit : Tu le tromperas, et tu pré» vaudras ; va, et fais comme tu dis. Maintenant » donc, poursuivit Michée, le Seigneur a mis >> l'esprit de mensonge dans la bouche de tous >> vos prophètes, et il a résolu votre perte. »

Qui ne tremblera en voyant de si terribles jugements? Mais qui n'en admirera la justice? Dieu punit par la flatterie les rois qui aiment la flatterie; et livre à l'esprit de mensonge les rois qui cherchent le mensonge et de fausses complaisances.

Achab fut tué; et Dieu fit voir que qui cherche à être trompé trouve la tromperie pour sa perte. « Vous êtes juste, ô Seigneur! et tous vos ju»gements sont droits (Ps. cxvIII. 137.), »

II. PROPOSITION.

Second moyen: Etre attentif et considéré.

On a beau avoir la vérité devant les yeux ; qui ne les ouvre pas, ne la voit pas. Ouvrir les yeux à l'âme, c'est être attentif.

« Les yeux du sage sont en sa tête; le fou >> marche dans les ténèbres (Eccle., II. 14. ). » On demande à l'imprudent et au téméraire: Insensé, à quoi pensiez-vous? où aviez-vous les yeux? vous ne les aviez pas à la tête, ni devant vous; vous ne voyiez pas devant vos pieds: c'est-à-dire, vous ne pensiez à rien; vous n'aviez aucune attention.

C'est comme si on n'avoit point d'yeux ni d'oreilles. « Ce peuple ne voit pas de ses yeux, et >> n'écoute pas des oreilles (ISA., VI. 10. ). » Ou, comme traduit saint Paul (Act., xxvII. 26.) « Vous écouterez, et n'entendrez pas; vous ver>> rez, et ne concevrez pas. »

C'est pourquoi le sage nous dit « qu'il y a un » œil qui voit, et une oreille qui écoute et c'est, dit-il, le Seigneur qui fait l'un et l'autre » (Prov., XX. 12.). »

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Ce don de Dieu n'est pas fait pour ceux qui dorment, et qui ne pensent à rien. Il faut s'exciter soi-même et considérer. « Que vos yeux

>> considèrent ce qui est droit, que vos paupières précèdent vos pas. Dressez-vous vous-même » un chemin, et vos démarches seront fermes » (Prov., IV. 25, 26.). » Regardez avant que de marcher; soyez attentif à ce que vous faites.

Il ne faut jamais rien précipiter. « Où il n'y a » point d'intelligence, il n'y a point de bien : qui » se précipite chopera : la folie des hommes les >> fait tomber, et puis ils s'en prennent à Dieu » dans leur cœur (Ibid., XIX. 2, 3.). »

Soyez donc attentif et considéré en toutes choses. « Devant que de juger ayez la justice de>> vant les yeux; apprenez avant que de parler; » prenez la médecine devant la maladie; exami>> nez-vous vous-même, avant que de pronon>> cer un jugement: et Dieu vous sera propice (Eccli., XVIII. 19, 20. ). »

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L'attention en tout, c'est ce qui nous sauve. » Le conseil et l'attention vous garderont, la >> prudence vous sauvera des mauvaises voies : » vous serez délivré de l'homme qui parle mali>> cieusement, qui laisse le droit chemin, et >> marche par des voies ténébreuses ( Prov., II. " 11, 12, 13.). »

Au milieu des déguisements et des artifices qui règnent parmi les hommes, il n'y a que l'attention et la vigilance qui nous puissent sauver des surprises.

Qui considère les hommes attentivement, y est rarement trompé. Jacob connut au visage de Laban, que les dispositions de son cœur étoient changées. Il vit que le visage de Laban étoit autre qu'à l'accoutumée (Gen., XXXI. 2, 5.). Et sur cela il prit la résolution de se retirer.

Car, comme dit l'Ecclésiastique, selon les Septante: « On connoît les desseins de ven» geance dans le changement du visage (Eccli., » XVIII. 24.). » Et encore: « Le cœur de l'homme change son visage, soit pour le bien, soit pour

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» le mal (Ibid., XIII. 31.). »

faut

Mais cela n'est pas aisé à découvrir, il y une grande application. On trouve difficile

» ment et avec travail les vestiges d'un cœur » bien disposé, et un bon visage (Ibid., 32. ). »

Que le prince considère donc attentivement toutes choses; mais surtout qu'il considère attentivement les hommes. La nature a imprimé sur le dehors une image du dedans. « L'homme » se connoît à la vue; on remarque un homme » sensé à la rencontre : l'habit, le ris, la démar>> che découvrent l'homme (Ibid., XIX. 26, 27.). » Il ne faut pourtant pas en croire les premières impressions. Il y a des apparences trompeuses il y a de profondes dissimulations. Le plus sûr

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