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toire marque la première cause de la ruine des Juifs (JOSEPH., Ant., lib. XIV, c. 8, al. 4; lib. XX, c. 8, al. 9; De Bello Jud., lib. 1, c. 4, 5, 6; APPIAN. Bell. Syr. Mithrid. et Civil., lib. v. ). Pompée, que les deux frères appelèrent pour les régler, les assujétit tous deux, en même temps qu'il déposséda Antiochus surnommé l'Asiatique, dernier roi de Syrie. Ces trois princes dégradés ensemble, et comme par un seul coup, furent le signal de la décadence marquée en termes précis par le prophète Zacharie (ZACH., XI. 8. Voy. ci-dessus, ch. x, p. 395. ). Il est certain, par l'histoire, que ce changement des affaires de la Syrie et de la Judée fut fait en même temps par Pompée, lorsqu'après avoir achevé la guerre de Mithridate, prêt à retourner à Rome; il régla les affaires d'Orient. Le prophète a exprimé ce qui faisoit à la ruine des Juifs qui, de deux frères qu'ils avoient vus rois, en virent l'un prisonnier servir au triomphe de Pompée, et l'autre (c'est le foible Hircan) à qui | le même Pompée ôta avec le diadème une grande partie de son domaine, ne retenir plus qu'un vain titre d'autorité qu'il perdit bientôt. Ce fut alors que les Juifs furent faits tributaires des Romains; et la ruine de la Syrie attira la leur, parce que ce grand royaume réduit en province dans leur voisinage, y augmenta tellement la puissance des Romains, qu'il n'y avoit plus de salut qu'à leur obéir. Les gouverneurs de Syrie firent de continuelles entreprises sur la Judée : les Romains s'y rendirent maitres absolus, et en affoiblirent le gouvernement en beaucoup de choses. Par eux enfin le royaume de Juda passa des mains des Asmonéens, à qui il s'étoit soumis, en celles d'Hérode étranger et Iduméen. La politique cruelle et ambitieuse de ce roi, qui ne professoit qu'en apparence la religion judaïque, changea les maximes du gouvernement ancien. Ce ne sont plus ces Juifs maîtres de leur sort sous le vaste empire des Perses et des premiers Séleucides, où ils n'avoient qu'à vivre en paix. Hérode, qui les tient de près asservis sous sa puissance, brouille toutes choses, confond à son gré la succession des pontifes, affoiblit le pontificat qu'il rend arbitraire, énerve l'autorité du conseil de la nation qui ne peut plus rien toute la puissance publique passe entre les mains d'Hérode et des Romains dont il est esclave, et il ébranle les fondements de la république judaïque.

Les pharisiens, et le peuple qui n'écoutoit que leurs sentiments, souffroient cet état avec impatience. Plus ils se sentoient pressés du joug

des Gentils, plus ils concurent pour eux de dédain et de haine. Ils ne voulurent plus de Messie qui ne fût guerrier, et redoutable aux puissances qui les captivoient. Ainsi, oubliant tant de prophéties qui leur parloient si expressément de ses humiliations, ils n'eurent plus d'yeux ni d'oreilles que pour celles qui leur annoncent des triomphes, quoique bien différents de ceux qu'ils vouloient.

CHAPITRE XIX.

Jésus-Christ et sa doctrine.

Dans ce déclin de la religion et dès affaires des Juifs, à la fin du règne d'Hérode, et dans le temps que les pharisiens introduisoient tant d'abus, Jésus-Christ est envoyé sur la terre pour rétablir le royaume dans la maison de David, d'une manière plus haute que les Juifs charnels ne l'entendoient, et pour prêcher la doctrine que Dieu avoit résolu de faire annoncer à tout l'univers. Cet admirable enfant, appelé par Isaïe le Dieu fort, le Père du siècle futur, et l'Auteur de la paix (Is., IX. 6.), naît d'une Vierge à Bethléem, et il y vient reconnoître l'origine de sa race. Conçu du Saint-Esprit, saint par sa naissance, seul digne de réparer le vice de la nôtre, il reçoit le nom de Sauveur (MATTH., 1. 21.), parce qu'il devoit nous sauver de nos péchés. Aussitôt après sa naissance, une nouvelle étoile, figure de la lumière qu'il devoit donner aux Gentils, se fait voir en Orient, et amène au Sauveur encore enfant les prémices de la gentilité convertie. Un peu après, ce Seigneur tant désiré vient à son saint temple, où Siméon le regarde, non-seulement comme la gloire d'Israël, mais encore comme la lumière des nations infidèles (Lvc., II. 32.). Quand le temps de prêcher son Evangile approcha, saint Jean-Baptiste, qui lui devoit préparer les voies, appela tous les pécheurs à la pénitence, et fit retentir de ses cris tout le désert où il avoit vécu dès ses premières années avec autant d'austérité que d'innocence. Le peuple, qui depuis cinq cents ans n'avoit point vu de prophètes, reconnut ce nouvel Elie, tout prêt à le prendre pour le Sauveur, tant sa sainteté parut admirable; mais lui-même il montroit au peuple celui dont il étoit indigne de délier les souliers (JOAN., I. 27.). Enfin Jésus-Christ commence à prêcher son Evangile, et à révéler les secrets qu'il voyoit de toute éternité au sein de son Père. Il pose les fondements de son Eglise par la vocation de douze pêcheurs (MATTH., x. 2; Marc., III. 16; Luc., vI. 14.), et met saint Pierre à la

tête de tout le troupeau, avec une prérogative si manifeste, que les évangélistes, qui dans le dénombrement qu'ils font des apôtres ne gardent aucun ordre certain, s'accordent à nommer saint Pierre devant tous les autres, comme le premier (Act., 1. 13; MATTH., XVI. 18.). Jésus-Christ parcourt toute la Judée, qu'il remplit de ses bienfaits; secourable aux malades, miséricordieux envers les pécheurs dont il se montre le vrai médecin par l'accès qu'il leur donne auprès de lui, faisant ressentir aux hommes une autorité et une douceur qui n'avoit jamais paru qu'en sa personne. Il annonce de hauts mystères; mais il les confirme par de grands miracles : il commande de grandes vertus; mais il donne en même temps de grandes lumières, de grands exemples, et de grandes grâces. C'est par là aussi qu'il paroît << plein de grâce et de vérité, et nous >> recevons tous de sa plénitude (JOAN., I. 14, >> 15, 16.). >>

sa

Tout se soutient en sa personne : sa vie, doctrine, ses miracles. La même vérité y reluit partout tout concourt à y faire voir le maître du genre humain et le modèle de la perfection.

Lui seul vivant au milieu des hommes, et à la vue de tout le monde, a pu dire sans craindre d'être démenti : « Qui de vous me reprendra de » péché (Ibid., VIII. 46.)? » Et encore : « Je suis » la lumière du monde; ma nourriture est de >> faire la volonté de mon Père: celui qui m'a » envoyé est avec moi, et ne me laisse pas seul, » parce que je fais toujours ce qui lui plaît (Ibid., » 12, 29; V. 34. ). »

Ses miracles sont d'un ordre particulier, et d'un caractère nouveau. Ce ne sont point des signes dans le ciel, tels que les Juifs les demandoient (MATTH., XVI. 1.) : il les fait presque tous sur les hommes mêmes, et pour guérir leurs infirmités. Tous ces miracles tiennent plus de la bonté que de la puissance, et ne surprennent pas tant les spectateurs, qu'ils les touchent dans le fond du cœur. Il les fait avec empire; les démons et les maladies lui obéissent; à sa parole les aveugles-nés reçoivent la vue, les morts sortent du tombeau, et les péchés sont remis. Le principe en est en lui-même ; ils coulent de source: « Je sens, dit-il (LUC., VI. 19; VIII. 46.), qu'une >> vertu est sortie de moi. » Aussi personne n'en vo it-il fait ni de si grands, ni en si grand nombre; et toutefois il promet que ses disciples feront en son nom encore de plus grandes choses (JOAN., XIV. 12.): tant est féconde et inépuisable la vertu qu'il porte en lui-même.

Qui n'admireroit la condescendance avec la

quelle il tempère la hauteur de sa doctrine? C'est du lait pour les enfants, et tout ensemble du pain pour les forts. On le voit plein des secrets de Dieu; mais on voit qu'il n'en est pas étonné, comme les autres mortels à qui Dieu se communique : il en parle naturellement, comme étant né dans ce secret et dans cette gloire ; et ce qu'il a sans mesure (JOAN., III. 34, ), il le répand avec mesure, afin que notre foiblesse le puisse porter.

Quoiqu'il soit envoyé pour tout le monde, il ne s'adresse d'abord qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël, auxquelles il étoit aussi principalement envoyé; mais il prépare la voie à la conversion des Samaritains et des Gentils. Une femme samaritaine le reconnoît pour le Christ, que sa nation attendoit aussi bien que celle des Juifs, et apprend de lui le mystère du culte nouveau qui ne seroit plus attaché à un certain lieu (Ibid., Iv. 21, 25.) Une femme chananéenne et idolâtre lui arrache, pour ainsi dire, quoique rebutée, la guérison de sa fille. (MATT., XV. 22, etc.). Il reconnoît en divers endroits les enfants d'Abraham dans les Gentils (Ibid., vIII. 10, 11.), et parle de sa doctrine comme devant être prêchée, contredite, et reçue par toute la terre. Le monde n'avoit jamais rien vu de semblable, et ses apôtres en sont étonnés. Il ne cache point aux siens les tristes épreuves par lesquelles ils devoient passer. Il leur fait voir les violences et la séduction employées contre eux, les persécutions et les fausses doctrines, les faux frères, la guerre au dedans et au dehors, la foi épurée par toutes ces épreuves; à la fin des temps, l'affoiblissement de cette foi (Luc., xvIII. 8.), et le refroidissement de la charité parmi ses disciples (MATT., XXIV. 12.); au milieu de tant de périls, son Eglise et la vérité toujours invincibles (Ibid., XVI. 18.).

Voici donc une nouvelle conduite, et un nouvel ordre de choses: on ne parle plus aux enfants de Dieu de récompenses temporelles ; Jésus-Christ leur montre une vie future; et les tenant suspendus dans cette attente, il leur apprend à se détacher de toutes les choses sensibles. La croix et la patience deviennent leur partage sur la erre, et le ciel leur est proposé comme devant élre emporté de force (Ibid., XI. 12.). JésusChrist, qui montre aux hommes cette nouvelle voie, y entre le premier; il prêche des vérités pures qui étourdissent les hommes grossiers, et néanmoins superbes ; il découvre l'orgueil caché et l'hypocrisie des pharisiens et des docteurs de la loi qui la corrompoient par leurs interprétations. Au milieu de ces reproches, il honore leur ministère, et la chaire de Moïse où ils sont assis

(MATT., XXIII. 2.). Il fréquente le temple, dont il fait respecter la sainteté, et renvoie aux prêtres les lépreux qu'il a guéris. Par là il apprend aux hommes comment ils doivent reprendre et réprimer les abus, sans préjudice du ministère établi de Dieu, et montre que le corps de la Synagogue subsistoit malgré la corruption des particuliers. Mais elle penchoit visiblement à sa ruine. Les pontifes et les pharisiens animoient contre JésusChrist le peuple juif, dont la religion se tournoit en superstition. Ce peuple ne peut souffrir le Sauveur du monde, qui l'appelle à des pratiques solides, mais difficiles. Le plus saint et le meilleur de tous les hommes, la sainteté et la bonté même, devient le plus envié et le plus haï. Il ne se rebute pas, et ne cesse de faire du bien à ses citoyens ; mais il voit leur ingratitude : il en prédit le châtiment avec larmes, et dénonce à Jérusalem sa chute prochaine. Il prédit aussi que les Juifs, ennemis de la vérité qu'il leur annonçoit, seroient livrés à l'erreur, et deviendroient le jouet des faux prophètes. Cependant la jalousie des pharisiens et des prêtres le mène à un supplice infâme; ses disciples l'abandonnent; un d'eux le trahit; le premier et le plus zélé de tous le renie trois fois. Accusé devant le conseil, il honore jusqu'à la fin le ministère des prêtres, et répond en termes précis au pontife qui l'interrogeoit juridiquement. Mais le moment étoit arrivé, où la Synagogue devoit être réprouvée. Le pontife et tout le conseil condamne Jésus-Christ, parce qu'il se disoit le Christ Fils de Dieu. Il est livré à Ponce Pilate président romain: son innocence est reconnue par son juge, que la politique et l'intérêt font agir contre sa conscience: le juste est condamné à mort: le plus grand de tous les crimes donne lieu à la plus parfaite obéissance qui fut jamais: Jésus, maître de sa vie et de toutes choses, s'abandonne volontairement à la furcur des méchants, et offre le sacrifice qui devoit être l'expiation du genre humain. A la croix, il regarde dans les prophéties ce qui lui restoit à faire : il l'achève, et dit enfin : Tout est consommé (JOAN., XIX. 30.). A ce mot, tout change dans le monde : la loi cesse, ses figures passent, ses sacrifices sont abolis par une oblation plus parfaite. Cela fait, Jésus-Christ expire avec un grand cri : toute la nature s'émeut; le centurion qui le gardoit, étonné d'une telle mort, s'écrie qu'il est vraiment le Fils de Dieu; et les spectateurs s'en retournent frappant leur poitrine. Au troisième jour il ressuscite; il paroît aux siens qui l'avoient abandonné, et qui s'obstinoient à ne pas croire sa résurrection. Ils le voient, ils lui parlent, ils le

touchent, ils sont convaincus. Pour confirmer la foi de sa résurrection, il se montre à diverses fois et en diverses circonstances. Ses disciples le voient en particulier, et le voient aussi tous ensemble: il paroît une fois à plus de cinq cents hommes assemblés (1. Cor., XV. 6) Un apôtre, qui l'a écrit, assure que la plupart d'eux vivoient encore dans le temps qu'il l'écrivoit. Jésus-Christ ressuscité donne à ses apôtres tout le temps qu'ils veulent pour le bien considérer; et après s'être mis entre leurs mains en toutes les manières qu'ils le souhaitent, en sorte qu'il ne puisse plus leur rester le moindre doute, il leur ordonne de porter témoignage de ce qu'ils ont vu, de ce qu'ils ont ouï, et de ce qu'ils ont touché. Afin qu'on ne puisse douter de leur bonne foi, non plus que de leur persuasion, il les oblige à sceller leur témoignage de leur sang. Ainsi leur prédication est inébranlable; le fondement en est un fait positif, attesté unanimement par ceux qui l'ont vu. Leur sincérité est justifiée par la plus forte épreuve qu'on puisse imaginer, qui est celle des tourments et de la mort même. Teiles sont les instructions que recurent les apôtres. Sur ce fondement, douze pêcheurs entreprennent de convertir le monde entier, qu'ils voyoient si opposé aux lois qu'ils avoient à leur prescrire, et aux vérités qu'ils avoient à leur annoncer. Ils ont ordre de commencer par Jérusalem (Luc., xxiv. 47; Act., I. 8.), et de là de se répandre par toute la terre pour «< instruire toutes les nations, et les >> baptiser au nom du Père, du Fils, et du Saint

Esprit (MATTH., XXVIII. 19, 20.). Jésus-Christ leur promet « d'être avec eux tous les jours jus» qu'à la consommation des siècles, » et assure par cette parole la perpétuelle durée du ministère ecclésiastique. Cela dit, il monte aux cieux en leur présence.

Les promesses vont être accomplies: les prophéties vont avoir leur dernier éclaircissement. Les Gentils sont appelés à la connoissance de Dieu par les ordres de Jésus-Christ ressuscité; une nouvelle cérémonie est instituée pour la régénération du nouveau peuple; et les fidèles apprennent que le vrai Dieu, le Dieu d'Israël, ce Dieu un et indivisible auquel ils sont consacrés par le baptême, est tout ensemble Père, Fils, et Saint-Esprit.

Là donc nous sont proposées les profondeurs incompréhensibles de l'Etre divin, la grandeur ineffable de son unité, et les richesses infinies de cette nature, plus féconde encore au dedans qu'au dehors, capable de se communiquer sans division à trois personnes égales.

Là sont expliqués les mystères qui étoient enveloppés, et comme scellés dans les anciennes Ecritures. Nous entendons le secret de cette parole: « Faisons l'homme à notre image (Genes., » I. 26.); » et la Trinité, marquée dans la création de l'homme, est expressément déclarée dans sa régénération.

Nous apprenons ce que c'est que cette Sagesse conçue, selon Salomon (Prov., VIII. 22.), devant tous les temps dans le sein de Dieu; Sagesse qui fait toutes ses délices, et par qui sont ordonnés tous ses ouvrages. Nous savons qui est celui que David a vu engendré devant l'aurore (Ps. CIX. 3.); et le nouveau Testament nous enseigne que c'est le Verbe, la parole intérieure de Dieu, et sa pensée éternelle, qui est toujours dans son sein, et par qui toutes choses ont été faites. Par là nous répondons à la mystérieuse question qui est proposée dans les Proverbes (Prov., XXX. 4.): « Dites-moi le nom de Dieu, et le nom » de son Fils, si vous le savez. » Car nous savons que ce nom de Dieu, si mystérieux et si caché, est le nom de Père, entendu en ce sens profond qui le fait concevoir dans l'éternité Père d'un Fils égal à lui, et que le nom de son Fils est le nom de Verbe; Verbe qu'il engendre éternellement en se contemplant lui-même, qui est l'expression parfaite de sa vérité, son image, son Fils unique, l'éclat de sa clarté, et l'empreinte de sa substance (Hebr., 1. 3. ).

Avec le Père et le Fils nous connoissons aussi le Saint-Esprit, l'amour de l'un et de l'autre, et leur éternelle union. C'est cet Esprit qui fait les prophètes, et qui est en eux pour leur découvrir les conseils de Dieu, et les secrets de l'avenir; Esprit dont il est écrit (Is., XLVIII. 16.): « Le >> Seigneur m'a envoyé, et son Esprit, » qui est distingué du Seigneur, et qui est aussi le Seigneur même, puisqu'il envoie les prophètes, et qu'il leur découvre les choses futures. Cet Esprit qui parle aux prophètes, et qui parle par les prophètes, est uni au Père et au Fils, et intervient avec eux dans la consécration du nouvel homme.

Ainsi le Père, le Fils, et le Saint-Esprit, un seul Dieu en trois personnes, montré plus obscurément à nos pères, est clairement révélé dans la nouvelle alliance. Instruite d'un si haut mystère, et étonnée de sa profondeur incompréhensible, nous couvrons notre face devant Dieu avec les séraphins que vit Isaïe ( Ibid., VI.), et nous adorons avec eux celui qui est trois fois saint.

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ces admirables secrets de la nature divine, que Moïse et les prophètes n'avoient qu'effleurés.

C'étoit à lui à nous faire entendre d'où vient que le Messie promis comme un homme qui devoit sauver les autres hommes, étoit en même temps montré comme Dieu en nombre singulier, et absolument à la manière dont le Créateur nous est désigné et c'est aussi ce qu'il a fait, en nous enseignant que, quoique fils d'Abraham, il étoit devant qu'Abraham fûl fait ( JOAN., VIII. 58. ); qu'il est descendu du ciel, et toutefois qu'il est au ciel (Ibid., III. 13.); qu'il est Dieu, Fils de Dieu, et tout ensemble homme, fils de l'homme; le vrai Emmanuel, Dieu avec nous; en un mot, le Verbe fait chair, unissant en sa personne la nature humaine avec la divine, afin de réconcilier toutes choses en lui-même.

Ainsi nous sont révélés les deux principaux mystères, celui de la Trinité, et celui de l'Incarnation. Mais celui qui nous les a révélés, nous en fait trouver l'image en nous-mêmes, afin qu'ils nous soient toujours présents, et que nous reconnoissions la dignité de notre nature.

En effet, si nous imposons silence à nos sens, et que nous nous renfermions pour un peu de temps au fond de notre âme, c'est-à-dire dans cette partie où la vérité se fait entendre, nous y verrons quelque image de la Trinité que nous adorons. La pensée, que nous sentons naître comme le germe de notre esprit, comme le fils de notre intelligence, nous donne quelque idée du Fils de Dieu conçu éternellement dans l'intelligence du Père céleste. C'est pourquoi ce Fils de Dieu prend le nom de Verbe, afin que nous entendions qu'il naît dans le sein du Père, non comme naissent les corps, mais comme naît dans notre âme cette parole intérieure que nous y sentons quand nous contemplons la vérité (GREG. Naz., Orat. XXXVI, nunc xxx, n. 20, tom. 1, p. 554, ed. Bened.; AUG., de Trinit., lib. 1x, cap. IV et seq. tom. VIII, col. 880 et seq., et in JoAN. Evang., tract. 1, etc. tom. II, p. 2, col. 292 et seq., de Civ. Dei, lib. XI, cap. XXVI, XXVII, XXVIII; tom. VII, col. 292 et seq.).

Mais la fécondité de notre esprit ne se termine pas à cette parole intérieure, à cette pensée intellectuelle, à cette image de la vérité qui se forme en nous. Nous aimons et cette parole intérieure et l'esprit où elle naît ; et en l'aimant nous sentons en nous quelque chose qui ne nous est pas moins précieux que notre esprit et notre pensée, qui est le fruit de l'un et de l'autre, qui les unit, qui s'unit à eux, et ne fait avec eux qu'une mème

C'étoit au Fils unique qui étoit dans le sein du Père (JOAN., I. 18.), et qui sans en sortir venoit c'étoit à lui à nous découvrir pleinement | vie,

à nous,

Ainsi, autant qu'il se peut trouver de rapport | corruptible et corruptible, intelligent et pureentre Dieu et l'homme, ainsi, dis-je, se produit en Dieu l'amour éternel qui sort du Père qui pense, et du Fils qui est sa pensée, pour faire avec lui et sa pensée une même nature également heureuse et parfaite.

En un mot, Dieu est parfait; et son Verbe, image vivante d'une vérité infinie, n'est pas moins parfait que lui; et son Amour, qui sortant de la source inépuisable du bien en a toute la plénitude, ne peut manquer d'avoir une perfection infinie; et puisque nous n'avons point d'autre idée de Dieu que celle de la perfection, chacune de ces trois choses considérée en ellemême mérite d'être appelée Dieu : mais parce que ces trois choses conviennent nécessairement à une même nature, ces trois choses ne sont qu'un seul Dieu.

Il ne faut donc rien concevoir d'inégal ni de séparé dans cette Trinité adorable; et quelque incompréhensible que soit cette égalité, notre âme, si nous l'écoutons, nous en dira quelque chose.

Elle est; et quand elle sait parfaitement ce qu'elle est, son intelligence répond à la vérité de son être; et quand elle aime son être avec son intelligence autant qu'ils méritent d'être aimés, son amour égale la perfection de l'un et de l'autre (AUG., loc. cit.). Ces trois choses ne se séparent jamais, et s'enferment l'une l'autre : nous entendons que nous sommes, et que nous aimons; et nous aimons à être, et à entendre. Qui le peut nier, s'il s'entend lui-même ? Et non-seulement une de ces choses n'est pas meilleure que l'autre, mais les trois ensemble ne sont pas meilleures qu'une d'elles en particulier, puisque chacune enferme le tout, et que dans les trois consiste la félicité et la dignité de la nature raisonnable. Ainsi, et infiniment au-dessus, est parfaite, inséparable, une en son essence, et enfin égale en tout sens, la Trinité que nous servons, et à laquelle nous sommes consacrés par notre baptême.

Mais nous-mêmes, qui sommes l'image de la Trinité, nous-mêmes, à un autre égard, nous sommes encore l'image de l'Incarnation.

Notre âme, d'une nature spirituelle et incorruptible, a un corps corruptible qui lui est uni (AUG., Ep. III, ad VOLUS., nunc CXXXVII, cap. II, n. 11; tom. II, c. 405. de Civit. Dei, lib. x, cap. XXIX; tom. VII, col. 264; CYRIL., Ep. ad VALERIAN., part. III; Concil. Ephes. tom. III. Concil. col. 1155 et seq. etc.; Symb. AтH., etc.); et de l'union de l'un et de l'autre résulte un tout, qui est l'homme, esprit et corps tout ensemble, in

ment brute. Ces attributs conviennent au tout, par rapport à chacune de ses deux parties: ainsi le Verbe divin, dont la vertu soutient tout, s'unit d'une façon particulière, ou plutôt il devient lui-même, par une parfaite union, ce Jésus-Christ fils de Marie : ce qui fait qu'il est Dieu et homme tout ensemble, engendré dans l'éternité, et engendré dans le temps; toujours vivant dans le sein du Père, et mort sur la croix pour nous sauver.

Mais où Dieu se trouve mêlé, jamais les comparaisons tirées des choses humaines ne sont qu'imparfaites. Notre âme n'est pas devant notre corps, et quelque chose lui manque lorsqu'elle en est séparée. Le Verbe, parfait en lui-même dès l'éternité, ne s'unit à notre nature que pour l'honorer. Cette âme qui préside au corps, et y fait divers changements, elle-même en souffre à son tour. Si le corps est mu au commandement et selon la volonté de l'âme, l'âme est troublée, l'âme est affligée et agitée en mille manières, ou fâcheuses ou agréables, suivant les dispositions du corps; en sorte que comme l'âme élève le corps à elle en le gouvernant, elle est abaissée audessous de lui par les choses qu'elle en souffre. Mais, en Jésus-Christ, le Verbe préside à tout, le Verbe tient tout sous sa main. Ainsi l'homme est élevé, et le Verbe ne se rabaisse par aucun endroit : immuable et inaltérable, il domine en tout et partout la nature qui lui est unie.

De là vient qu'en Jésus-Christ, l'homme, absolument soumis à la direction intime du Verbe qui l'élève à soi, n'a que des pensées et des mouvements divins. Tout ce qu'il pense, tout ce qu'il veut, tout ce qu'il dit, tout ce qu'il cache au dedans, tout ce qu'il montre au dehors est animé par le Verbe, conduit par le Verbe, digne du Verbe, c'est-à-dire digne de la raison même, de la sagesse même, et de la vérité même. C'est pourquoi tout est lumière en Jésus-Christ; sa conduite est une règle; ses miracles sont des instructions, ses paroles sont esprit et vie.

Il n'est pas donné à tous de bien entendre ces sublimes vérités, ni de voir parfaitement en luimême cette merveilleuse image des choses divines, que saint Augustin et les autres Pères ont crue si certaine. Les sens nous gouvernent trop; et notre imagination, qui se veut mêler dans toutes nos pensées, ne nous permet pas toujours de nous arrêter sur une lumière si pure. Nous ne nous connoissons pas nous-mêmes; nous ignorons les richesses que nous portons dans le fond de notre nature; et il n'y a que les yeux les plus épurés

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