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souvent du temps de David les tristes effets de cette jalousie, les vouloient remettre devant les yeux de Roboam, et les lui auroient pu faire entendre; et bien instruits de ces dangereuses dispositions, ils conseilloient une douce réponse. La jeunesse flatteuse et bouillante méprisa ces tempéraments; et porta la jalousie des dix tribus, jusqu'à leur faire dire avec amertume et raillerie: Quel intérêt avons-nous à la grandeur de Juda? David, contentez-vous de votre tribu. Nous voulons un roi tiré des nôtres.

La puissance veut être flattée, et regarde les ménagements comme une foiblesse. Mais outre cette raison, les jeunes gens, nourris dans les plaisirs, comme remarque le texte sacré, espéroient trouver, dans les richesses du roi, de quoi entretenir leur cupidité; et craignoient d'en voir la source tarie par la diminution des impôts. Ainsi, en flattant le nouveau roi, ils songeoient à ce secret intérêt.

Le caractère de Roboam aidoit à l'erreur. « C'étoit un homme ignorant et d'un courage >> timide, incapable de résister aux rebelles (2. » Paralip., XIII. 7.): » comme son fils Abia est contraint de l'avouer. Ignorant; qui ne savoit pas les maximes du gouvernement, ni l'art de manier les esprits. Timide, et du naturel de ceux qui, fièrs et menaçants d'abord, lâchent le pied dans le péril; comme on a vu que fit Roboam, lorsqu'il prit la fuite au premier bruit. Un homme vraiment courageux est capable de conseils modérés ; mais, quand il est engagé, il se soutient mieux.

X. PROPOSITION.

Il faut ménager les hommes d'importance, et ne les pas mécontenter.

Après la mort de Saül, lorsque tout le monde alloit à David, « Abner fils de Ner (qui comman>> doit les armées sous Saül) prit Isboseth fils de ce » roi, et le montra à l'armée de rang en rang, >> et le fit reconnoître roi par les dix tribus (2. Reg., II. 8, 9.). » Un seul homme, par son grand crédit, fit un si grand ouvrage.

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Le même Abner, maltraité par Isboseth sur un sujet peu important, dit à ce prince (Ibid., III. 7, 8, 9, 10.) : « Suis-je à mépriser, moi qui, seul fidèle à votre père Saül, vous ai fait >> régner. Et vous me traitez comme un malheu>> reux, pour une femme? Vive le Seigneur ! » j'établirai le trône de David. » Il le fit, et Isboseth fut abandonné.

Ce n'est pas seulement dans les règnes foibles, et sous Isboseth, «< qui craignoit Abner, et qui » n'osoit lui répondre (Ibid., 11.), » qu'on a

besoin de tels ménagements : nous avons vu que David ménagea Joab, et la famille de Sarvia, quoiqu'elle lui fût à charge.

Quelquefois aussi il faut prendre de vigoureuses résolutions, comme fit Salomon. Tout dépend de savoir connoître les conjonctures, et de ne pas pousser toujours les braves gens sans mesure et à toute outrance.

XI. PROPOSITION.

Le fort du conseil est de s'attacher à déconcerter l'ennemi, et à détruire ce qu'il a de plus ferme. Les conseils ne font pas moins que le courage dans les grands périls.

Ainsi, dans la révolte d'Absalom, où il s'agissoit du salut de tout le royaume, David ne se soutint pas seulement par courage, mais il employa toute sa prudence (2. Reg., XV. 31, 33 et seq.), comme on a déjà remarqué ailleurs (cidevant, liv. v, art. 1, XII® propos. pag. 188 et suiv. et liv. IX, art. III, ve prop. pag. 274 et suiv.). Et pour aller à la source, il tourna tout son esprit à détruire le conseil d'Achitophel, où étoit toute la force du parti contraire. Pour s'y opposer utilement, il envoya Chusaï, qu'il munit des instructions et des secours nécessaires; lui donnant Sadoc et Abiathar, comme des hommes de confiance, pour agir sous lui. Par ce moyen Chusaï l'emporta sur Achitophel, qui, se voyant déconcerté, désespéra du succès, et se donna la mort (2. Reg., XVII. 14, 23.).

L'adresse de Chusaï contre Achitophel paroit, en ce que, sans attaquer la réputation de sa prévoyance, trop reconnue pour être affoiblie, il se contente de dire (Ibid., 7.): « Pour cette fois Achitophel n'a pas donné un bon conseil. » Ce qui ne l'accuse que d'un défaut passager, et comme par accident.

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XII. PROPOSITION.

Il faut savoir pénétrer et dissiper les cabales, sans leur donner le temps de se reconnoître.

Par cela on doit observer tout ce qui se passa dans la révolte d'Adonias fils de David, qui, contre sa volonté, vouloit monter sur le trône destiné à Salomon. Cette histoire est déjà rapportée ailleurs (ci-devant, liv. IX, art. VI, XIo propos. pag. 289.) dans toute son étendue. Voici ce qu'on remarque seulement ici.

A la fin de la vie du roi son père, Adonias fit un festin solennel à la famille royale, et à tous les grands de sa cabale ( 3. Reg., 1. 1, 5, 9, 19 et seq.). Ce festin fut à Joab, et à ceux de son intelligence, comme un signal de la rébellion ; mais il ouvrit les yeux au roi. Il prévint Ado

nias; et dans ce festin, où ce jeune prince avoit espéré de s'autoriser, on lui vint annoncer sa perte, et que Salomon étoit couronné. A ce moment l'effroi se répand dans le parti; la cabale est dissipée ; « chacun s'en retourna dans sa mai>> son. » Le coup est frappé ; et la trahison s'en va avec l'espérance.

La vigilance et la pénétration des fidèles ministres de David, qui avertirent ce prince à propos; la fermeté de ce roi, et ses ordres exécutés avec promptitude, sauvèrent l'état, et achevèrent ce grand ouvrage, sans effusion de sang.

XIII. PROPOSITION.

Les conseils relèvent le courage du prince. Ezéchias, menacé par le roi d'Assyrie, « tint >> conseil avec les grands du royaume, et avec les » gens de courage ( 2. Par., XXXII. 3 et seq.) : » Et ce concert produisit les grands ouvrages et les généreuses résolutions qui relevèrent les cœurs abattus, et qui firent dire à Isaïe (Is., XXXII. 8. ) : » Ce prince aura des pensées dignes d'un prince. >> Le peuple doit ressentir cet effet. Et Judith avoit raison de dire à Ozias, et aux chefs qui défendoient Béthulie (JUDITH, VIII. 21.) : « Puis» que vous êtes les sénateurs, et que l'âme de >> vos citoyens est en vos mains, élevez-leur le » courage par vos discours. »

XIV. PROPOSITION.

Les bons succès sont souvent dus à un sage conseiller. << Joas roi de Juda régna quarante ans. Il fit >> bien devant le Seigneur, tout le temps que » Joïada vécut et lui donna ses conseils (4. Reg., » XII. 1, 2; 2. Paralip., XXIV. 1, 2.). Après la » mort de Joïada, les grands du royaume vin>> rent à ses pieds; et gagné par leurs flatteries, >> il suivit leurs mauvais conseils (Ibid., 17, 18 » et seq.), » qui à la fin le perdirent.

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« Premièrement, qu'ils ont assujéti l'Espagne, » avec les mines d'or et d'argent dont elle >> abondoit, par leur conseil et leur patience » (1. MACH., VIII. 3.). » Où l'on fait cette réflexion importante que sans jamais rien précipiter, ces sages Romains, tout belliqueux qu'ils étoient, croyoient avancer et affermir leurs conquêtes, plus encore par conseil et par patience, que par la force des armes.

Le second trait de la sagesse romaine, loué par le Saint-Esprit, dans ce divin livre : c'est que leur amitié étoit sûre (Ibid., 12.); et que non contents d'assurer le repos de leurs alliés par leur protection, qui ne leur manquoit jamais, ils savoient les enrichir et les agrandir: comme ils firent le roi Eumènes, en augmentant son royaume des provinces qu'ils avoient conquises. Ce qui faisoit désirer leur amitié à tout le monde.

Le troisième trait : c'est qu'ils gagnoient de proche en proche, soumettant premièrement les royaumes voisins; et se contentant, pour les pays éloignés, de les remplir de leur gloire, et d'y envoyer de loin leur réputation, comme l'avant-courrière de leurs victoires (Ibid., 13. ).

On remarque aussi que, pour régler toutes leurs démarches, « et faire des choses dignes » d'eux, ils tenoient conseil tous les jours, sans >> division et sans jalousie (Ibid., 15, 16.); » et uniquement attentifs à la patrie et au bien

commun.

Au reste, dans ces beaux temps de la république romaine, au milieu de tant de grandeurs, on gardoit l'égalité et la modestie convenable à un état populaire, « sans que personne voulût >> dominer sur ses concitoyens; sans pourpre, » sans diadème, et sans aucun titre fastueux. >> On obéissoit au magistrat annuel (Ibid., 14, » 16.), » c'étoit-à-dire aux consuls, dont chacun avoit son année, avec autant de soumission et de ponctualité, qu'on eût fait dans les monarchies les plus absolues.

Il ne reste plus qu'à remarquer que quand ce bel ordre changea, le peuple romain vit tomber sa majesté et sa puissance.

Tels sont les conseils qu'on peut prendre de la politique romaine, pourvu qu'on sache d'ailleurs mesurer tous ses pas par la règle de la justice.

XVII. PROPOSITION.

La grande sagesse consiste à employer chacun selon ses talents.

« Je sais que votre frère Simon est un homme >> de conseil; écoutez-le en tout, et il sera comme

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XVIII. PROPOSITION.

Il faut prendre garde aux qualités personnelles, et aux intérêts cachés de ceux dont on prend conseil. «Ne traitez point de la religion avec l'impie; » ni de la justice, avec l'injuste; ni avec la femme » jalouse, des affaires de sa rivale. Ne consultez point les cœurs timides, sur la ni celui guerre; >> qui trafique, sur le prix du transport des mar>>chandises (qu'il fera toujours excessif); nisur la >> valeur des choses à vendre, celui qui a dessein » de les acheter; ni les envieux de quelqu'un » sur la récompense que vous devez à ses ser» vices. N'écoutez pas le cœur dur et impitoya» ble, sur la largesse et sur les bienfaits (qu'il ≫ voudra toujours restreindre); ni sur les règles » de l'honnêteté et de la vertu, celui dont les >> mœurs sont corrompues; ni les ouvriers de la » campagne, sur le prix de leur travail journa» lier; ni celui que vous louez pour un an, sur » la fin de son ouvrage (qu'il voudra toujours >> tirer en longueur et n'y mettre jamais de fin); >> ni un serviteur paresseux, sur les ouvrages qu'il faut entreprendre (Eccli., XXXVII. 12, » 13 et seq.; il faut ici conférer l'original grec >> avec la Vulgate. ). » N'appelez jamais de telles gens à aucun conseil.

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L'abrégé de tout ce sage discours est de découvrir l'aveuglement de ceux qui prennent des conseils intéressés et corrompus, ou même douteux et suspects, pour se déterminer dans les affaires importantes.

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« L'âme d'un homme de bien (sans fard, quine >> saura point vous flatter) vous instruira de la vé>> rité, plus que ne feront sept sentinelles que vous >> aurez mis en garde sur une tour, ou sur quel>> que lieu éminent, pour tout découvrir, et vous >> rapporter des nouvelles (Eccli., XXXVII. 18. ). »

ARTICLE III.

On propose au prince divers caractères des ministres ou conseillers: bons, mêlés de bien et de mal, et méchants.

PREMIÈRE PROPOSITION.

On commence par le caractère de Samuel. Je ne veux pas tant remarquer ce qu'un si grand caractère a de surnaturel et de prophétique, que ce qui le rapproche de nous et des voies ordinaires.

Samuel a cela de grand et de singulier, qu'ayant durant vingt ans, et jusqu'à sa vieillesse, jugé le peuple en souverain, il se vit comme dégradé sans se plaindre. Le peuple lui vient demander un roi. On ne lui cache pas le sujet de cette demande. « Vous êtes vieux, lui dit-on (1. Reg., VIII. 4, 5.), et vos enfants ne mar» chent pas dans vos voies. Donnez-nous un roi

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qui nous juge. » Ainsi on lui reproche son grand âge, et le mécontentement qu'on avoit de ses enfants. Quoi de plus dur à un père, qui, bien loin de l'espérance qu'il pouvoit avoir en récompense d'un si long et si sage gouvernement, de voir ses enfants succéder à sa dignité, s'en voit dépouillé lui-même de son vivant?

Il sentit l'affront : « Ce discours déplut aux >> yeux de Samuel (1. Reg., viii. 6.). » Mais, sans se plaindre ni murmurer, son recours fut << de venir prier le Seigneur, qui lui ordonne >> d'acquiescer au désir du peuple (Ibid., 7.). » Ce qui étoit le réduire à la vie privée.

Il ne lui reste qu'à se soumettre au roi qu'il avoit établi, c'étoit Saul; et de lui rendre compte de sa conduite devant tout le peuple, ce peuple qu'il avoit vu durant tant d'années recevoir ses ordres souverains. « J'ai toujours été sous vos >> yeux depuis ma jeunesse. Dites, devant le » Seigneur et devant son Christ, si j'ai pris le » bœuf ou l'âne de quelqu'un; si j'ai opprimé » quelqu'un, ou si j'ai pris des présents de la >> main de qui que ce soit : et je le rendrai. » On n'eut rien à lui reprocher. « Et il ajouta : Le Sei>> gneur et son Oint seront témoins contre vous de >> mon innocence (Ibid., XII. 3, 4, 5.), » et que ce n'est point pour mes crimes que vous m'avez déposé.

Ce fut là toute sa plainte; et tant qu'il fut écouté, il n'abandonna pas tout-à-fait le soin des affaires. On voit le peuple s'adresser à lui dans les conjonctures importantes (1. Reg., XI. 12.), avec la même confiance que s'il ne l'avoit point offensé.

Loin de dégoûter ce peuple du nouveau roi qu'on avoit établi à son préjudice, il profita de toutes les conjonctures favorables pour affermir son trône. Et le jour d'une glorieuse victoire de Saul sur les Philistins, il donna ce sage conseil : « Venez, allons tous en Galgala, renouvelons le >> royaume. Et on reconnut Saul devant le Sei» gneur ; et on immola des victimes; et la joie >> fut grande dans tout Israël (Ibid., 14, » 15.). »

Depuis ce temps il vécut en particulier; se contentant d'avertir le nouveau roi de ses devoirs, de lui porter les ordres de Dieu, et de lui dénoncer ses jugements (Ibid., xv.).

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Comme il vit ses conseils méprisés, il n'eut plus qu'à se retirer dans sa maison à Ramatha, où nuit et jour il pleuroit Saül devant Dieu, et ne cessoit d'intercéder pour ce prince ingrat. Pourquoi pleures-tu Saül, que j'ai rejeté de » devant ma face? » lui dit le Seigneur (Ibid., XVI. 1.). Va sacrer un autre roi. Ce fut David. Il sembloit que pour récompense du souverain empire qu'il avoit perdu sur le peuple, Dieu le voulût faire l'arbitre des rois, et lui donner la puissance de les établir.

La maison de ce souverain dépossédé fut un asile à David, pendant que Saül le persécutoit. Saul ne respecta pas cet asile, qui devoit être sacré. Il envoya courrier sur courrier, et messager sur messager, pour y prendre David ( 1. Reg., XIX. 18, 19 et seq.), qui fut contraint de prendre la fuite, de quitter ce sacré refuge, et bientôt après le royaume. Et le secours de Samuel lui fut inutile.

Ainsi vécut Samuel retiré dans sa maison, comme un conseiller fidèle dont on méprisoit les avís, et qui n'a plus qu'à prier Dieu pour son roi. Une si belle retraite laissa au peuple de Dieu un souvenir éternel d'une magnanimité, qui jusqu'alors n'avoit point d'exemple. Il y mourut plein de jours, et mérita que « tout Israël s'as» semblât à Ramatha pour l'ensevelir, et faire » le deuil de sa mort en grande consternation » (1. Reg., XXv. 1 ; XXVIII. 3. ). »

II. PROPOSITION.

Le caractère de Néhémias, modèle des bons gouverneurs. Les Juifs rétablissoient leur temple, et com

mençoient à relever Jérusalem, sous les favorables édits des rois de Perse, dont ils étoient devenus sujets par la conquête de Babylone; mais ils étoient traversés par les continuelles hostilités des Samaritains, et de leurs autres voisins anciens ennemis de leur nation, et même par les ministres des rois, avec une opiniâtreté invincible (2. ESDR., I, II, III, IV. ).

Ce fut dans ces conjonctures que Néhémias fut envoyé par Artaxerxès roi de Perse, pour en être le gouverneur. L'ambition ne l'éleva pas à cette haute charge, mais l'amour de ses concitoyens ; et il ne se prévalut des bonnes grâces du roi son maître, que pour avoir le moyen de les soulager.

Parti de Perse dans cette pensée, il trouva que Jérusalem désolée, et de tous côtés en ruine, n'étoit plus que le cadavre d'une grande ville, où l'on ne connoissoit ni forts, ni remparts, ni portes, ni rues, ni maisons.

Après avoir commencé de réparer ces ruines plus par ses exemples que par ses ordres, la première chose qu'il fit, fut de tenir une grande assemblée, contre ceux qui opprimoient leurs frères. « Quoi, leur disoit-il (Ibid., v. 1,2,3, 7,8.), vous exigez d'eux des usures, pendant >> qu'ils ne songent qu'à engager leurs prés et >> leurs vignes, et même à vendre jusqu'à leurs >> enfants pour avoir du pain, et payer les tributs >> au roi ? Vous savez, poursuivoit-il, que nous >> avons racheté nos frères, qu'on avoit vendus >> aux Gentils; et vous vendrez les vôtres, pour » nous obliger encore à les racheter? » Il confondit par ce discours tous les oppresseurs de leurs frères. Et surtout quand il ajouta, en secouant son sein, comme s'il eût voulu s'épuiser lui-même (Ibid., 10, 13.) : << Moi, et mes >> frères, et mes domestiques, avons prêté du blé >> et de l'argent aux pauvres ; et nous leur quit>> tons cet emprunt.

» Les gouverneurs qui m'ont précédé, et en>> core plus leurs ministres ( car c'est l'ordinaire) >> avoient accablé le peuple qui n'en pouvoit >> plus. Mais moi, au contraire, j'ai remis les >> droits attribués au gouvernement (Ibid., 14, » 15.). » Il savoit qu'en certains états d'indigence extrême de ceux qui nous doivent, exiger ce qui nous est dû légitimement, c'est une espèce de vol.

<< Sa table étoit ouverte aux magistrats, et >> aux voisins survenus. On y trouvoit des viandes >> choisies, et en abondance, et des vins de >> toutes les sortes (Ibid., 17, 18.). » Il avoit besoin, dans la conjoncture, de soutenir sa dignité; et concilioit les esprits par cet éclat.

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« J'ai, dit-il (2. ESDR., v. 14, 16.), vécu ainsi

>> durant douze ans. J'ai rebâti la muraille à mes dépens; personne n'étoit inutile dans ma mai>> son; et tous mes domestiques travailloient aux » ouvrages publics. »

Voici encore qui est remarquable, et d'une exacte justice : « Je n'ai acheté aucune terre » (Ibid., 16.). » C'est un vol, de se prévaloir de son autorité et de l'indigence publique, pour acheter ce qu'on veut, et à tel prix qu'on y veut donner.

Ce qu'il y a de plus beau, c'est qu'il faisoit tout cela dans la seule vue de Dieu et de son devoir; et lui disoit avec confiance ( Ibid., 19.) : Seigneur, souvenez-vous de moi, selon tout le >> bien que j'ai fait à ce peuple.

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Il ne faut pas s'étonner s'il employoit son autorité à faire observer exactement le sabbat, les ordonnances de la loi, et tout le droit lévitique et sacerdotal (Ibid., XIII.).

Venons aux vertus militaires, si nécessaires à ce grand emploi.

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Pendant qu'on rebâtissoit la ville avec diligence, pour la mettre hors de péril, « il fit par>> tager les citoyens, dont la moitié bâtissoit, pendant que l'autre gardoit ceux qui travail>> loient, et repoussoit l'ennemi à main armée » (Ibid., IV. 16. ). » Mais, dans l'ouvrage même, les travailleurs étoient prêts à prendre les armes. Tout le monde étoit armé, et comme s'exprime l'Ecriture (Ibid., IV. 17.), « d'une main on tenoit » l'épée, et on travailloit de l'autre. >> Et comme ils étoient dispersés en divers endroits, l'ordre étoit si bon, qu'on savoit où se rassembler au premier signal.

Comme on ne pouvoit abattre Néhémias par les armes, on tâchoit de l'engager dans des traités captieux avec l'ennemi (Ibid., vi. 1, 2 et seq.). Sanaballat et les autres chefs avoient gagné plusieurs magistrats, et l'environnoient de leurs émissaires, qui les vantoient auprès de lui. On tâchoit de l'épouvanter par des lettres qu'on faisoit courir, et par de faux bruits. On lui faisoit craindre de secrètes machinations contre sa vie, pour l'obliger à prendre la fuite, et on ne cessoit de lui proposer des conseils timides, qui auroient mis la terreur parmi le peuple. « Renfermons>> nous, disoient-ils (2. ESDR., VI. 10.), et tenons >> des conseils secrets au dedans du temple, à huis » clos. » Mais il répondoit avec une noble fierté qui rassuroit tout le monde (Ibid., 11,): « Mes » pareils ne craignent rien, et ne savent ni se >> cacher ni prendre la fuite. » Par tant de trames diverses, on ne tendoit qu'à le ralentir ou à l'a

muser, si on ne pouvoit le vaincre; mais il se trouva également au-dessus de la surprise et de la violence.

La source de tant de biens étoit une solide piété, un désintéressement parfait, une attention toujours vive à ses devoirs, et un courage intrépide.

III. PROPOSITION.

Le caractère de Joab, mêlé de grandes vertus et de vices, sous David.

David trouva dans sa famille, et en la personne de Joab, fils de sa sœur Sarvia ( 1. Paralip., 11. 16.), un appui de son trône.

Dès le commencement de son règne, il le jugea le plus digne de la charge de général des armées. Mais il vouloit qu'il la méritât par quelque service signalé rendu à l'état; car il étoit indigne d'un si grand roi, et peu glorieux à Joab, que David parût n'avoir eu égard qu'au sang et à l'intérêt particulier. Lorsque ce prince attaqua Jébus, qui fut depuis appelée Jérusalem, et que David destinoit à être le siége de la religion et de l'empire, il fit cette solennelle déclaration (2.Reg., v. 7, 8; 1. Paralip., XI. 4, 5, 6, 7.) : « Celui qui >> aura le premier poussé le Jébuséen, et forcé » la muraille, sera le chef de la milice. » Ce fut le prix qu'il proposa à la valeur. « Joab monta le >> premier; et il fut fait chef des armées. Ainsi >> fut prise la citadelle de Sion, qui fut appelée » la cité de David, à cause qu'il y établit sa >> demeure. >>

Après cette belle conquête, « David båtit la >> ville aux environs, depuis le lieu appelé Mello; >> et Joab (qui avoit eu tant de part à la victoire) >> acheva le reste (Ibid., 8.). » Ainsi il se signala dans la construction des ouvrages publics, comme dans les combats, et tint, auprès de David, la place que l'histoire donne auprès d'Auguste au grand Agrippa son gendre.

Quand David, pour son malheur, eut entrepris dans Juda et dans Israël le dénombrement des hommes capables de porter les armes, qui lui attira le fléau de Dieu, Joab, à qui il en donna le commandement, fit en fidèle ministre ce qu'il put pour l'en détourner, en lui disant ( 2. Reg., XXIV. 2, 3; 1. Paralip., XXI. 2, 3. ) : « Que le Seigneur augmente le peuple du roi mon sei» gneur, jusqu'au centuple de ce qu'il est ! Mais » que prétend le roi mon seigneur par un tel dé» nombrement? N'est-ce pas assez que vous >> sachiez qu'ils sont tous vos serviteurs? Que » cherchez-vous davantage, et pourquoi faire » une chose qui tourner a en péché à Israël? » Dieu ne vouloit pas qu'Israël, ni son roi, mît sa

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