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X. PROPOSITION.

Ces sentiments produisent dans le cœur des rois une piété véritable.

Telle fut celle de David. Lorsque fuyant devant son fils Absalom, abandonné de tous les siens, il dit à Sadoc sacrificateur, et aux lévites qui lui amenoient l'arche d'alliance du Seigneur (2. Reg., XV. 24, 25, 26. ) : « Reportez-la dans Jérusalem: » si j'ai trouvé grâce devant le Seigneur, il me » la montrera, et le tabernacle. Que s'il me dit:

» Vous ne me plaisez pas ; il est le maître, qu'il >> fasse ce qui lui plaira. » Je suis soumis à sa volonté.

Ses serviteurs fondoient en larmes, le voyant obligé de fuir avec tant de précipitation et d'ignominie mais David, avec un cœur intrépide, leur relève le courage. Il veut même, par une générosité qui lui étoit naturelle, renvoyer six cents de ses plus vaillants soldats, avec Ethaï le Géthéen, qui les commandoit, pour ne les pas exposer à une ruine qui paroissoit inévitable (Ibid., 19, 20, 21.). « Pourquoi venez-vous >> avec nous? Retournez. Pour moi, ajoute-t-il, » j'irai où je dois aller. » Quel courage, quelle grandeur d'âme! mais en même temps quelle résignation à la volonté de Dieu! il reconnoît la main divine qui le poursuit justement, et met toute sa confiance en cette même main qui seule peut le sauver.

:

XI. PROPOSITION.

Celle piété est agissante.

Il y a un abandon à Dieu qui vient de force et de piété il y en a un qui vient de paresse. S'abandonner à Dieu, sans faire de son côté tout ce qu'on peut, c'est lâcheté et nonchalance.

La piété de David n'a point ce bas caractère. En même temps qu'il attend avec soumission ce que Dieu ordonnera du royaume et de sa personne, pendant la révolte d'Absalom; sans perdre un moment de temps, il donne tous les ordres nécessaires aux troupes, à ses conseillers, à ses principaux confidents, pour assurer sa retraite, et rétablir les affaires (2. Reg., XV, XVI, XVII, XVIII.).

Dieu le veut agir autrement, c'est le tenter contre sa défense : « Vous ne tenterez pas le Sei>> gneur votre Dieu (Deut., VI. 16. ). » Ce n'est pas en vain qu'il vous a donné une sagesse, une prévoyance, une liberté il veut que vous en usiez. Ne le faire pas, et dire en son cœur : J'abandonnerai tout au gré du hasard; et croire qu'il n'y a point de sagesse parmi les hommes, sous prétexte qu'elle est subordonnée à celle de

:

Dieu; c'est disputer contre lui; c'est vouloir secouer le joug, et agir en désespéré.

XII. PROPOSITION.

Le prince qui a failli ne doit pas perdre espérance, mais retourner à Dieu par la pénitence.

Ainsi Manasses roi de Juda, après tant d'impiétés et d'idolâtrie; après avoir répandu tant de sang innocent, jusqu'à en faire regorger les murailles de Jérusalem (4. Reg., XXI. 2, 16.),

frappé de la main de Dieu, « et livré à ses enne>> mis qui le transportèrent à Babylone, et chargé » de fers, pria le Seigneur son Dieu dans son >> angoisse, et se repentit avec beaucoup de dou» leur devant le Dieu de ses pères; et il lui fit » des prières, et il le pria instamment. Et Dieu » écouta sa prière, et il le ramena à Jérusalem >> dans son trône; et Manassès reconnut que le Seigneur étoit le vrai Dieu (2. Par., XXXIII. 11, » 12, 13. ). » Mais il faut bien remarquer que la pénitence de ce prince fut sérieuse, son humilité sincère, et ses prières pressantes.

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Dieu ne laisse pas quelquefois d'avoir égard à la pénitence des impies, lorsque même, sans se convertir, ils sont effrayés de ses menaces. Achab ayant entendu les menaces que Dieu faisoit par le prophète Elie, en fut effrayé ( 3. Reg., XXI. 27, 28, 29.). « Il déchira ses habits, et couvrit sa >> chair d'un cilice, et il jeûna, et il se coucha en » son lit revêtu d'un sac, et il marcha la tête >> baissée (cette tête auparavant si superbe). Et » le Seigneur dit à Elie : N'avez-vous pas vu » Achab humilié devant moi? Parce donc qu'il >> s'est humilié à cause de moi, je ne ferai pas tom>> ber sur lui tout le mal dont je l'ai menacé; mais » je frapperai sa maison du temps de son fils.

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Dieu semble avoir de la complaisance à voir les grands rois et les rois superbes humiliés devant lui. Ce n'est pas que les plus grands rois soient plus que les autres hommes à ses yeux, devant lesquels tout est également un néant; mais c'est que leur humiliation est d'un plus grand exemple au genre humain.

On ne finiroit jamais si on vouloit ici parler de la pénitence de David, si célèbre dans toute la terre. Elle a tellement effacé tous ses péchés, qu'il semble même que Dieu les ait entièrement oubliés. David est demeuré, comme auparavant, l'homme selon le cœur de Dieu, le modèle des bons rois, et le père par excellence du Messie. Dieu lui a rendu, et même augmenté, non-seulement l'esprit de justice, mais encore l'esprit de prophétie, et les dons extraordinaires; en sorte qu'on peut dire qu'il n'a rien perdu.

XIII. PROPOSITION.

La religion fournit aux princes des motifs particuliers de pénitence.

« J'ai péché contre vous seul,» disoit David (Ps. L. 6.). Contre vous seul; puisque vous m'aviez rendu indépendant de toute autre puissance que de la vôtre. Tel est le premier motif : « J'ai péché contre vous seul. » Je dois donc, par ce motif spécial de l'offense que j'ai commise contre vous, me dévouer entièrement à la pénitence.

Le second motif : c'est que si les princes sont exposés à de plus dangereuses tentations, Dieu leur a donné de plus grands moyens de les réparer, par leurs bonnes œuvres.

Le troisième : c'est que le prince dont les péchés sont plus éclatants, les doit expier aussi par une pénitence plus édifiante.

XIV. PROPOSITION.

Les rois de France ont une obligation particulière à aimer l'Eglise et à s'attacher au saint Siége.

« La sainte Eglise romaine, la mère, la nourrice » et la maîtresse de toutes les églises, doit être »> consultée dans tous les doutes qui regardent la » foi et les mœurs ; principalement par ceux qui >> comme nous ont été engendrés en Jésus-Christ, >> par son ministère, et nourris par elle du lait >> de la doctrine catholique. » Ce sont les paroles d'Hincmar, célèbre archevêque de Rheims.

Il est vrai qu'une partie de ce royaume, comme l'Eglise de Lyon et les voisines, ont reçu la foi d'une mission qui leur venoit d'Orient, et par le ministère de saint Polycarpe, disciple de l'apôtre saint Jean. Mais comme l'Eglise est une par tout l'univers, cette mission orientale n'a pas été moins favorable à l'autorité du saint Siége, que celle qui en est venue directement. Ce qui paroît par la doctrine de saint Irénéc évêque de Lyon, qui, dès le second siècle, à célébré si hautement la nécessité de s'unir à l'Eglise romaine (IREN., 1.II. adv. Hær. c. 3, p. 175.), « comme à la prin>>cipale Eglise de l'univers, fondée par les deux » principaux apôtres, saint Pierre et saint Paul. >> L'Eglise gallicane a été fondée par le sang d'une infinité de martyrs. Et je ne veux ici nommer qu'un saint Pothin, un saint Irénée, les saints martyrs de Lyon et de Vienne, et saint Denis avec ses saints compagnons.

L'Eglise gallicane a porté des évêques des plus doctes, des plus saints, des plus célèbres qui aient jamais été : et je ne ferai mention que de saint Hilaire et de saint Martin.

Quand le temps fut arrivé que l'empire romain devoit tomber en Occident; Dieu, qui livra aux Barbares une si belle partie de cet empire, et

celle où étoit Rome, devenue le chef de la religion, il destina à la France des rois qui devoient être les défenseurs de l'Eglise. Pour les convertir à la foi, avec toute la belliqueuse nation des Francs, il suscita un saint Remi, homme apostolique, par lequel il renouvela tous les miracles qu'on avoit vu éclater dans la fondation des plus célèbres églises, comme le remarque saint Remi lui-même dans son testament ( Test. S. REMIG., apud FLOD. 1. 1, c. xvIII. Bibl. Patr. t. xvII. ).

Ce grand saint et ce nouveau Samuel, appelé pour sacrer les rois, sacra aussi ceux de France en la personne de Clovis, comme il dit lui-même (Ibid.), « pour être les perpétuels défenseurs » de l'Eglise et des pauvres, » qui est le plus digne objet de la royauté. Il les bénit et leurs successeurs, qu'il appelle toujours ses enfants; et prioit Dieu nuit et jour, qu'ils persévérassent dans la foi. Prière exaucée de Dieu, avec une prérogative bien particulière; puisque la France est le seul royaume de la chrétienté qui n'a jamais vu sur le trône que des rois enfants de l'Eglise.

Tous les saints qui étoient alors furent réjouis du baptême de Clovis; et dans le déclin de l'empire romain, ils crurent voir, dans les rois de France, « une nouvelle lumière pour tout l'Oc»cident, et pour toute l'Eglise (Epist. AVIT. » VIENN. ad CLODOV. tom. 1 Conc. Gal.p.154.).»

Le pape Anastase II crut aussi voir, dans le royaume de France, nouvellement converti, << une colonne de fer, que Dieu élevoit pour le » soutien de sa sainte Eglise, pendant que la cha>> rité se refroidissoit partout ailleurs ( ANAST. II, >> ep.11, ad CLOD. tom. IV Conc., col. 1282.), » et même que les empereurs avoient abandonné la foi.

Pélage II se promet des descendants de Clovis, comme des voisins charitables de l'Italie et de Rome, la même protection pour le saint Siége, qu'il avoit reçue des empereurs (PELAG. II, Ep. ad AUNACH. tom. 1 Conc. Gall. p. 376. ). Saint Grégoire le Grand enchérit sur ses saints prédécesseurs, lorsque, touché de la foi et du zèle de ces rois, il les met « autant au-dessus des autres » souverains, que les souverains sont au-dessus >> des particuliers (GREG. MAG., Ep.l. v; Ep. vi, » tom. 11, col. 795. ). »

Les enfants de Clovis n'ayant pas marché dans les voies que saint Remi leur avoit prescrites, Dieu suscita une autre race pour régner en France. Les papes et toute l'Eglise la bénirent en la personne de Pepin, qui en fut le chef (PAUL. I., Ep. x, ad FRANC. tom. 11 Conc. Gall. p. 59.). L'empire y fut établi, en la personne de Charlemagne et de ses successeurs. Aucunę

famille royale n'a jamais été si bienfaisante envers l'Eglise romaine : elle en tient toute sa grandeur temporelle: et jamais l'empire ne fut mieux uni au sacerdoce, ni plus respectueux envers les papes, que lorsqu'il fut entre les mains des rois de France.

Après ces bienheureux jours, Rome eut des maîtres fâcheux et les papes eurent tout à craindre, tant des empereurs, que d'un peuple séditieux. Mais ils trouvèrent toujours en nos rois ces charitables voisins que le pape Pélage II avoit espérés. La France, plus favorable à leur puissance sacrée, que l'Italie, et que Rome même, leur devint comme un second siége, où ils tenoient leurs conciles, et d'où ils faisoient entendre leurs oracles à toute l'Eglise : comme il paroît par les conciles de Troyes, de Clermont, de Toulouse, de Tours et de Rheims.

Une troisième race étoit montée sur le trône, race, s'il se peut, plus pieuse que les deux autres; sous laquelle la France est déclarée par les papes, « un royaume chéri et béni de Dieu, dont l'exal>>tation est inséparable de celle du saint Siége » (ALEX. III. Epist. xxx. tom. x Conc., col. » 1212; GREG. IX. tom. XI Conc., col. 367. ). » Race aussi, qui se voit seule dans tout l'univers, toujours couronnée et toujours régnante, depuis sept cents ans entiers sans interruption; et ce qui lui est encore plus glorieux, toujours catholique; Dieu, par son infinie miséricorde, n'ayant même pas permis qu'un prince, qui étoit monté sur le trône dans l'hérésie, y persévérât.

Puisqu'il paroît, par cet abrégé de notre histoire, que la plus grande gloire des rois de France leur vient de leur foi, et de la protection constante qu'ils ont donnée à l'Eglise, ils ne laisseront pas affoiblir cette gloire; et la race régnante la fera passer à la postérité, jusqu'à la fin des siècles.

Elle a produit saint Louis, le plus saint roi qu'on ait vu parmi les chrétiens. Tout ce qui reste aujourd'hui de princes de France, est sorti

Nous insérons ici un fragment des Mémoires de Louis XIV, qui a un rapport particulier aux matières traitées dans ce liv. vII. On y remarquera que les instructions du père à son fils s'accordent parfaitement avec les leçons de l'instituteur à son élève; et on verra en même temps quelle importance ce grand Roi mettoit à inspirer au Dauphin, en toute occasion, les sentiments de religion.dont il étoit lui-même pénétré.

Après avoir parlé des mesures qu'il prit pour la répression des duels, il continue ainsi :

«Je rétablis, par une nouvelle ordonnance, la rigueur » des anciens édits contre les jurements, dont je fis >> bientôt après quelques exemples; et pour autoriser » toutes ces actions extérieures par une marque de piété » personnelle, j'allai publiquement à pied, avec tous mes

de lui, et comme Jésus-Christ disoit aux Juifs (JOAN., VIII. 39.) : « Si vous êtes enfants d'Abra>> ham, faites les œuvres d'Abraham; » il ne me reste qu'à dire à nos princes: Si vous êtes enfants de saint Louis, faites les œuvres de saint Louis.

» domestiques, aux stations du jubilé, voulant que tout » le monde conçût, par le profond respect que je rendois » à Dieu, que c'étoit de sa grâce et de sa protection, » plutôt que de ma propre conduite, que je prétendois » obtenir l'accomplissement de mes desseins et la félicité » de mes peuples.

>> Car vous devez savoir, avant toutes choses, mon fils, » que nous ne saurions montrer trop de respect pour » celui qui nous fait respecter de tant de milliers d'hommes. » La première partie de la politique est celle qui nous » enseigne à le bien servir. La soumission que nous » avons pour lui est la plus belle leçon que nous puissions » donner de celle qui nous est due; et nous péchons >> contre la prudence, aussi bien que contre la justice, » quand nous manquons de vénération pour celui dont » nous ne sommes que les lieutenants. Ce que nous avons » d'avantages sur les autres hommes est pour nous un » nouveau titre de sujétion; et après ce qu'il a fait pour » nous, notre dignité se relève par tous les devoirs que » nous lui rendons. Mais sachez que pour le servir selon » ses désirs, il ne faut pas se contenter de lui rendre un >> culte extérieur comme font la plupart des autres » hommes; des obligations plus signalées veulent de nous des devoirs plus épurés : et comme en nous donnant le » sceptre, il nous a donné ce qui paroît de plus éclatant » sur la terre, nous devons, en lui donnant notre cœur, » lui donner ce qui est de plus agréable à ses yeux.

» Quand nous aurons armé tous nos sujets pour la dé»fense de sa gloire; quand nous aurons relevé ses autels » abattus ; quand nous aurons fait connoître son nom aux > climats les plus reculés de la terre, nous n'aurons fait » que l'une des parties de notre devoir; et sans doute >> nous n'aurons pas fait celle qu'il désire le plus de nous, » si nous ne nous sommes soumis nous-mêmes au joug de »ses commandements. Les actions de bruit et d'éclat ne » sont pas toujours celles qui le touchent davantage; et ce » qui se passe dans le secret de notre cœur est souvent ce » qu'il observe avec plus d'attention.

Il est infiniment jaloux de sa gloire; mais il sait » mieux que nous discerner en quoi elle consiste. Il ne » nous a peut-être faits si grands, qu'afin que nos respects » l'honorassent davantage; et si nous manquons de remplir en cela ses desseins, peut-être qu'il nous laissera » tomber dans la poussière de laquelle il nous a tirés. >> Plusieurs de mes ancêtres, qui ont voulu donner à » leurs successeurs de pareils enseignements, ont attendu » pour cela l'extrémité de leur vie; mais je ne suivrai pas >> en ce point leur exemple. Je vous en parle dès cette » heure, mon fils, et vous en parlerai toutes les fois que » j'en trouverai l'occasion. Car, outre que j'estime qu'on » ne peut de trop bonne heure imprimer dans les jeunes > esprits des pensées de cette conséquence, je crois qu'il » se peut faire que ce qu'ont dit ces princes, dans un état » si pressant, ait quelquefois été attribué à la vue du péril » où ils se trouvoient; au lieu que vous en parlant main» tenant, je suis assuré que la vigueur de mon âge, la » liberté de mon esprit et l'état florissant de mes affaires, > ne vous pourront jamais laisser pour ce discours aucun » soupçon de foiblesse ou de déguisement. »

Voy. Mém. de Louis XIV, ann. 1661 à 1666, fragments, tre part. pag. 33 et suiv. ( Edit, de Versailles.)

LIVRE HUITIÈME.

SUITE DES DEVOIRS PARTICULIERS DE LA

ROYAUTÉ.

DE LA JUSTICE.

ARTICLE PREMIER.

Que la justice est établie sur la religion.
PREMIÈRE PROPOSITION.

Dieu est le juge des juges, et préside aux jugements.
« Dieu a pris sa séance dans l'assemblée des
» dieux ; et assis au milieu d'eux, il juge les dieux
» ( Ps. LXXXI. 1. ). »

Ces dieux, que Dieu juge, sont les rois, et les juges assemblés sous leur autorité, pour exercer leur justice. Il les appelle des dieux, à cause que le nom de Dieu, dans la langue sainte, est un nom de juge; et qu'aussi l'autorité de juger est une participation de la justice souveraine de Dieu, dont il a revêtu les rois de la terre.

et

Ce qui leur mérite principalement le nom de dieux, c'est l'indépendance avec laquelle ils doivent juger, sans distinction de personnes, sans craindre le grand nom plus que le petit ; « parce que c'est le jugement du Seigneur, disoit Moïse (Deut., 1. 17.), où l'on doit juger avec une indépendance semblable à celle de Dieu, sans craindre ni ménager personne.

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Il est dit que Dieu juge ces dieux de la terre, parce qu'il se fait devant lui une perpétuelle révision de leurs jugements.

Le psaume continue, et fait parler Dieu en cette sorte (P8. LXXXI. 2.): « Jusques à quand » jugerez-vous avec injustice, et que vous regar» derez en jugeant (non le droit) mais les per» sonnes des hommes? » Il touche la racine de toute injustice, qui consiste à avoir égard aux personnes plutôt qu'au droit.

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« Jugez pour le pauvre et pour le pupille; justifiez le foible et le pauvre. Arrachez le » pauvre et le mendiant de la main du pécheur❘ qui l'opprime (Ibid., 3, 4. ). »

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Jugez pour le pauvre. » Cela s'entend, s'il a le droit pour lui; car Dieu défend ailleurs (Exod., XXIII. 3.), « d'avoir pitié du pauvre » en jugement; » parce qu'il ne faut non plus juger par pitié, que par complaisance ou par colère, mais seulement par raison. Ce que la justice demande, c'est l'égalité entre les citoyens, et que celui qui opprime demeure toujours le plus foible devant la justice. C'est ce que veut ce

mot: Arrachęz. Ce qui marque une action forte contre l'oppresseur, afin d'opposer la force à la force, la force de la justice à celle de l'iniquité.

Après cette sévère répréhension, et ce commandement suprême, Dieu se plaint, dans la suite du psaume, des juges qui n'écoutent pas sa voix. «Ils n'ont pas compris, ils n'ont pas su; >> ils marchent dans les ténèbres : tous les fon>> dements de la terre seront ébranlés ( Ps. LXXXI. » 5.). » Il n'y a rien d'assuré parmi les hommes si la justice ne se fait pas.

C'est pourquoi Dieu regarde en colère les juges injustes, et les fait souvenir qu'ils sont mortels. « Je l'ai dit : Vous êtes dieux (Ibid., 6. ) : » et je ne m'en dédis pas : « et vous êtes tous les enfants » du Très-Haut, » par ce divin écoulement de la justice souveraine de Dieu sur vos personnes : « mais vous mourez comme des hommes, et » tombez (dans le sépulcre) comme tous les » princes (Ibid., 7.). » Vous serez jugés avec

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Le peuple, que le roi doit juger, est le peuple de Dieu plus que le sien. Les pauvres sont à lui par un titre plus particulier, puisqu'il s'en déclare le père.

C'est donc à lui qu'appartiennent en propriété la justice et le jugement; et c'est lui qui les donne aux rois. C'est-à-dire, qu'il leur donne non - seulement l'autorité de juger, mais encore l'inclination et l'application à le faire comme il le veut, et selon ses lois éternelles.

III. PROPOSITION.

La justice est le vrai caractère d'un roi, et c'est elle qui affermit son trône.

David connut et prédit le règne heureux de Salomon. « La justice se lèvera en ses jours, avec

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>> l'abondance de la paix, pour durer autant que » la lune dans le ciel (Ps. LXXI. 7.). » La justice se lèvé, comme un beau soleil, dans le règne d'un bon roi; la paix la suit comme sa compagne inséparable. Le même David le déclare ainsi (Ibid., 3.). «Les montagnes recevront la paix >> pour tout le peuple, et les collines seront remplies de la justice. » Elle tombera sur les montagnes et sur les collines, comme la pluie qui les arrose et qui les engraisse. Le trône du roi s'affermira, «<et sera stable comme le soleil et » comme la lune (Ibid., 5.) : » ou, comme dit un autre psaume (Ps. LXXXVIII. 38.), « son trône >> demeurera comme le soleil ; et comme la lune, >> qui est faite pour durer toujours; témoin fidèle » dans le ciel, » par la régularité de son cours, de l'immutabilité des desseins de Dieu.

Si quelque empire doit s'étendre, c'est celui d'un prince juste. Tout le monde le désire pour maître. «Il dominera d'une mer à l'autre, et du

>> temps en sera venu, je jugerai les justices. Les jugements rendus par des justices humaines repasseront devant mes yeux.

Ainsi les jugements les plus souverains et les plus absolus, sont comme les autres, par rapport à Dieu, sujets à la correction; avec cette seule différence, qu'elle se fait d'une manière cachée.

Les juges de la terre sont peu attentifs à cette révision de leurs jugements; parce qu'elle ne produit point d'effets sensibles, et qu'elle est réservée à une autre vie: mais elle n'en est que plus terrible, puisqu'elle est inévitable. Quand le temps de ces jugements divins sera venu, « Vous >> n'aurez de secours, ni du levant, ni du cou>> chant, ni des montagnes solitaires, » et des lieux retirés, d'où il descend souvent des secours cachés; «< parce qu'alors Dieu est juge (Ps. LXXIV. 7.), » contre lequel il n'y a point de secours. << Il a en main la coupe de sa vengeance, pleine » d'un vin pur et brûlant (Ibid., 9.), » d'une

>> fleuve (principal de son domaine) jusqu'à l'ex-justice qui ne sera tempérée par aucun mélangé

» trémité du monde. Les Ethiopiens se proster

>> neront devant lui; ses ennemis lui baiseront les

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pieds. Les rois de Tharse et des îles les plus éloignées, les rois d'Arabie et de Saba lui >>'offriront des présents. Tous les rois l'adoreront; >> toutes les nations prendront plaisir à le servir » (Ps. LXXI. 8, 9, 10, 11. ). »

C'est la description du règne de Jésus-Christ, et le règne d'un prince juste en est la figure. « Parce qu'il délivrera le foible et le pauvre de la >> main du puissant qui l'opprime (Ibid., 12, 13.). » Le pauvre demeuroit sans assistance; mais il a trouvé dans le prince un secours assuré. C'est un second rédempteur du peuple, après Jésus-Christ; et l'amour qu'il a pour la justice a son effet.

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IV. PROPOSITION.

Sous un Dieu juste, il n'y a point de pouvoir purement arbitraire.

Sous un Dieu juste, il n'y a point de puissance qui soit affranchie, par sa nature, de toute loi naturelle, divine ou humaine.

Il n'y a point au moins de puissance sur la terre qui ne soit sujette à la justice divine.

Tous les juges, et même les plus souverains, que Dieu pour cette raison appelle des dieux, sont examinés et corrigés par un plus grand juge. «< Dieu est assis au milieu des dieux, et là il » juge les dieux (Ps. LXXX. 1.), » comme il vient 'd'être dit.

Ainsi tous les jugements sont sujets à révision, devant un plus auguste tribunal. Dieu dit aussi par cette raison (Ps. LXXIV. 3.): « Quand le

adoucissant. Au contraire, «il sera mêlé d'a>> mertume, » de liqueurs nuisibles et empoisonnantes. C'est une seconde raison pour craindre cette terrible révision des jugements humains: elle se fera dans un siècle où la justice sera toute pure, et s'exercera dans sa pleine et inexorable rigueur. « Cette coupe est en la main du Sei» gneur ; et il l'épanche sur celui-ci et sur celui» là, » à qui il la présente à boire. Il la présente aux pécheurs endurcis et incorrigibles, et surtout aux juges injustes : « Il faudra l'avaler toute

entière, et jusqu'à la lie. » Et il n'y aura plus pour eux de miséricorde; en sorte que cette vengeance sera éternelle.

ARTICLE II.

Du gouvernement que l'on nomme arbitraire. PREMIÈRE PROPOSITION.

Il y a parmi les hommes une espèce de gouvernement, que l'on appelle arbitraire, mais qui ne se trouve point parmi nous, dans les états parfaitement policés. Quatre conditions accompagnent ces sortes de gouvernement.

Premièrement, les peuples sujets sont nés esclaves, c'est-à-dire vraiment serfs ; et parmi eux il n'y a point de personnes libres.

Secondement, on n'y possède rien en propriété ; tout le fond appartient au prince; et il n'y a point de droit de succession, pas même de fils à père.

Troisièmement, le prince a droit de disposer à son gré, non-seulement des biens, mais encore

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