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de « Vive Jaurès! Vive la Vérité et la Justice! Vive la République sociale! >>

» LACAVE. »

La Petite République du 6 juillet jubilait ce démenti à Rochefort:

Mensonges Vascagateux.

Sous ce titre : « M. Jaurès sifflé et hué », l'Intransigeant, organe du Vas cagat en chef Rochefort, publie une information commençant ainsi : « On nous télégraphie de Montpellier » et finissant par cette phrase: « A minuit et demi, la conférence a pris fin aux cris répétés de: A bas Jaurès! A bas Dreyfus ! »>

Tout est faux là-dedans, du premier au dernier mot. Dix ou douze échappés du cercle catholique, embrigadés par l'abbé Fournier, le Garnier et le Duvaux montpelliérin, ont été mis à la porte dès le début de la réunion pour tentative d'obstruction; après quoi, Jaurès a parlé pendant deux heures et demie sans une interruption.

D'ailleurs, pour bien montrer que le journal du Vas cagat ment, nous le mettons au défi de produire la soidisant dépêche qu'il dit avoir reçue et qui ne lui a jamais été envoyée.

Au sujet de cette conférence de Montpellier, et des polémiques auxquelles elle avait donné lieu, la Petite République du 8 juillet publia le télégramme suivant:

Une lettre du maire de Montpellier. La conférence Jaurès. La terreur militaire.

Montpellier, 6 juillet.

Les journaux du Midi mènent grand bruit autour

d'une lettre adressée par le maire de notre ville, M. Vernière, au journal l'Eclair de Montpellier, lettre dans laquelle ce magistrat affirme n'avoir pas eu connaissance, avant la conférence de Jaurès, du sujet que devait traiter l'orateur; « sans quoi, ajoute-t-il, je n'aurais pas donné une autorisation qui pouvait paraître couvrir et approuver les théories du conférencier ».

Cette lettre marque tout bonnement la reculade d'un esprit apeuré. Voici exactement comment les faits se sont passés.

Au moment où l'on a annoncé la conférence Jaurès, la municipalité a fait arborer le drapeau à l'hôtel de ville et prêté le théâtre déjà pavoisé par elle. Le maire de Montpellier a assisté, avec les principaux membres du conseil municipal, à la réunion, et donné le signal des applaudissements.

Malheureusement, cela a déplu à l'état-major de la ville. Et dès le lendemain, M. Faure-Biguet, général commandant le corps d'armée, a fait signifier au maire qu'il rompait toute relation avec les pouvoirs civils. M. Vernière est un très brave homme, mais sans caractère. Terrorisé par cette menace, ne songeant pas que les élus du suffrage universel devaient se tenir au-dessus de l'armée que paye le pays, le maire a apporté une lettre d'excuses au journal réactionnaire l'Eclair de Montpellier.

C'est donc bien entendu. Les électeurs ont supporté la honte de voir des galonnés jeter leur sabre dans la balance de l'opinion. Dès maintenant, les généraux n'ont plus qu'à parler, les élus s'inclinent.

Les menaces de M. Faure-Biguet à M. Vernière se justifient d'ailleurs par le succès considérable de la conférence Jaurès. Le coup porté au militarisme a été rude ; et les militaires ont répondu.

Voilà toute la signification de cette lettre ridicule.

CHAPITRE SEPTIÈME

La réunion publique de Toulon (25 juin). de Charles Dupuy.

Mise en cause

On voit, par ces extraits de la Petite République, que la campagne de réunions publiques contre Rochefort, devenu le porte-drapeau de l'antidreyfusisme, était des plus violentes.

Elle avait eu son point de départ à Toulon.

Le Temps du 27 juin (paru le 26) en avait parlé en ces termes :

Notre correspondant de Toulon nous télégraphie :

<< Dans une grande réunion publique tenue ce soir, M. Jaurès, après avoir développé les théories socialistes, a été amené par les interruptions à s'expliquer sur son attitude dans l'affaire Dreyfus.

» Il a raconté les diverses phases connues de cette attitude, puis s'est exprimé textuellement en ces termes :

« Je n'ai jamais voulu tout dire avant les élections, ne » voulant pas peser sur l'esprit de mes électeurs. Mais » aujourd'hui, après la bataille, devant vous qui êtes » étrangers aux luttes de ma circonscription, je puis » parler à cœur ouvert. Eh bien! en dehors des autres >> faits probants, à mon sens, qui m'ont amené à croire » qu'Esterhazy est le vrai coupable, voici la déclaration » que j'ai à vous faire et que je n'ai pas encore produite

» en public pendant le procès Zola. J'étais dans la salle » des Pas-Perdus avec les autres témoins; des jour»nalistes, des députés, des anciens ministres. Or, » M. Charles Dupuy s'est exprimé en ces termes devant >> moi :

<< A ma connaissance, le procès-verbal par lequel le >> capitaine Lebrun-Renault prétend avoir recueilli » l'aveu de Dreyfus, n'a été signé qu'en octobre 1897. >> Lorsque parut dans les journaux le premier récit de » cet incident, c'est-à-dire au lendemain de la dégrada» tion, je m'empressai, en ma qualité de président du » conseil, de faire appeler M. Lebrun-Renault et de lui » dire qu'au lieu d'aller raconter dans les cafés et à des » journalistes la conversation qu'il aurait eue avec Dreyfus, son devoir était de la rapporter au gouver>>nement. Alors M. Lebrun-Renault répondit qu'il » n'avait nullement entendu Dreyfus avouer. Je con» duisis le capitaine Lebrun-Renault devant le général » Mercier, ministre de la guerre, et l'officier répéta que » le récit des journaux était inexact. »>

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La situation politique actuelle mettant en avant le nom de M. Charles Dupuy, nous avons cru devoir reproduire textuellement la déclaration que M. Jaurès lui prête.

M. Jaurès a ajouté que sa conviction se fortifiait chaque jour et qu'il consacrerait, plus que jamais, tous ses efforts au triomphe de ce qu'il croit être la vérité et la raison.

Nous avons montré à M. Charles Dupuy la dépêche de notre correspondant. Voici la réponse que nous a faite l'ancien président du conseil :

« Il est à ma connaissance que le capitaine LebrunRenault, aussitôt après la parade d'exécution, a rapporté à ses chefs l'aveu de Dreyfus et que ceux-ci en ont pris acte par écrit.

» D'autre part, j'ai appris de source autorisée que, en octobre ou novembre 1897, invité par le ministre de la guerre à fixer ses souvenirs, le capitaine Lebrun

Renault écrivit et signa une attestation qui ne faisait que confirmer le rapport du jour de l'exécution.

» Voilà ce que j'ai pu dire dans la salle des PasPerdus ou ailleurs, et je n'ai pas autre chose à ajouter. »

Cet article du Temps était complexe. I contenait, en effet :

1o Une conférence de Jaurès ;

2o Un propos attribué par Jaurès à Dupuy;

3o La réplique de Dupuy à la reproduction dudit propos.

Ce troisième point fut l'objet du télégramme suivant, envoyé de Toulon au Temps du 29 juin :

M. Jaurès répond en ces termes, dans une feuille de la localité, au démenti que lui a infligé M. Charles Dupuy :

« J'ai à peine besoin de faire observer à ceux qui ont lu attentivement les paroles de M. Dupuy qu'il n'a démenti en rien mon récit.

» J'avais dit deux choses :

» J'avais dit d'abord que M. Charles Dupuy savait que le procès-verbal, signé par le capitaine Lebrun-Renault, était du mois d'octobre 1897, trois ans après la condamnation.

>> Sur ce premier point, M. Dupuy confirme mon récit. » J'avais dit ensuite, et c'était l'essentiel, que M. Dupuy m'avait déclaré qu'il avait fait appeler le capitaine Lebrun-Renault quelques jours après l'exécution.

» Celui-ci lui avait affirmé qu'il n'avait point reçu d'aveux de Dreyfus.

» Il avait renouvelé cette affirmation devant le général Mercier, ministre de la guerre.

» Il s'agit là d'un acte personnel de M. Dupuy, d'un acte de son gouvernement, et on voit toute l'importance des déclarations que m'a faites M. Dupuy.

>> Elles minent la légende des aveux.

>> Or, sur ce point, qui est décisif, M. Dupuy garde un silence complet.

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