la. Le pauvre garçon n'en peut plus, & cet abcès le pourroit étouffer. Attend, voyez comme il étoit meur. Ah! Coquin que vous étes... S GANARELLE. Ma foi, Monfieur, je voulois voir fi votre cuisinier n'avoit point mis trop de fel, ou trop de poivre. D. JUA N. Allons, mets-toi là, & mange. J'ai affaire de toi, quand j'aurai foupé. Tu as faim, à ce que je vois. SGANARELLE fe mettant à table. Je le crois bien, Monfieur, je n'ai point mangé depuis ce matin. Tâtez de cela, voilà qui est le meilleur du monde. (à Ragotin qui à mesure que Sganarelle met quelque chofe fur fon affiette, la lui ôte, dès que Sganarelle tourne là téte.) Mon affiette, mon affiette. Tout doux, s'il vous plaît. Vertubleu, petit compere, que vous étes habile à donner des affiettes nettes. Et vous, petit la Violette, que vous favez préfenter à boire à propos! (Pendant que la Violette donne à boire à Sganarelle, Ragotin ôte encore son assiette.) D. JUA N. Qui peut frapper de cette forte? SGANARELLE. Qui, diable, nous vient troubler dans notre repas? D. JUAN. Je veux fouper en repos au moins, & qu'on ne laiffe entrer perfonne. SGANARELLE.. Laiffez-moi faire, je m'y en vais moi-même. SGANARELLE. (baiffant la tête comme la ftatue. ) Le... qui eft là. D. JUA N. Allons voir, & montrons que rien ne me fauroit ébranler. SGANARELLE. SCENE XII. D. JUAN,LA STATUE du Commandeur, SGANARELLE, LA VIOLETTE, RAGOTIN. D. JUAN à fes gens. U Ne chaife & un couvert. Vite donc. (Dom Juan & la statue se mettent à table. ) à Sganarelle.) Allons; mets-toi à table. S GANAR ELLE. Monfieur, je n'ai plus de faim. Mets-toi là, te dis-je. A boire. A la fanté du Commandeur. Je te la porte, Sganarelle. Qu'on lui donne du vin. SGANARELLE. Monfieur, je n'ai pas foif. D. JUAN. Bois, & chante ta chanson, pour régaler le Commandeur. SGANARELLE. Je fuis enrhumé, Monfieur. D. JUA N. (à fes gens.) Il n'importe. Allons. Vous autres ? venez " accompagnez fa voix. LA LA STATUE. Dom Juan, c'eft affez. Je vous invite à venir demain Oui. J'irai accompagné du feul Sganarelle. Je vous rens graces, il eft demain jeûne pour moi. Prens ce flambeau. LA STATUE. On n'a pas besoin de lumiére, quand on eft conduit par le ciel. Fin du quatrième ačte. ACTE V. PREMIERE. DOM LOUIS, DOM JUAN, SCENE SGANARELLE. D. LOUIS. Q Uoi! Mon fils, feroit-il poffible que la bonté du ciel eût exaucé mes vœux ? Ce que vous me dites, eft-il bien vrai ? Ne m'abufez-vous point d'un faux efpoir, & puis-je prendre quelque affurance fur la nouveauté furprenante d'une telle converfion ? D. JUA N. Oui, vous me voyez revenu de toutes mes erreurs • je ne fuis plus le même d'hier au foir ; & le ciel tout Tome III, Cc d'un coup a fait en moi un changement qui va furprendre tout le monde. Il a touché mon ame, & deffillé mes yeux; & je regarde avec horreur le long aveuglement où j'ai été, & les défordres criminels de la vie que j'ai menée. J'en repaffe dans mon efprit toutes les abominations, & m'étonne comme le ciel les a pû fouffrir fi long-temps, & n'a pas vingt fois, fur ma tête, laiffé tomber les coups de fa juftice redoutable. Je vois les graces que fa bonté m'a faites en ne me puniffant point de mes crimes; & je prétens en profiter comme je dois, faire éclater aux yeux du monde un foudain changement de vie, réparer par là le fcandale de mes actions paffées, & m'efforcer d'en obtenir du ciel une pleine rémiffion. C'eft à quoi je vais travailler ; & je vous prie, Monfieur de vouloir bien contribuer à ce deffein, & de m'aider vous-même à faire choix d'une perfònne qui me ferve de guide, & fous la conduite de qui je puisse marcher fûrement dans le chemin où je m'en vais entrer. D. LOUIS. Ah! Mon fils, que la tendreffe d'un pere eft aisément rappelée, & que les offenfes d'un fils s'évanouiffent vîte au moindre mot de repentir! Je ne me fouviens plus déja de tous les déplaifirs que vous m'avez donnés, & tout eft effacé par les paroles que vous venez de me faire entendre. Je ne me fens pas, je l'avoue; je jette des larmes de joie, tous mes vœux font fatisfaits, & je n'ai plus rien déformais à demander au ciel. Embraffez-moi, mon fils ; & per-. fiftez, je vous conjure, dans cette louable penfée. Pour moi, j'en vais tout de ce pas, porter l'heureuse nouvelle à votre mere, partager avec elle les doux tranfports du raviffement où je fuis, & rendre grace au ciel des faintes réfolutions qu'il a daigné vous. infpirer. SCENE II. DOM JUAN, SGANARELLE. SGANARELLE. j'attendois H! Monfieur, que j'ai de joie de vous voir con-& voilà, grace au ciel, tous mes fouhaits accomplis. D. JUA N. SGANARELLE. D. JUA N. Quoi! Tu prens pour de bon argent ce que je viens de dire, & tu crois que ma bouche étoit d'accord avec mon cœur ? La pefte, le benêt. Comment, le benêt ! .... S GANAR ELL E. ... Non, non, je ne fuis point changé, & mes fentimens font toujours les mêmes. S GANA RELL E. Vous ne vous rendez pas à la surprenante merveille de cette statue mouvante & parlante? D. JUA N. Il y a bien quelque chofe là-dedans que je ne comprens pas; mais, quoi que ce puiffe être, cela n'eft pas capable, ni de convaincre mon efprit, ni d'ébranler mon ame; & fi j'ai dit que je voulois corriger ma conduite, & me jetter dans un train de vie exemplaire, c'est un deffein que j'ai formé par pure politique, un ftratagême utile, une grimace néceffaire |