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sier, s'y distingua par son application et par des succès qui le firent toujours marcher de front avec les meilleurs sujets de cet établissement. Entré ensuite au séminaire de Saint-Sulpice où il fit sa théologie, tout ce qui se passait en lui faisait croire qu'il était destiné à l'état ecclésiastique, quand des raisons particulières vinrent le détourner des dispositions qu'il paraissait avoir. Dès ce moment le choix d'un état ne fut plus incertain pour lui; ses succès classiques et ses grades dans l'Université étaient de sûrs garants qu'il pouvait sans crainte se livrer à l'enseignement. S'étant marié peu de temps après son retour à Reims, il y ouvrit un pensionnat pour enseigner les premiers éléments de la langue latine, de manière que ses élèves pouvaient, en sortant de ses mains, entrer dans les classes de sixième, cinquième et quatrième du college de l'Université. Son pensionnat, monté en 1783, subsista jusqu'en 1805, époque de l'établissement du lycée. La ville de Reims se trouvant en 1791 sans collége, par la suppression de l'Université, le directoire du département de la Marne et l'évêque constitutionnel Nicolas Diot (voy. ce nom, LXII, 499), s'empressèrent d'en créer un nouveau et d'y appeler Siret pour y professer la rhétorique. Il ne crut pas devoir accepter cette place. Peu de temps après ils le nommèrent principal du même collége. Les raisons qui lui avaient fait refuser la chaire de rhétorique s'opposaient encore à ce qu'il pût accepter cette nouvelle place; et comme un refus précipité aurait incontestablement mécontenté l'autorité, il voulut bien provisoirement consentir à en exercer les fonctions pendant quelques

mois; mais on ne put le déterminer à lui en faire prendre possession et à s'y laisser installer. Il fallait avoir du courage pour en agir ainsi à une époque si voisine de la terreur. Cependant rien ne l'arrêta, ni les sollicitations, ni la crainte de perdre son pensionnat, sa seule et unique ressource qu'il voyait augmenter tous les jours; rien ne put l'engager à y rester. Cette démarche devait le mettre en butte aux tracasseries et aux vexations de ceux dont il ne partageait pas les opinions; néanmoins il sut par sa prudence, par son esprit et par sa fermeté, se préserver de toute atteinte, conserver son établissement, y agrandir les études et en faire une espèce de collége où l'on enseignait la grammaire, les humanités, la rhétorique, le dessin, les mathématiques et quelques arts d'agrément. Son caractère ferme, son maintien imposant et ses manières honnêtes le firent respecter des plus exaltés et lui acquirent l'estime et la confiance, non-seulement des pères et mères qui avaient à cœur de donner à leurs enfants une éducation à la fois solide et chrétienne, mais encore celles de plusieurs farouches républicains qui lui confièrent les leurs. Un d'eux, en lui amenant son neveu, lui dit: Je veux que cet enfant, à qui je prends intéret, apprenne chez toi à connaître sa religion. Ce n'était pas un piége que cet homme puissant alors lui tendait: les parents de cet enfant qu'il consulta l'assurèrent qu'il pou vait en toute sûreté le recevoir au nombre de ses élèves et qu'il n'avait rien à craindre de leur frère. Comme beaucoup d'hommes de métite qui se livraient à l'enseignement, Siret s'était aperçu qu'un livre manquait à l'instruction. Pour y remé

dier, il composa son Epitome historiæ græcæ, livre utile, et, comme on l'a dit, le plus populaire et peut-être le seul de ces temps qui soit resté classique; il en fit hommage en 1798 à l'administration du département, qui en ordonna le dépôt dans l'école centrale établie à Châlons. Tout alors lui était prospère: il en fut de même les années suivantes; mais la maison d'éducation établie en octobre 1802 dans l'ancienne abbaye de SaintDenis, par l'abbé Legros, dernier principal du collége de l'Université, et la formation du lycée de Reims en 1805, vinrent porter un coup mortel à son pensionnat, qui avait été, par un arrêté des consuls en date du 3 frimaire an IX (24 nov. 1802), érigé en maison d'éducation secondaire. Cependant, mettant de côté le tort qu'il devait en éprouver, il se fit inscrire au nombre de ses souscripteurs. Recommandé, il est vrai, à Fontanes, grand - maître de l'Université de France, et lié avec plusieurs hauts dignitaires, Siret pouvait espérer une place honorable dans l'instruction publique. Il n'y aurait, sans aucun doute, été déplacé; mais peu courtisan, et par cela même peu capable de solliciter auprès des grands, il n'obtint que de brillantes promesses qui se réduisirent à la place de professeur de sixième au lycée de Reims. De la sixième, Siret passa successivement à la quatrième, à la troisième et à la chaire de rhétorique. Nommé en 1822 par le conseil royal censeur du même collége, il en exerça les fonctions jusqu'en novembre de l'année suivante, époque de son admission à la retraite. Libre alors de tout son temps, il le consacra à la bibliothèque qu'il aimait autant que lui-même. Il y avait été appelé dès 1806 en qualité de

conservateur du dépôt des livres qui se trouvaient entassés dans la belle bibliothèque et autres pièces de l'ancienne abbaye de Saint-Rémi. De ce dépôt, composé de 63,929 volumes imprimés et de plus de mille manuscrits, provenant des bibliothèques du chapitre métropolitain, des monastères, maisons religieuses et de celles de quelques émigrés, la ville composa, d'après le triage opéré par le chevalier Coquebert de Taisy, l'avocat Havé (voy. ce nom, LXVI, 567), et au moyen d'acquisitions et d'échanges, sa bibliothèque qu'on peut évaluer à plus de 30,000 volumes. Le séminaire de Meaux n'a pas oublié qu'il doit à Siret une partie de sa bibliothèque, composée de livres doubles que l'autorité municipale permit de lui envoyer. Des chagrins domestiques, les événements de 1830, la crainte de perdre sa place ayant altéré sa santé, la mairie lui adjoignit M. Louis Pâris jeune, homme savant et lettré, trèscapable de le remplacer, et nous sommes fondé à croire qu'il a plusieurs fois souri à l'idée que la bibliothèque serait fort bien entre ses mains. Il lui devenait d'ailleurs nécessaire; sa santé s'affaiblissait de jour en jour et annonçait une fin prochaine. Après deux mois de maladie, il termina sa laborieuse carrière, muni des secours de la religion qu'il n'avait jamais cessé de pratiquer, qui le fortifia dans ses peines et lui procura pendant sa vie des moyens de consolation. Par sa mort la ville de Reims perdit un citoyen probe et désintéressé. Aussi l'autorité municipale, voulant lui payer son tribut de reconnaissance, fit-elle prier la famille de retarder d'un jour ses obsèques, afin d'y assister en corps et d'honorer par cette démarche la

mémoire d'un homme qui toute la vie avait été utile à son pays. En donnant au public son Epitome historiæ græcæ, qui lui rapportait annuellement 8 à 900 fr. et que des besoins lui firent abandonner pour quelques mille, Siret comptait bien, après l'avoir traduit et fait imprimer sous le titre d'Abrégé de l'histoire grecque, depuis l'origine des Grecs jusqu'à la fin du règne d'Alexandre, le faire suivre d'autres ouvrages importants; mais des chagrins l'empêchèrent de réaliser les projets qu'il avait constamment manifestés. Parmi ces projets, celui qu'il avait le plus à cœur, c'était de continuer les Essais historiques sur la ville de Reims, commencés par la commission des archives de cette ville créée par un arrêté de la mairie, en date du 22 février 1822; il était un des membres les plus distingués de cette commission qui l'avait choisi pour la rédaction des nos 3 et suiv. jusqu'au n° 16 inclusivement, tous imprimés à Reims, de 1822 à 1825, in-8°. Il rédigea, d'après les notes de cette commission, le Précis historique du sacre de S. M. Charles X, imprimé in-4° sur la fin de 1825. En 1809, le 15 novembre, il s'était engagé avec M. Alphonse de Beauchamp, alors exilé à Reims, de faire en commun l'Histoire de la conquête de l'Espagne par les Romains jusqu'au règne d'Auguste. En 1810 il traduisit de l'italien et fit imprimer à Reims des Méditations et prières pour servir de préparation à la fête de la B. M. sainte Thérèse de Jésus, in 12. Nous avons trouvé dans ses papiers un commencement d'un Epitome historia romanæ et le plan de la conquête de l'Espagne. Ce dernier était écrit de la main d'Alphonse de Beauchamp. L-C-J.

SIREULDE (JACQUES), versificateur, ou, si l'on veut, poète normand, était vers 1555 huissier au parlement de Rouen. Voilà tout ce que Du Verdier et l'abbé Goujet nous apprennent de lui. Il a donné au public: Le Thrésor immortel trouvé et tiré de l'Escripture saincte.. à la fin duquel sont adjoustės plusieurs chants royaux, ballades et rondeaux faicts et composés par aucuns poètes françois et présentez au Puy-des-Pauvres de Rouen, à Rouen, chez Martin le Mégissier, 1556, in-8°. Ce poème de 28 feuillets, en vers de dix syllabes, dédié à Louis Pétrémol, conseiller, etc., est une exhortation à la charité. Sireulde y prouve, dit Goujet, par les témoignages des livres saints, la nécessité et les avantages de l'aumône, et il montre comment on la doit faire. Quinze à dixhuit poètes contemporains, plus ou moins connus, ont fourni les pièces qui précèdent et qui suivent le poème. Le Thrésor immortel, livre très-édifiant qu'on croyait l'unique progéniture de Sireulde, n'avait pas fait grande fortune au Parnasse. Les bibliographes ne le citaient guère; il ne figurait que dans d'obscurs catalogues, et il n'était que fort peu couru des bibliophiles et des bibliomanes. Mais depuis quelques années on lui a découvert un frère cadet qui a eu une toute autre destinée. Il a aussitôt obtenu un sort si brillant que les mânes du bon huissier, son père, ont dû en tressaillir d'allégresse. Consistant seulement en 16 feuillets, ce second livre est intitulé: Les abus et superfluitez du monde (en vers)..., avec une pronostication véritable pour cette année (en prose), Rouen, Abraham Cousturier (sans date), petit in-8°. Acheté d'abord 80 fr. en 1841 chez le libraire Cro

zet (voy. le Manuel de M. Brunet), il se représenta en 1844 dans la Description raisonnée de la collection de livres qui avaient appartenu à Charles Nodier. Là, se trouvant placé dans la division des Poésies gaillardes et burlesques, entre le Passepartout des Ponts bretons et la Mode qui court au temps présent, le livret, relié en maroquin rouge, filets, par Bauzonnet, était encore annoncé comme un volume inconnu et d'une grande rareté.» On ajoutait qu'il renfermait des particularités singulières et curieuses pour l'his toire intérieure de Rouen. Aussi, livré à la chaleur des enchères, le bienheureux livret a été porté à 112 fr. C'est bien le cas de dire, avec Terentianus Maurus: Habent sua fata libelli!

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B-L-U.

SIREY (JEAN-BAPTISTE), laborieux et habile jurisconsulte, né à Sarlat dans le Périgord (Dordogne), le 25 septembre 1762, embrassa d'abord l'état ecclésiastique, et reçut les ordres sacrés avant la révolution; mais ensuite, ayant reconnu que ce n'était pas là sa vocation, il sollicita et obtint d'être relevé de ses vœux, puis épousa une nièce de Mirabeau. A l'étude de la théologie il avait fait succéder celle de la jurisprudence. Quoiqu'il eût adopté les principes de la révolution, il n'en approuva pas les excès, et en fut même victime; car, accusé tantôt de royalisme, tantôt de fédéralisme, il resta long-temps incarcéré, mais il eut le bonheur d'échapper à la mort. Son acquittement fut prononcé par le tribunal révolutionnaire dans la même salle où siége actuellement la chambre civile de la cour de cassation, devant laquelle Sirey plaida si souvent depuis, pendant trente-six ans. Rendu à la liberté, il publia en

l'an III, contre le tribunal révolu-
tionnaire encore existant, un écrit
où il attaqua avec autant de force
que de solidité cette sanglante juri-
diction exceptionnelle. Bientôt il fut
appelé, comme employé supérieur,
au comité de législation de la Con -
vention, d'où il passa au ministère
de la justice en qualité d'adjoint en
chef de la division criminelle. Après
le 18 brumaire (1799), il fut nommé
l'un des cinquante défenseurs appe
lés alors avoués, puis avocats à la
cour de cassation, titre auquel il
joignit plus tard celui d'avocat aux
conseils du roi; il résigna son office en
1836. Depuis 1800 il travailla avec
une ardeur infatigable à la rédaction
de nombreux ouvrages qui l'ont placé
au rang des plus savants juriscon-
sultes de notre époque. La fin de sa
carrière fnt abreuvée d'amertume.
Dès procès ruineux, des chagrins de
famille, la perte de sa femme, celle
d'une de ses filles, la mort funeste
de son fils (voy. ci-dessous) vinrent
attrister ses dernières années; un
coup terrible les termina. Depuis
quelque temps il résidait à Objat
(Corrèze), auprès de la veuve de son
fils, lorsqu'une de ses filles, Mme Jean-
ron et son mari, reintre d'histoire,
formèrent contre lui une demande
en interdiction, qui fut repoussée à
l'unanimité par le conseil de famille.
Mais Sirey n'en fut pas moins obligé
de comparaître devant le président
du tribuna! civil de Limoges pour
subir un interrogatoire. Tandis que
le malheureux vieillard exprimait
la profonde douleur qu'un sembla-
ble procès devait lui causer, il fut
frappé d'une apoplexie foudroyante,
et mourut à l'instant même, le
4 décembre 1845, âgé de 83 ans.
On a de lui: I. Du tribunal rėvo-
lutionnaire, considéré à ses dif-

férentes époques, Paris, 1795, 1797, in-8°. II. Recueil général des lois et des arrêts en matière civile, criminelle, commerciale et de droit public depuis 1800, Paris, 1802-30, 30 vol. in-4o, journal qui parut d'abord sous le titre de Jurisprudence du tribunal de cassation. M. Lemoine de Villeneuve, avocat à la cour d'appel et gendre de Sirey, en a publié en 1834 une table tricennale in-4o, où se trouvent fondués la table décennale (1812) et la table vicennale (1821). Cet immense recueil est continué par M. de Villeneuve et par M. Carette, avocat à la cour de cassation et successeur de Sirey. III. Jurisprudence du XIXe siècle, ou Collection alphabétique des arrêts rendus par la cour de cassation et par les cours royales depuis 1800 jusqu'à l'année courante, avec renvoi à tous les recueils du temps, et principalement au Recueil général des lois et arrêts, Paris, 1821, 1826, in-8°. Cette seconde édition du Recueil général, sous forme alphabétique, devait avoir 25 vol.; mais il n'en a paru qu'un demi-vol. En 1823 on publia à Bruxelles, sous le titre de Jurisprudence du XIXe siècle, un recueil judiciaire en 24 vol. in-4°, approprié aux Pays-Bas, mais où le travail de Sirey était inséré. Il s'en faisait aussi une continuation annuelle, que Sirey et ses continuateurs, afin de déjouer cette espèce de contrefa 'çon, ont fait et font encore imprimer à Paris, sous la rubrique de Bruxelles, pour être répandue en Belgique. IV. Lois civiles intermédiaires, ou Collection des lois sur l'état des personnes et les transmissions des biens, depuis le 4 août • 1789 jusqu'au 30 ventôse an XII (mars 1804), époque du Code civil, Paris, 1806, 4 vol. in-8°. V. Du con

seil d'Etat selon la charte constitutionnelle, ou Notions sur la justice d'ordre politique et administratif, Paris, 1818, in-4°. VI. Jurisprudence du conseil d'État, depuis 1806, époque de l'institution de la commission du contentieux, jusqu'en 1823, Paris, 1818-23, 5 vol. in-4°. VII. Code civil annoté des dispositions et décisions ultérieures de la législation et de la jurisprudence, avec renvoi pour l'indication des matières aux principaux recueils de jurisprudence, Paris, 1813, 1817, 1819, 1821, in-4°.— Supplément au Code civil annoté, 1818, in-4°. VIII. Code d'instruction criminelle et Code pénal annotés, 1815, 1817, 2 vol. in-4° et in-8°. IX. Code de procédure civile annoté, etc., 1816, 1817, 1819, in-4° et in-8°. X. Code de commerce annoté, etc., 1816, in-8°; 1820, in-4°. XI. Les cinq Codes, avec notes et traités pour servir à un cours complet de droit français, à l'usage des étudiants en droit et de toutes les classes de citoyens, 1817, 1819, in-8°. XII (avec M. Lemoine de Villeneuve). Les cinq Codes annotés de toutes les décisions et dispositions interprétatives, modificatives et explicatives, avec renvoi aux principaux recueils de jurisprudence, 1824, 1825, 1827, in-4°. XIII. Code forestier annoté, etc., 1828, in-4°. XIV (avec M. Lemoine de Villeneuve). Les six Codes annotés, etc., avec les suppléments, 1829, in-4^; 1832, in-8°. On a encore de Sirey divers articles dans les Annales de législation et de jurisprudence. SIREY (Marie-Jeanne-Catherine-Joséphine de Lasteyrie du Saillant, dame), femme du précédent, née au Bignan (Loiret) en 1776, était nièce de Mirabeau qu'elle avait connu dans son enfance et qui lui

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