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« qui vous a crevé l'œil, et j'ai vu qu'il l'a fait «< à dessein ; quelle affreuse malice! » - Il lui avoit ensuite demandé, avec un air d'intérêt, s'il éprouvoit de grandes douleurs. Masséna prétend qu'il lui répondit : « Je crois que c'est « un autre que le prince de Prusse qui a fait « le malheureux coup. »

Quand je visitai la flotte de Toulon, j'acquis une nouvelle preuve de la conduite affreuse de l'Empereur Napoléon envers les Prussiens. A bord du vaisseau amiral deux matelots, misérablement vêtus, m'accostèrent en parlant allemand; ils me supplièrent, au nom de Dieu, de les délivrer d'esclavage, eux et trois cents de leurs camarades. C'étoient tous des Prussiens, dont la moitié à peu près avoient été faits prisonniers avec le corps de Schill en 1809, et les autres en 1807, à Dantzig. Ces derniers avoient, malgré le traité de paix, été menés à Anvers et ensuite traînés dans les fers à Toulon où on les traitoit en galériens. Sur ma demande, ces deux malheureux furent à l'instant mis en liberté, et lorsque je donnai avis de la chose à Paris, les autres furent aussi relâchés.

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MÉMOIRE JUSTIFICATIF

POUR

LE GÉNÉRAL THIELMANN (1).

Avertissement qui se trouve en tête de l'original allemand.

Les feuilles françoises ne cessent pas d'injurier le général Thielmann dans le langage qui leur est propre, de l'appeler un aventurier, un pillard, un traître; son corps a, de même que les armées espagnoles, été plus d'une demidouzaine de fois anéanti et taillé en pièces; et, pour rendre cette nouvelle plus croyable, on a donné le nom des officiers tués en cette occasion, qui, suivant l'usage françois, sont des princes et des personnages du premier rang.

Il résulte de tout cela que le général Thielmann doit être un homme très-important pour les François, et effectivement ce militaire s'est,

(1) Ce mémoire publié en 1815, renferme plusieurs faits et des pièces officielles, dont la connoissance est importante pour l'histoire de l'année 1813, et qui peuvent contribuer à faire apprécier la conduite du roi de Saxe.

avec le corps qui lui a été confié, souvent distingué, a, par sa hardiesse et bravoure, causé des pertes très-considérables aux ennemis, leur a fait plusieurs milliers de prisonniers, et a, par la prise de plusieurs courriers, appris bien des secrets dont la publication ne s'accorde pas parfaitement avec les relations de victoires continuelles dont leurs feuilles sont remplies.

Il a fait connoître dans le plus grand détail ce qui lui est arrivé en Saxe avant qu'il passat au service de Russie; nous allons le communiquer à nos lecteurs. On verra par-là que dans la position difficile où l'irrésolution et l'hésitation de son Roi l'avoit placé, il ne pouvoit, comme homme d'honneur et comme vrai patriote, se conduire autrement qu'il ne s'est conduit. Si le roi de Saxe fût resté fidèle à la résolution qu'il avoit prise pour se ranger du côté des alliés, quelle foule de maux n'eût-il pas épargné à son pays, et quels services n'eûtpas rendu à l'Allemagne et à l'humanité!

il

MÉMOIRE JUSTIFICATIF.

LA remise de la place de Torgau aux gé néraux françois a été par son influence sur les

opérations des puissances alliées, d'un intérêt général pour toute l'Allemagne, et surtout les suites de cet évènement ont par les causes qui l'ont amené, été de la plus haute importance pour la nation saxonne. Comme gouverneur, de cette place, le général Thielmann doit par conséquent à l'Allemagne, à sa patrie et à luimême, de présenter au jugement du public un exposé succinct mais fidèle de cet évènement, et de l'appuyer sur des pièces authentiques.

Le général Thielmann reçut le commandement de la place de Torgau en vertu d'un ordre du Roi du 22 février 1813, et avec la condition de la remettre, à l'arrivée du général Regnier qui revenoit de l'armée, soit à ce général, soit au commandant qu'il désigneroit. Le gouverneur de Torgau se trouvoit manifestement sous des ordres de deux sortes, sous ceux du Roi qui lui avoit confié cette place, et sous ceux le général françois Regnier seroit dans le cas de lui donner relativement à cette même place.

que

Quoique le général Regnier ne fit aucune attention à Torgau, le gouverneur ne devoit pas moins, conformément à la politique de sa cour, prendre en grande considération les ordres des François. Mais, on se demande, quel servi15

TOME VI.

teur raisonnable, et on doit même le dire, quel serviteur fidèle du roi de Saxe pouvoit décemment ne réfléchir nullement sur les évènemens du temps, mais obéir aveuglément aux ordres des François, dans un moment surtout où les armées françoises n'avoient pas encore passé le Rhin, tandis que les forces réunies de la Russie et de la Prusse s'approchoient de l'Elbe à grands pas, et que l'opinion de la nation allemande, enflammée d'un zèle ardent comme dans une guerre de religion, s'étoit hautement déclarée contre la France; dans un moment enfin où la direction que prenoit le Roi en quittant son pays, indiquoit assez clairemeut que sa politique commençoit à chanceler, et qu'il espéroit intérieurement, et croyoit possible un changement dans l'ordre des choses. Les intérêts de la France et de la Saxe, relativement à la place de Torgau, étoient diamétralement opposés. Celui de la Saxe demandoit que Torgau fût conservé au Roi intact et sans aucune influence étrangère, fût regardé comme un dépôt sacré pour le peu de forces militaires qui lui restoient, comme un asile pour les débris de l'armée qui revenoit de Pologne, et pour l'avenir, comme le gage précieux d'une résolution libre de la part du Roi, qui, pour

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