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4:07. BenedetTI, AMBASSADEUR À Berlin, au MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Prusse, 363, no 88.)

Berlin, 16 avril 1867. (Cabinet, 18 avril; Dir. pol., 19 avril.)

[La majorité de la Diète est revenue sur ses décisions relatives à l'indemnité pour les Députés. Si elle les avait maintenues, le Gouvernement comptait procéder tout simplement à la dissolution du Reichstag et gouverner la Confédération du Nord sans Représentation nationale, en se réservant de convoquer un nouveau Parlement allemand chargé d'opérer la fusion définitive avec les États du Sud ".

Un symptôme encourageant pour le Cabinet de Berlin est. la convention militaire conclue entre le Grand-Duché de Hesse et la Prusse (1). Les journaux du matin en indiquent le contenu d'après la Mainzeitung.]

Tous les Gouvernements des États du Sud seraient, d'après ce qu'assurent les journaux, pressés en ce moment par la Prusse de mettre le plus tôt possible à exécution les principes qu'ils ont arrêtés dans la conférence de Stuttgart pour leur réorganisation militaire (2). La Gazette de Cologne publie, relativement aux traités d'alliance offensive et défensive conclus entre la Prusse et les États du Midi au mois d'août, les renseignements suivants : «Jusqu'à la dernière guerre, les Gouvernements du Sud étaient persuadés que la plus grande force militaire de l'Allemagne était dans les mains de l'Autriche... (3) Guéris de leur erreur par les événements, ils comprirent qu'il fallait abandonner l'Autriche et se lier fortement à la Prusse. Quant à se rapprocher de la France, ils n'y pensèrent même pas. La Prusse, elle, avait d'abord songé à se faire très forte, et à s'emparer, dans cette vue, de la Haute Hesse et des territoires bavarois situés sur la rive droite du Mein, quitte à obliger les quatre États du Sud à se dédommager les uns les autres. C'est alors que, pour échapper à ce désastre, les États du Midi proposèrent à la Prusse une alliance offensive et défensive.

(1) Voir la dépêche précédente.

(2) Cf. t. XIV, p. 241, note 1, et Benedetti, 13 avril, no 86. (3) Les points de suspension sont dans le texte.

Le Comte de Bismarck, après avoir douté de leur bonne foi et hésité, finit par accepter. Ce n'est donc pas la menace de la demande de compensations faite par la France qui a amené la conclusion des traités d'alliance, mais simplement la modération et le désintéressement de la Prusse, secondant l'établissement d'une étroite solidarité entre tous les membres de la famille germanique. »

L'attitude éventuelle de l'Autriche occupe toujours l'esprit public. D'après une correspondance adressée de Vienne à la Gazette de Cologne et analysée ce matin par le Publiciste, l'Autriche, en gardant sa liberté d'action, se réserverait de se joindre au moment décisif à la Puissance qui pourrait être la plus favorable à ses intérêts. «Sa position actuelle est analogue à celle qu'elle avait prise en 1813, avant les batailles de Lutzen et de Bautzen. Du reste, toute alliance entre l'Autriche et la Prusse devrait reposer sur une satisfaction réciproque des intérêts de l'une comme de l'autre Puissance, et non pas sur les prémisses de la situation qui est sortie des récentes défaites de l'Autriche. Elle devrait, dans une certaine mesure, obtenir restitutio in integrum, autrement dit une révision du traité de Prague, qui changerait sa position vis-à-vis des États du Sud.»

Dans son bulletin, le Publiciste est assez pacifique, en ce qui concerne le Luxembourg: il dit que l'affaire est entrée dans une .phase conciliante et a des chances de se résoudre par la neutralisation du Grand-Duché sous le sceptre du Prince Henri des PaysBas, la Prusse conservant d'ailleurs toujours son droit de garnison. Quant aux nouvelles qui arrivent de France sur les armements qu'on y prépare, ce journal déclare que chacun devrait savoir que, la situation militaire actuelle de la France étant très audessous de ce qu'exige la science militaire actuelle, il est naturel que Napoléon s'occupe en ce moment avec zèle des transformations indispensables".

D'autres journaux manifestent moins de confiance: la Gazette du Peuple de ce matin relève diverses nouvelles données par des feuilles françaises, la France centrale, l'Observateur d'Avesnes, sur des mouvements de troupes.

En France, dit la Volks-Zeitung, on déclare qu'on se contenterait pour le moment de la neutralisation du Luxembourg, dans

le cas où la forteresse serait évacuée par la Prusse... (1) Nous ne croyons pas que cette exigence puisse être acceptée : quel que soit l'amour de la Prusse pour la paix, l'évacuation de Luxembourg est une de ces conditions qu'il lui serait impossible de remplir. Du reste, la Prusse n'a aucune raison de provoquer une guerre avec la France, aussi longtemps qu'elle pourra l'éviter. Mais, du moment où notre Gouvernement aurait la certitude que la France veut, malgré tout, posséder le Grand-Duché de Luxembourg, ou même simplement éloigner de la forteresse la garnison prussienne, ce serait son devoir de ne pas laisser à la France le moyen de choisir le moment où elle pourra donner suite à ses vues.

« On voit que les chances de la paix, quoique réputées partout vraisemblables, sont pourtant très faibles; mais, pour le moment, la France a besoin de traîner les choses en longueur, car elle a besoin de six ou huit semaines pour concentrer sur sa frontière de l'Est quatre à cinq cent mille hommes, tandis que la Prusse, d'après tout ce qu'on dit, serait déjà en état de prendre l'offensive et de marcher sur la France."

La Gazette de la Croix dément le bruit qui a couru ici de l'offre que l'Espagne aurait faite au Cabinet de Berlin de s'unir à la Prusse, dans le cas d'une guerre avec la France.

4708. BENEDETTI, Ambassadeur à Berlin, au Marquis de Moustier. (Très confidentielle.. Déchiffrement. Prusse, 363, no 89(2)).

Berlin, 16 avril 1867.

(Cabinet, 18 avril; Dir. pol., 13 mai.)

M. de Bismarck a reçu le fils du Ministre des États-Unis (3), qui est souffrant et ne peut s'occuper d'affaires. L'entrevue du Président du Conseil avec ce jeune homme, attaché à la Légation de son père en qualité de secrétaire, a été longue et confidentielle. Les personnes qui cherchent à en connaître l'objet supposent qu'on pourrait s'y être occupé éventuellement d'une cession de

(1) Les points de suspension sont dans le texte.

(2) En tête, note à l'encre : «Copiée pour l'Empereur.» (3) Joseph A. Wright.

bâtiments cuirassés que les États-Unis feraient à la Prusse. L'Ambassadeur d'Angleterre incline à croire que cette conjecture n'est pas dénuée de fondement, et il aurait, m'a-t-il dit, des raisons. pour partager cet avis. Je ne sais s'il me sera possible de recueillir des informations plus précises à ce sujet, mais je ne crois pas moins urgent d'appeler votre attention sur ce bruit, que vous pourrez peut-être faire contrôler à Washington.

Lord Loftus a vu M. de Bismarck il y a peu de jours; il l'a trouvé préoccupé, mais calme. Il lui a demandé si M. de Bernstorff avait été autorisé, comme il devait le croire, à faire entendre que la Prusse désirait la réunion d'une Conférence où l'on chercherait à régler l'affaire du Luxembourg. Le Président du Conseil lui a répondu qu'il n'avait pas adressé à l'Ambassadeur du Roi à Londres des instructions lui permettant de faire une suggestion de cette nature; il a ajouté que la Prusse ne pourrait prendre une telle initiative; que cependant, si la proposition lui était faite de se faire représenter dans une conférence, elle ne pourrait probablement pas la décliner. De ce que mon Collègue m'a raconté, je devrais conclure que M. de Bismarck lui a objecté ce qu'il se plaît à répéter, c'est-à-dire que le Luxembourg n'est qu'un prétexte de justifier la guerre que la France veut faire à l'Allemagne, et que la cession du Grand-Duché ne la rendrait que plus inévitable, attendu que tous les partis la veulent, et que l'Empereur sera nécessairement entraîné à l'entreprendre par ce sentiment qui pousse tous les Français à revendiquer en Europe une supériorité incontestée.

4709. LE COMTE DE COMMINGES-GUITAUD, MINISTRE À BRUXELLES, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Confidentielle. Orig. Belgique, 246, no 21 bis (1).)

Bruxelles, 16 avril 1867.
(Cabinet, 17 avril.)

M. Rogier, en s'entretenant hier avec moi des éventualités auxquelles la question du Luxembourg peut donner lieu, et tout

(1) En tête, note au crayon : «Copier pour l'Empereur (fait), pour Berlin, pour Pétersbourg. »

en formant des vœux pour le maintien de la paix, émettait l'idée que le meilleur moyen pour la conserver serait de déclarer la neutralité du Grand-Duché; puis, faisant allusion aux bruits répandus à Paris et à Bruxelles sur un traité qui aurait été conclu entre la Belgique et la Prusse, s'il y avait la guerre, m'a donné sa parole d'honneur qu'ils étaient dénués de tout fondement.

Je crois devoir rapporter à Votre Excellence les termes mêmes dans lesquels M. le Ministre des Affaires étrangères s'est exprimé à ce sujet : «Quand nous avons été informés de ces bruits, pour éviter jusqu'à l'ombre d'un soupçon, nous avons décidé que le Général Chazal n'irait pas à Berlin. C'est sur notre conseil que le Roi vient de se rendre à Paris. Tenez pour certain que le mariage du Comte de Flandre est une alliance toute personnelle, et qu'il n'en existe aucune entre le Gouvernement du Roi et celui de Berlin. Je dis plus: si même nous voulions faire un traité avec la Prusse, il serait impopulaire; la Belgique n'a pas oublié qu'elle doit tout à la France."

Il est certain que la réunion du Grand-Duché de Luxembourg à la Belgique comblerait les vœux de M. Rogier, et qu'il voudrait rendre la France favorable à ce projet. En attendant, l'Étoile, dans un article publié hier et que Votre Excellence trouvera ci-joint, cite tous les journaux qui suggèrent cette combinaison.

4710. LE MARQUIS DE MOUSTIER AU BARON DE MALARET, MINISTRE À FLORENCE. (Minute. Italie, 367, no 47.)

[Paris,] 17 avril 1867.

J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint copie d'un rapport que M. le Colonel Schmitz a adressé à M. le Ministre de la Guerre et qui vient de m'être communiqué par M. le Maréchal Niel (1). Ainsi que vous le verrez, notre Attaché militaire signale la prochaine arrivée à Florence de M. le Conseiller de Bernhardi, qui, investi, de la confiance du Comte de Bismarck, aurait fait en Italie toute la campagne de 1866. Je n'ai pas besoin d'insister sur

(1) Cf. Schmitz à Niel, 14 avril.

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