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Félix, tout en regardant comme excessive cette défiance de lui-même, qui portait son ambassadeur à refuser une place à laquelle ses services diplomatiques lui donnaient le droit d'aspirer, respecta ses scrupules, dont la sincérité n'était pas douteuse, sans pouvoir s'empêcher toute fois de lui en vouloir un peu. Personne plus sincèrement que M. de Sostegno n'applaudit au choix qui fut fait de S. E. M. le comte de la Tour, pour remplir la place qui lui avait été offerte. En 1823, le marquis eut le bonheur de recevoir, à Paris, de retour de la guerre d'Espagne, S. A. R. le prince de Carignan, qui régna depuis sous le nom de Charles-Albert. Pendant le séjour de près de trois mois qu'il fit dans cette capitale, ce prince apprit à mieux connaître encore les rares qualités de ce diplomate. Le marquis, dès son arrivée à Paris, en 1814, avait voué à la famille de Savoie-Carignan, qui y était établie, un vif et profond intérêt qui ne s'est jamais démenti un scul instant, et dont le prince Eugène de Savoie-Carignan a toujours daigné lui conserver le plus touchant et le plus flatteur souvenir. En 1826, il eut la consolation de voir se réaliser une de ses plus chères espérances par l'union de son fils avec Mile Louise-Irène Costa de la Trinité, issue d'une de ces familles auxquelles des vertus. héréditaires concilient l'estime et les sympathies de leurs concitoyens, qui leur savent gré de porter noblement un nom illustre et de faire un honorable usage de leurs richesses. Un fils, Charles - Albert Alfieri, est né de cette union, et son grand-père mit dans cet enfant, qui représentait tout l'avenir de sa maison, ses plus douces complaisances. Depuis quelques années le marquis

Alfieri souhaitait de pouvoir vivre au milieu de sa famille et ne cessait de solliciter son rappel de l'ambassade. Le roi, cédant enfin à ses instances, lui donna pour successeur, à Paris, le comte de Sales, et le nomma son grand-chambellan en remplacement du marquis de Saint-Marsan, son cousin germain et ami intime, qui venait de mourir. Il quitta l'ambassade dans les premiers jours de décembre 1828, emportant les regrets de tous les membres du corps diplomatique, dont il était devenu le doyen, et dont, par ses belles manières et par son noble caractère, il avait su gagner l'estime et l'affection. Le marquis Alfieri prit part aux négociations qui firent rendre au roi la partie de la Savoie que le traité de Paris de 1814 avait laissée sous la domination française, et qui procurèrent à l'université de Turin le recouvrement de sept millions et plus, montant d'une rente et d'arrérages qu'elle avait sur le grand-livre de France, et que le gouvernement français lui contestait. Le roi Louis XVIII et le roi Charles X, auprès desquels il avait été successivement accrédité, lui avaient accordé la plus grande confiance, et le duc et la duchesse d'Orléans, devenus, en 1830, roi et reine des Français, admettaient, avec une bienveillance toute particulière, dans leur intimité, le représentant du roi de Sardaigne, leur beau-frère. En partant pour son ambassade, en 1814, le marquis Alfieri était chargé, par ses instructions, de faire valoir les motifs qui n'avaient pas permis au roi de Sardaigne d'admettre dans ses États la Légion-d'Honneur. Le roi avait créé l'ordre militaire de Savoie, et décidé que cette décoration serait donnée de droit en échange aux militaires, redevenus ses sujets,

qui avaient fait les guerres de l'Empire et avaient obtenu celle de la Légion-d'Honneur. Le gouvernement français n'avait jamais cessé de réclamer contre cette défense et avait, par représailles, interdit en France l'ordre de Saint-Maurice et de SaintLazare. Sur ce point les deux cours avaient été dans un fâcheux désaccord. Lorsque, à la fin de son ambassade, le roi de France lui fit offrir le cordon bleu, le marquis Alfieri ne jugea pas à propos de l'accepter. S'étant opposé à l'admission de la Légion d'Honneur dans les États du roi, il crut devoir faire sentir qu'il désirait n'être pas dans le cas de refuser une si honorable distinction. Peu de temps après son avénement au trône, le roi Charles-Albert, n'ayant plus les mêmes raisons qui avaient porté ses augustes prédécesseurs à prendre cette mesure, la révoqua. Au commencement de l'année 1831, le marquis de Sostegno fut créé chevalier de l'ordre suprême de l'Annonciade et lieutenant-général. En février de la même année, à l'occasion du mariage de la princesse Marianne de Savoie avec le prince Ferdinand d'Autriche, qui a été depuis empereur, il reçut la grand'croix de l'ordre de Saint-Étienne de Hongrie. Lorsque le conseil d'État fut créé par édit royal du 18 août 1831, il fut nommé conseiller d'État adjoint permanent, et en 1832 décoré du grand-cordon de Saint-Maurice et de Saint-Lazare. En sa qualité de grand-chambellan, il était président et directeur en chef de l'académie royale des beaux-arts. Assisté de M. le marquis d'Azeglio, son gendre, membre de différentes académies, aujourd'hui directeur-général des galeries royales, et profondément versé dans la connais

LXXXII.

sance des beaux-arts, le marquis de Sostegno fit restaurer le palais de l'académie, et introduisit dans ce royal établissement des réformes qui avaient pour but de favoriser les études et d'améliorer le sort des professeurs, des artistes, etc. Ces reformes furent couronnées d'un plein succès. Il ne bornait pas là les soins qu'il donnait à l'académie royale. Il encourageait encore, par ses conseils et de ses propres deniers, les artistes qui avaient du talent, mais qui manquaient de moyens pour le cultiver. Doué d'une infatigable activité et d'une santé des plus robustes, il descendait lui-même pour toute chose dans les plus petits détails et entretenait une vaste correspondance. Il s'occupait depuis long-temps d'embellir son magnifique château de Saint-Martin, et il fit construire à ses frais dans ce pays une très-belle église. En 1839 il reçut un coup terrible dans ses plus chères affections; il eut le malheur de perdre sa fille cadette, Mlle Louise, comtesse de Pavria, chanoinesse de l'ordre de Sainte-Anne de Bavière. En 1841, parvenu à l'âge de 77 ans, voulant, comme on dit, mettre un intervalle entre le monde et la mort, il sollicita et obtint du roi sa retraite des affaires. Au mois de mai 1844 il fut atteint d'une grave maladie qui fut d'abord jugée mortelle. Il voyait arriver sa fin prochaine avec un courage imperturbable et avec ce calme que donnent seulement une conscience toujours droite et une vie chrétienne remplie de vertus et de bonnes ceuvres. Peu de jours avant sa mort, son fils ayant été placé à la tête de l'instruction publique, la sollicitude paternelle s'alarma de la responsabilité qui allait peser sur lui. Craignant que les travaux et les

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préoccupations propres aux carrières qu'il avait précédemment parcourues ne lui eussent pas permis de se préparer à remplir dignement les importantes fonctions auxquelles il se trouvait appelé d'une manière si imprévue, il ne le voyait pas sans quelque inquiétude exposé à devoir lutter contre des exigences et des préventions contradictoires, qui, dans un pays voisin, avaient récemment fait surgir un conflit d'opinions dont la violence était de nature à troubler les consciences plus délicates et timorées. Mais ayant bientôt appris que le public, qui est presque toujours un assez bon juge, avait fort applaudi au choix que S. M. venait de faire, le marquis Alfieri de Sostegno se montra plus rassuré et plus flatté de la marque de haute confiance que le roi avait donnée à son fils. A l'approche de l'hiver la maladie prit un caractère trèsgrave. La faculté redoubla, pour ainsi dire, tous ses efforts, mais inutilement, pour prolonger encore une existence si précieuse. Le malade reçut tous les secours de la religion avec cette foi si vive qu'il avait constamment professée dans sa longue carrière et avec la plus édifiante résignation. Il conserva toutes ses facultés intellectuelles jusqu'aux derniers instants de sa vie, et le 8 décembre il expira entouré de sa famille qui lui avait toujours prodigué les soins les plus affectueux et qu'il laissa dans la plus grande désolation. Il emporta les regrets de tous ceux qui l'avaient connu. Sa dépouille mortelle fut transportée à Saint-Martin et placée dans un caveau de la belle église qu'il y avait fait construire.

Z.

SOTION ou SOCION est le nom de plusieurs personnages anciens qui

ont eu une certaine célébrité. Nous ne nous occuperons que des trois suivants: SOTION d'Alexandrie, dit l'Ainé, philosophe, florissait sous le règne de Ptolémée VI Philométor, vers l'an 170 avant J.-C. Comme il ne nous reste de lui aucun ouvrage philosophique, on ne sait à quelle secte il appartenait. Le premier il a écrit en grec une sorte d'histoire de ses prédécesseurs, sous le titre de Succession des philosophes. Ce recueil biographique et littéraire, qui n'est point parvenu jusqu'à nous, est souvent cité par Diogène-Laërce, auquel, dit Schoell, il paraît avoir servi de modèle. Il fallait que l'ouvrage fût considérable, puisque Héraclide, fils de Sérapion, crut devoir en donner un abrégé (1). Sotion écrivit aussi un traité, également perdu, intitulé : Des silles de Timon, dans lequel il commentait ces poésies satiriques, et cherchait sans doute à venger les philosophes des épigrammes lancées contre eux par le malin sillographe de Phlionte (voy. TIMON, XLVI, 86).

SOTION d'Alexandrie, dit le Jeune, philosophe pythagoricien, a vécu sous Auguste et Tibère. Il tenait à Rome une école que Sénèque fréquenta dans sa jeunesse, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même dans sa 49e lettre à Lucilius. Dans la 108, il raconte comment Sotion lui expliqua la doctrine de Pythagore et le détermina à s'abstenir de la chair des animaux, régime qu'il suivit pendant plus d'une année, et dont il se trouva bien tant pour la santé du corps que pour celle de l'âme. Il n'y renonça qu'à la prière de son père et pour des raisons qu'on peut voir dans la

(1) Diogène-Laerce cite aussi plusieurs fois cet abrégé, notamment dans la vie de Pythagore et dans celle d'Epicure.

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:

lettre même. L'inappréciable collection d'extraits ou de fragments d'auteurs anciens, formée par Stobée pour servir à l'instruction de son fils, en contient un certain nombre mis sous le nom de Sotion, sans aucune autre désignation. Quelquesuns sont tirés d'un traité qui avait pour titre De la colère. On attribue généralement ce traité au maître de Sénèque (le disciple, comme on sait, a composé trois livres sur le même sujet). Quant aux autres fragments, on ne peut dire s'ils sont de notre pythagoricien, ou du Sotion son compatriote et son aîné mentionné précédemment, ou enfin d'un troisième SOTION, dont il va être question. A l'art. Chardon de la Rochette (LX, 453), on a vu que la partie inédite des Mélanges de ce célèbre philologue renferme une notice sur l'un des Sotion: c'est précisément celui dont nous avons encore à parler. Voici ce que M. Bréghot du Lut dit de cette notice: «Tout ce que les « anciens nous ont appris de celui des auteurs de ce nom qui vivait • sous Tibère et qui fut un des his⚫toriens d'Alexandre s'y trouve réuni, et y est suivi du texte et de la traduction française des frag«ments qui nous restent de son ouvrage, Des faits incroyables sur les fleuves, les fontaines et les lacs, « le tout accompagné, suivant l'usage de notre habile helléniste, d'une foule d'annotations curieuses et « savantes. » ( Mélanges biogr. et litter., p. 312.) Si cette intéressante notice avait été publiée, nous n'aurions qu'à en faire ici l'analyse; mais comme elle n'a pas vu le jour, nous nous bornerons à répéter ce que dit Schoell, en y ajoutant les quelques particularités que nous avons pu découvrir, Le Sotion dont il s'agit était

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un philosophe péripatéticien qui vivait effectivement sous Tibère, mais un peu postérieurement au pythagoricien. On ignore quelle était sa patrie, et l'on n'a point de détails sur les événements qui ont pu marquer sa carrière. Plutarque le cite dans la Vie d'Alexandre, à l'occasion d'un chien favori que perdit ce conquérant, et en l'honneur duquel il fit, dit-on, bâtir une ville. S'il n'y a que cette raison pour mettre Sotion au nombre des historiens du grand roi, il faut avouer qu'elle n'est pas trèsconcluante. Cassianus Bassus cite aussi, dans ses Géoponiques, un écrivain du nom de Sotion, et il donne quelques passages de ses écrits. Ils proviennent probablement de l'ouvrage sur les phénomènes extraordinaires des fleuves, etc., signalé cidessus. C'est probablement encore à cet ouvrage que Théophylacte Simocatta fait allusion, en nommant Sotion parmi les savants et les naturalistes dont il avait compulsé les écrits pour la composition de son Dialogue, contenant divers problèmes de physique avec leurs solutions (voy. THÉOPHYLACTE, XLV, 348)(2). Sous le n° CLXXXIX de sa Bibliothèque, Photius dit quelques mots de l'ouvrage de Sotion, qu'il avait lu tout entier, mais que le temps a détruit en grande

(2) Depuis l'impression de cet art. (en 1826), M. J.-F. Boissonnade a donné une bonne édition critique du Dialogue ou Questions physiques et des Lettres de Théophylacte, avec la version latine de Kimedoncius, et un grand nombre de notes (Paris, Mercklein, 1835, in-80). A la fin de sa préface, le savant helléniste avertit ses lecteurs qu'il existe une traduction française du Dialogue, par Frédéric Morel, etc. M. Brunet la mentionne comme assez rare, Manuel. C'est un petit in-80 de 47 pages, au mot THEOPHYLACTUS, dern. édit. du imprimé à Paris, en 1603, par Morel fui

même.

partie. Ce qu'il en a épargné a été publié, par Henri Estienne, à la suite du volume intitulé: Aristotelis et Theophrasti scripta quædam, græce, quæ vel nunquam antea, vel minus emendata quam nunc, edita fuerunt, Paris, 1557, in-8°, et par Fréd. Sylburg, dans son édition des OEuvres d'Aristote. Scholl croit que Sotion est encore auteur de la Corne d'Amalthée, espèce de recueil d'histoires variées, dont on doit vivement regretter la perte. Il devait être fort curieux, à en juger par la piquante anecdote sur Laïs et Démosthènes qu'Aulu-Gelle y a puisée (Noct. attic., lib. I, cap. VIII). - Dans son petit traité de l'Amour fraternel, Piutarque a écrit ces lignes: Entre les philosophes modernes, Apollonius le péripatéticien a montré la fausseté de cette opinion, que la gloire ne souffrait point de partage, car il éleva la réputation de son jeune fière Sotion au dessus de la sienne. » Ce jeune frère d'Apollonius est-il le même que le Sotion qui termine notre article?

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B-L-U.

SOTOMAYOR (LOUIS DE), peintre, naquit à Valence, en 1635, et fut élève du célèbre peintre de batailles Étienne March. Rebuté par les caprices et la dureté de son maître, il se vit contraint de l'abandonner, se rendit à Madrid, et entra dans l'école de Jean Carreno. Après avoir su mettre à profit les leçons de son nouveau maître, il revint à Valence et exécuta un grand nombre d'ouvrages, tous remarquables par la pureté du goût, la beauté de la couleur, et surtout par le talent de la composition. I avait choisi pour censeur des ouvrages votifs qui lui étaient commandés don Étienne de Espadana, membre de l'inquisition de Valence,

amateur des arts qu'il cultivait luimême avec succès, et qui, par son influence et son exemple, soutenait l'académie de dessin établie dans cette ville. Parmi les tableaux qui contribuèrent à la réputation de Sotomayor dans sa patrie, on cite le Saint Augustin au milieu de laVierge et de Jésus-Christ, qu'il fit pour le couvent des Augustines de SaintChristophe, ainsi que les deux grands tableaux représentant la Découverte d'une sainte Vierge, qu'il exécuta pour les Carmes chaussés. Il revint de nouveau à Madrid, et y mourut en 1673, à l'âge de 38 ans, regretté de tous les professeurs qui voyaient s'éteindre en lui les espérances qu'il donnait de devenir un des plus habiles peintres de l'Espagne.

P-s. SOUBEIRAN-Saint-Prix (HecTOR), conventionnel, était homme de loi à Saint-Peray quand la révolution commença. Il en adopta les principes avec beaucoup de calme et fut nommé en 1790 l'un des administrateurs du département de l'Ardèche, puis l'année suivante député à l'Assemblée législative où il se fit peu remarquer, et à la Convention nationale où il vota la mort de Louis XVI, mais avec sursis à l'exécution jusqu'à l'expulsion de tous les Bourbons. Il avait auparavant voté l'appel au peuple, ce qui n'a pas empêché qu'il n'ait été compris, en 1816, au nombre des régicides. Ce terrible procès avait cependant commencé de lui ouvrir les yeux, et il s'était séparé dès-lors de la faction de la Montagne. Proscrit par la révolution du 31 mai 1793, à laquelle il s'était opposé, il fut un des soixantetreize députés que l'on mit en arrestation et qui ne furent rendus à leurs fonctions qu'après la chute de Robespierre. Il devint par le sort

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