Images de page
PDF
ePub

4771. ROTHAN, CONSUL GÉNÉRAL À FRANCFORT, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Télégr. Déchiffrement. Mémoires et documents, Hollande, 150 (1).)

Francfort, 21 avril 1867, 9h 43 soir.

Les impressions de M. de Rothschild rapportées de Berlin (2) se sont sensiblement modifiées depuis ce matin. Il a reçu de Londres l'assurance que le Cabinet britannique s'entremettrait de la manière la plus instante en faveur de la paix, et il vient de me lire une lettre de Berlin en date d'hier disant que le Roi était positivement pacifique et qu'une dépêche rassurante "publiée par l'agence Wolf était sortie du Cabinet de Sa Majesté.

M. de Rothschild croit que, si les Puissances signataires proposaient collectivement le démantèlement de la place, les difficultés s'aplaniraient.

4772. ROTHAN, CONSUL GÉNÉRAL À FRANCFORT, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Prusse, Francfort, 1, no 46.)

Francfort, 21 avril 1867.

(Cabinet, 22 avril; Dir. pol., 23 avril.)

Les nouvelles arrivées aujourd'hui à Francfort à la fois de Berlin et de Paris ont un peu calmé les appréhensions si vives de ces derniers jours. On sent que des efforts sérieux sent tentés pour éviter à l'Europe une catastrophe dont les conséquences seraient incalculables; on commence à reconnaître que la question du Luxembourg n'a pas été soulevée par la France avec des arrièrepensées belliqueuses; on voit enfin, et je me suis pour ma part appliqué de toutes mes forces à faire partager cette conviction tout autour de moi, que ce sont les passions mauvaises qui se sont jetées à la traverse des négociations, cherchant, dans une pensée facile à deviner, à diviser deux Gouvernements qui ne s'étaient appliqués qu'à vouloir se donner un gage réciproque de leur esprit

(1) Un déchiffrement de ce télégramme a été inséré dans Prusse, Francfort, 1.

(2) Cf. Rothan, 18 avril, n° 43, et particulière, 19 avril.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

de conciliation. C'est un grand point d'en être arrivé à généraliser
cette conviction, et l'on peut espérer que le Cabinet de Berlin,
aujourd'hui que les agitations tendent à se calmer, fera au
maintien de la paix des concessions qui lui vaudraient la recon-
naissance de l'Allemagne. Si l'opinion publique a été un instant
surexcitée, c'est qu'elle a été surprise, et, sous la première impres-
sion, elle a protesté, partiellement du moins, contre la cession d'un
territoire qu'on s'appliquait à lui faire considérer comme terre
allemande; mais, revenue de cette première émotion, elle s'est
ralliée aux paroles si sages prononcées par M. de Bismarck au
sein du Parlement (1), et elle n'a plus protesté que contre l'éva-
cuation de la forteresse qu'elle jugeait nécessaire à la défense de
l'Allemagne. Aujourd'hui que les idées de modération se sont
accentuées de plus en plus, et qu'il est certain pour tout le monde
que la France n'est animée d'aucune pensée hostile, elle serait
heureuse, on peut le certifier, si, par un compromis n'entachant
pas la dignité militaire, on pouvait arriver à une solution équi-
table de la question. Il semble à tous les esprits réfléchis que, si
le Gouvernement français voulait consentir à renoncer à la cession,
en admettant qu'elle ait été faite, et s'il ne s'opposait pas à ce
que la forteresse fùt démantelée après la sortie de la garnison
prussienne, la paix de l'Europe ne serait plus sérieusement en
question. La lutte que M. de Bismarck a engagée, d'après ce qui
se dit, avec la fraction la plus ardenle du parti militaire, indique
que cet homme d'État a compris la responsabilité qu'il assumerait
sur lui si, en cette occasion solennelle, il ne répondait pas à
l'attente générale. Sa tâche difficile, on n'en saurait disconvenir,
lui serait singulièrement facilitée si les grandes Puissances,
dans leur impartialité, voulaient appuyer avec tout l'intérêt
qu'elles ont à la conservation de la paix des propositions admis-
sibles pour les deux pays. On se flatte que, au retour de la .
campagne où il se trouve en ce moment (2), M. de Bismarck, se
rappelant les obligations morales qu'il a contractées envers la
France, reprendra énergiquement en main les négociations, et

(1) Cf. Benedetti, 1er avril, n° 65.

(2) Bismarck avait quitté Berlin le 18 avril pour se rendre en Pomeranie, où il acheta le domaine de Varzin le 23 avril. Il en revint le 24. (HORST KOHL

[blocks in formation]

qu'il saura les faire aboutir dans le sens de la conciliation. On remarque du reste en Allemagne la tenue si réservée depuis quelques jours de la presse française, et je constate aussi pour ma part, avec satisfaction, le langage plus modéré des organes prussiens. Je ne cesse pas d'ailleurs d'entretenir avec les Autorités prussiennes les rapports les plus courtois.

4773. ROTHAN, CONSUL GÉNÉRAL À FRANCFORT, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Confidentielle. Déchiffrement. Prusse, Francfort, 1.)

Francfort, 21 avril 1867.

Je n'ai jamais dit que la Prusse voulait la guerre à tout prix (1). Mais je n'ai cessé de vous démontrer qu'elle y était préparée, et que, la tenant pour inévitable tôt ou tard, elle préférerait la faire aujourd'hui dans des conditions presque certaines de succès plutôt que de devoir de devoir la subir à notre heure. Elle prendrait l'offensive sans doute si, après l'insuccès des négociations, nous devions ui adresser une sommation d'évacuer.

La transaction proposée est acceptée d'avance par l'opinion publique en Allemagne. Le Cabinet de Berlin l'acceptera-t-il également? Notre Ambassadeur est seul à même de vous bien fixer à cet égard. M. de Rothschild, ne connaissant pas, à son départ de Berlin, le compromis, ne pouvait s'exprimer que d'une manière générale, et il l'a fait dans le sens de la négation. Tout dépendra de l'état de nos armements, de nos alliances, et du degré de pression des Puissances signataires.

Je reprendrai aujourd'hui mon entretien avec M. de Rothschild, mais je ne pense pas arriver à des informations plus complètes. Je vous écris en clair par la poste dans le sens voulu. Demain, vous recevrez une lettre particulière (2).

(1) Cf. Moustier à Rothan, télégramme, 20 avril. (2) Celle-ci ne nous a pas été conservée.

4774. LE PRINCE DE LA TOUR D'AUVERGNE, AMBASSADEUR À LONDRES, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Télégr. Déchiffrement. Angleterre, 740.)

Londres, 21 avril 1867, 6" 25 soir.

Le Prince Gortchakoff télégraphie au Baron de Brunnow que la France ne réclame aucun avantage pour elle même, et qu'il ne désespère pas que, moyennant la neutralisation du Luxembourg garantie par les Puissances, la Prusse ne consente à l'évacuation de la forteresse. Il verra demain Lord Stanley, qui n'est pas à Londres aujourd'hui.

4775. LE PRINCE DE LA TOUR D'AUVERGNE, AMBASSADEUR À LONDRES, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Confidentielle. Orig. Angleterre, 74o, n° 87 (1).)

Londres, 21 avril 1867. (Cabinet, 23 avril; Dir. pol., 26 avril.)

Les deux télégrammes que Votre Excellence m'a fait l'honneur de m'adresser aujourd'hui me sont exactement parvenus.

M. l'Ambassadeur de Russie m'avait communiqué dans la matinée une dépêche télégraphique qu'il venait de recevoir de SaintPétersbourg, et dans laquelle le Prince Gortchakoff lui annonçait que la France considérait la question du Luxembourg comme une question européenne, qu'elle ne réclamait aucun avantage pour elle-même, et qu'il était permis d'espérer que la Prusse consentirait, moyennant la neutralisation du Luxembourg garantie par les Puissances, à évacuer la forteresse (2). M. le Baron de Brunnow pensait, lui aussi, que ce résultat pouvait être atteint si l'Angleterre et l'Autriche voulaient bien exercer, d'accord avec la Russie, une pression suffisante à Berlin. Je n'ai naturellement rien négligé pour confirmer mon Collègue dans cette conviction. Il doit voir demain Lord Stanley, qui se trouve absent de Londres aujourd'hui, et il me rendra compte ensuite de son entretien avec lui. Je verrai moi-même Lord Stanley demain.

(1) En tête, note à l'encre : «Copiée pour l'Empereur." (2) Cf. le télégramme précédent.

M. l'Ambassadeur d'Autriche avait été chargé de son côté, il y a quelques jours, de soumettre au Principal Secrétaire d'État de la Reine les deux combinaisons mises en avant par le Cabinet de Vienne (1); mais, la démarche du Comte Apponyi coïncidant avec la communication, que M. l'Ambassadeur de Prusse venait de faire au Principal Secrétaire d'État, d'une dépêche dans laquelle M. de Bismarck déclarait que la Prusse ne renoncerait sous aucune condition à l'occupation de la forteresse du Luxembourg (2), Lord Stanley avait fait remarquer au Comte Apponyi que, en présence d'une déclaration aussi formelle de la part de M. de Bismarck, il devenait inutile d'examiner les suggestions du Baron de Beust. J'ai lieu de croire que depuis lors M. l'Ambassadeur d'Autriche n'est plus intervenu dans cette affaire.

P.-S. Le langage du Comte de Bernstorff continue, m'assure-t-on, à être peu conciliant.

4776. LE VICOMTE DES MÉLOIZES, MINISTRE À MUNICH, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Bavière, 242, no 34.)

Munich, 21 avril 1867.

(Cabinet, 24 avril; Dir. pol., 25 avril.)

La nouvelle que j'ai eu l'honneur de transmettre hier soir à Votre Excellence, concernant l'accession de la Bavière à la Fédération du Nord (3), était présentée aujourd'hui par plusieurs journaux, et notamment par la Gazette d'Augsbourg, comme un fait accompli. Elle a produit une vive émotion. Jusqu'ici le Cabinet de Berlin n'avait envisagé l'accession des États du Sud que comme une éventualité qu'il n'avait point intérêt à précipiter. Un changement aussi complet dans la politique prussienne n'aurait pu s'expliquer que par une profonde modification de la situation,

(1) Cf. Moustier à Benedetti, télégramme, 18 avril. Tout le corps de la dépêche, jusqu'ici, et avec quelques remaniements, a été publié dans les Doc. diplom., 1867, Affaire du Luxembourg, p. 42-43, et dans les Arch. diplom., 1867, t. II, p. 838-839.

(2) Cf. La Tour d'Auvergne, 17 avril.

(3) Cf. des Méloizes, télégramme, 20 avril.

« PrécédentContinuer »