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guerre entre la France et l'Allemagne. J'ai fait remarquer à Sa Majesté que, pour ce qui nous concernait, nous ne souhaitions pas la guerre, et que nous étions prêts à faire, pour l'éviter, tous les sacrifices que l'on pouvait raisonnablement exiger de nous; mais que la question était entièrement entre les mains de M. de Bismarck, qui ne paraissait malheureusement pas animé de dispositions aussi conciliantes. «Je sais tout ce qui s'est passé, a repris la Reine. M. de Bismarck, bien qu'il le nie aujourd'hui, vous a lui-même encouragés à réclamer le Luxembourg. Je sais aussi que l'Empereur se borne à demander l'évacuation de la forteresse par les troupes prussiennes, et j'ai écrit hier au Roi de Prusse pour lui dire toute ma pensée à cet égard, en le priant, dans l'intérêt de la paix, de renoncer à ses prétentions."

La Reine m'ayant demandé si j'étais satisfait de Lord Stanley, je lui répondis que j'avais beaucoup d'estime pour le caractère de Lord Stanley, que j'étais plein de confiance dans sa loyauté; et j'ajoutai en souriant que, pour stimuler son zèle, je lui répétais chaque jour que j'étais convaincu qu'il dépendait absolument de lui d'empêcher la guerre, qu'il suffisait pour cela que l'Angleterre parlât un peu haut à Berlin. La Reine s'empressa de dire que j'avais raison, qu'il fallait faire peur à M. de Bismarck, et que, si toutes les Puissances s'entendaient pour lui déclarer qu'il avait tort, il céderait probablement. Puis Sa Majesté s'étendit sur les complications que ne manquerait pas d'amener en Orient une guerre entre la France et l'Allemagne (1), en exprimant une fois de plus l'espoir que les efforts de son Gouvernement réussiraient à prévenir une aussi déplorable calamité. La Reine d'ailleurs, se rappelant le langage que l'on tenait à Berlin, l'an dernier, au moment de la guerre contre l'Autriche, m'a semblé s'inquiéter un peu de voir M. de Bismarck parler toujours des préparatifs militaires qui se font en France. Cela devait donner à penser, et pouvait même jusqu'à un certain point faire suspecter les intentions du Ministre prussien. En résumé, Monsieur le Marquis, la Reine est loin de se montrer très rassurée à l'endroit du maintien de la paix; mais ses appréciations, en ce qui nous touche, sont équitables et même bienveillantes. C'est un résultat qui est dû en

(1) Cf. la dépêche précédente.

grande partie, je ne saurais en douter, à l'influence de Lord Stanley, qui tient chaque jour Sa Majesté exactement au courant de la situation et des démarches qu'elle comporte. Je me propose d'en remercier le Principal Secrétaire d'État dans la visite que je compte lui rendre aujourd'hui.

4812. LE MARQUIS DE CHATEAURENARD, MINISTRE À STUTTGART, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Wurtemberg, 87, n° 21 (1).)

Stuttgart, 24 avril 1867.

(Cabinet, 25 avril 1867; Dir. pol., 8 février 1868.)

M. de Varnbüler est de retour depuis lundi soir de ses diverses excursions (2). Je l'ai vu hier, et il m'a dit s'être rencontré à Heidelberg avec le Baron Charles de Rothschild, qui arrive de Berlin et qui en rapporte l'impression que les dispositions du Roi et des Princes sont réellement pacifiques (3). Tout ce que m'a raconté M. de Rothschild, a continué le Ministre, confirme ce que je savais là dessus et ce que je vous en ai dit. De mon côté, je n'ai pas laissé ignorer à Berlin que les esprits n'étaient point, en Wurtemberg, aussi exaltés qu'on aurait pu le croire d'après le ton de nos journaux. Il ne convient pas au Ministre d'un Etat très secondaire de se mettre en avant quand il s'agit d'intérêts qui ne sont pas particuliers à son pays, et je me garderai bien de faire des propositions sur les moyens de résoudre les difficultés soulevées par la question du Luxembourg'; si M. de Bismarck me demandait mon avis sur telle ou telle solution, je le donnerais sans hésiter, mais j'ai cru pouvoir écrire à Berlin que, si le devoir des Gouvernements était de se montrer jaloux de l'honneur national, leur devoir était aussi de savoir résister aux exigences de l'opinion publique et de ne pas céder aveuglément devant elles." A l'appui de ces paroles, le Ministre m'a donné lecture d'un extrait de sa dernière dépêche à M. de Spitzemberg, où se trouve exprimée littéralement la pensée que je viens de rapporter.

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J'ai demandé à M. de Varnbüler ce qu'il savait de la mission du Comte Tauffkirchen à Berlin et à Vienne (1), et j'ai cru m'apercevoir qu'elle avait été pour lui une surprise. Il s'est d'ailleurs empressé de me répondre qu'il n'avait pas cru un seul instant à la nouvelle que la Bavière avait été offrir à Berlin d'entrer dans la Confédération du Nord. Le Ministre wurtembergeois admet bien que M. de Tauffkirchen a pu et dû causer à Berlin de cette éventualité comme de toutes les autres questions qui intéressent la situation de la Bavière, mais il dit que, lors de son dernier voyage à Munich, il a été convenu entre le Prince de Hohenlohe et lui que les deux États chercheraient à établir une entente entre eux sur ce point (2), comme sur celui de la reconstitution du Zollverein et sur tous les arrangements à prendre avec l'Allemagne du Nord, soit pour le système monétaire, soit pour la législation en matière de faillite, soit pour les télégraphes, etc. Suivant M. de Varnbüler, aucun des deux États ne doit faire à Berlin de démarche isolée, et, si le Prince de Hohenlohe avait changé d'opinion à cet égard dans ces derniers jours, il en aurait au moins prévenu le Wurtemberg. La mission de M. de Tauffkirchen peut d'ailleurs s'expliquer par le besoin de suppléer à l'insuffisance du Représentant bavarois à la Cour de Berlin, et par le désir de s'éclairer sur les dispositions réelles de la Prusse dans la question qui domine toutes les autres. Le Ministre des Affaires étrangères m'a répété ce qu'il m'avait déjà dit au sujet de l'entrée des États du Sud dans la Confédération du Nord, c'est-à-dire que cet acte ne devait être que la conséquence des autres arrangements, et que ce programme était celui de la Bavière comme celui du Wurtemberg. Il a insisté sur la conviction où il était que, à moins que tout n'eût changé de fond en comble à Munich depuis trois semaines, le Prince de Hohenlohe n'agirait que de concert avec lui dans ces questions. M. de Varnbüler a ajouté enfin que le Gouvernement prussien n'avait jusqu'à ce jour fait entendre à Stuttgart, soit directement, soit indirectement, aucune parole, aucun mot qui pût ressem

(1) Cf. p. 52, note 2, et p. 105, note 2.

(2) Cf. HOHENLOHE, Mémoires (t. I, p. 288-289). Hohenlohe y publie un rapport qu'il avait présenté au Roi le 31 mars, après son entrevue avec Varnbüler.

13.

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bler à une invitation, à un encouragement d'entamer des négociations pour l'entrée dans la Confédération. Il prétend même que celle de la Hesse-Darmstadt est tout au moins différée, et qu'un refus a été opposé au désir manifesté par le Grand-Duché de Bade.

Je ne suis pas en mesure, Monsieur le Ministre, de contrôler sur ce point les assertions du Ministre wurtembergeois; mais, si le Cabinet de Berlin ne demande pas au Wurtemberg son adhésion à la Confédération du Nord, il me paraît certain qu'en revanche il a commencé d'exercer à Stuttgart une pression au sujet des armements. J'ai déjà annoncé à Votre Excellence l'adoption qui a été faite d'un nouveau fusil (1): une commande de 30,000 de ces armes a été, m'assure-t-on, faite immédiatement dans les fabriques du Wurtemberg, et tout semble indiquer que l'on va se mettre ici sérieusement à l'œuvre de la réorganisation militaire.

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4818. LE MARQUIS DE MOUSTIER À BENEDETTI, AMBASSADEUR À BERLIN. (Télégr. Minute à chiffrer. Mémoires et documents, Hollande, 150.)

Paris, 25 avril 1867. (Expédié à midi 1/2.)

Le public se préoccupe au plus haut degré des articles des journaux semi-officiels de Berlin qui, dit-on, déclarent chaque jour que la Prusse n'évacuera pas le Luxembourg, malgré les conseils des Puissances (2). Le Comte de Goltz déplore qu'on leur laisse tenir ce langage, dont, suivant lui, on ne doit rien inférer. Il est venu me voir hier, et assure que les sentiments du Roi sont des plus pacifiques. Nous attendons avec beaucoup d'impatience la réponse que M. de Bismarck a dû faire aux communications de Lord Loftus (3). La Reine Victoria a écrit au Roi une lettre autographe très pressante (4). Le Cabinet de Pétersbourg nous té

(1) Châteaurenard l'avait annoncé en effet dans le post-scriptum d'une dépêche du 19 avril. (Wurtemberg, 87.)

(2) Cf. Benedetti, 22 avril, n° 100; 24 avril, no 104.

(3) Cf. Benedetti, 24 avril, n° 105.

(Cf. La Tour d'Auvergne, télégramme et particulière, 24 avril.

moigne en ce moment beaucoup de cordialité, et M. de Budberg, qui voit beaucoup le Comte de Goltz, assure avec un air convaincu que la question finira par s'arranger. Le Comte de Goltz est parfaitement assuré, aujourd'hui, que vous ne boudez nullement M. de Bismarck.

4814. BENEDETTI, AMBASSADEUR À BERLIN, AU MARQUIS DE MOUStier. (Télégr. Déchiffrement. Mémoires et documents, Hollande, 150 (1)).

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Le Roi de Belgique, que je dois voir dans l'après-midi, ayant appris qu'on pourrait s'occuper du Luxembourg au Corps législatif, m'envoie M. Devaux (2) pour me dire qu'il trouve ici des dispositions que l'on doit pouvoir concilier avec celles qui lui ont été témoignées par l'Empereur à Paris.

M. de Bismarck est revenu hier soir.

4815. LE MARQUIS DE MOUSTIER AUX AGENTS DIPLOMATIQUES DE L'EMPEREUR À LONDRES, SAINT-PÉTERSBOURG, BERLIN ET VIENNE. (Télégr. Minute à chiffrer. Mémoires et documents, Hollande, 150 (3).)

Paris, 25 avril 1867. (Expédié à 6 h. 1/4 soir.)

Le Prince de Metternich m'annonce que son Gouvernement vient d'adresser à ses Représentants à Londres, à Pétersbourg et à Berlin une note tendant à combiner les efforts que les trois Puissances font dans cette dernière ville pour préparer un arrangement de l'affaire du Luxembourg. La question de principe y est posée, et le droit de la Prusse de maintenir, sans le consentement exprès du légitime propriétaire, une garnison dans un pays

(1) Un duplicata a été inséré dans Prusse, 363.
(2) Chef du cabinet du roi Léopold II.
(3) Un duplicata a été inséré dans Russie, 238.

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