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CHAPITRE SIXIÈME

Epilogue de l'instruction de Bertulus sur les faux Speranza et Blanche.

Tel fut l'épilogue de la procédure engagée par le lieutenant-colonel Picquart contre les faussaires qui avaient fabriqué la lettre et les télégrammes, par lesquels il avait été compromis gravement dans l'opinion de ses chefs.

La lettre « Speranza » avait, du 15 décembre 1896 au mois de novembre 1897, été considérée par le général Gonse comme « authentique et écrite à Picquart par un de ses confidents >>.

Elle avait été l'un des prétextes par lesquels l'âme médiocre qu'était Gonse avait opéré sa conversion d'admirateur et d'ami de Picquart, en adversaire de cet homme d'honneur.

A ce titre, elle avait porté un coup des plus graves à l'estime dont avait joui jusque-là cet officier, auprès de Gonse, de Boisdeffre et de Billot.

C'est tout juste si, en affirmant avec énergie que la lettre « Speranza » était un apocryphe, fabriqué pour le compromettre, Picquart avait obligé l'âme médiocre qu'était Pellieux à renoncer à la suspicion que la lettre « Speranza » avait déjà suggérée à ce général

enclin à emboîter le pas à Gonse, à Boisdeffre, à Billot; contrarié, au contraire, d'obliger ces trois divisionnaires à renoncer à leur premier sentiment sur l'authenticité de cette lettre, qui leur tenait lieu d'argument à la culpabilité de Dreyfus.

Picquart avait plusieurs raisons d'affirmer avec énergie que la lettre « Speranza » était un faux.

Il suffit d'en retenir une seule le désir que la vérité fût connue de ses chefs.

Son affirmation ne provoqua d'ailleurs, de la part de Pellieux, aucune mesure propre à manifester les auteurs de ce faux.

Pellieux paraissait ignorer l'adage: « Is fecit cui prodest ». Il ne lui semblait pas utile d'interroger à ce sujet le personnage « cui proderat », et de rechercher dans ses entours ou dans ses relations le fil conducteur qui mènerait à l'auteur de ces machinations criminelles.

Ravary, saisi par Picquart de la même affirmation sur la «< fausseté » de la lettre « Speranza », avait fait comme Pellieux, la sourde oreille.

Il avait affecté la plus parfaite indifférence à tirer au clair l'affirmation de Picquart.

Cela ne l'intéressait pas.

Et ce qui vient d'être observé à propos de la lettre << Speranza », adressée à Picquart en décembre 1896, il convient de l'étendre aux télégrammes signés respectivement Blanche et Speranza, adressés à Picquart le 10 novembre 1897, onze mois plus tard, et révélant manifestement la même intention : « nuire à Picquart auprès de ses chefs, en lui attribuant des correspondances compromettantes ».

C'est dans ces conditions que, rebuté par la justice militaire dont Ravary et Pellieux étaient les agents ostensibles, Picquart s'adressa à la justice civile,

pour obtenir que l'auteur des trois faux sus-énumérés fût recherché et condamné pour les trois crimes qui en résultaient.

Le juge Bertulus fut alors désigné par le procureur de la République pour instruire sur la plainte de Picquart.

Au bout de six mois d'enquête, Bertulus parvint à réunir des présomptions sérieuses d'avoir coopéré à ces faux, ou tout au moins à plusieurs d'entre eux, contre trois personnages: le commandant Esterhazy, bénéficiaire direct des faux, la demoiselle Pays, concubine dudit, et le lieutenant-colonel du Paty de Clam qui semblait avoir été l'âme des machinations ourdies au bénéfice d'Esterhazy.

Nous avons raconté, au cours de ce livre, comment les ordonnances de Bertulus traduisaient les présomptions réunies par le juge en un renvoi des trois faussaires devant la Cour d'assises, et comment elles furent infirmées « en fait » par la Chambre des mises en accusation présidée par le conseiller Caze, tout en étant confirmées « en droit » par la Cour de cassation.

En dépit de l'information « en fail », qui arrachait le lieutenant-colonel du Paty de Clam à la Cour d'assises, il s'était dégagé de l'arrêt de la Cour de cassation du 2 septembre 1898 l'évidence du crime de du Paty de Clam.

Cette évidence constituait, aux yeux des esprits droits, un énorme pas vers la vérité, en ce qui touchait à l'innocence de Dreyfus.

L'indignité du principal agent de la condamnation de Dreyfus, indignité poussée jusqu'au crime, c'était en effet la suspicion la plus grave jetée sur toute la procédure de cette condamnation.

Cette suspicion grandissait elle-même en des proportions extraordinaires, la veille même du jour où

s'était réunie la Cour de cassation pour délibérer su les arrêts soumis à son appréciation souveraine.

En effet, au moment même où le crime de du Pat allait être soumis à l'examen de la Cour de cassation un nouveau crime avait été révélé à l'opinion pu blique.

Un autre officier supérieur, le lieutenant-colone Henry, venait d'être rayé du nombre des vivant: après avoir été convaincu par le ministre de la guerr d'un faux encore plus significatif que les faux Speranz et Blanche; après avoir fait l'aveu de son crime.

Coup sur coup, la preuve éclatait que les deux principaux agents de la condamnation de Dreyfus. les deux ennemis les plus acharnés de Picquart étaient deux misérables faussaires. C'en était trop.

La mesure était comble. La revision du procè de Dreyfus s'imposait.

TABLE DES MATIÈRES

LIVRE PREMIER

LES ANERIES DE CAVAIGNAC,

CHAPITRE PREMIER.

-

Le faussaire du Paty de Clam.
entre le juge Bertulus et le procureur général Bertrand.

CHAPITRE DEUXIÈME.

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· Opinions de Cassagnac et de Rochefort

sur les débats du 7 juillet.

CHAPITRE QUATRIÈME. Opinions de Drumont et de Jaurès sur
la déclaration de Cavaignac.

CHAPITRE CINQUIÈME.

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37

Opinions de Clemenceau et d'Yves Guyot
sur la séance du 7 juillet.. . .

CHAPITRE SIXIÈME. Les socialistes répudient Rochefort.
Mystification du marquis de Vascagat.

47

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CHAPITRE SEPTIÈME. La réunion publique de Toulon (25 juin).

-

Mise en cause de Charles Dupuy.

CHAPITRE HUITIÈME. Le dîner de l'abbé Valadier.
de Méline sur la déclaration de Cavaignac.

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