Images de page
PDF
ePub

Tornaco vient d'envoyer à la Légation de France un message du Gouvernement grand-ducal que Baudin joint à sa dépêche (1).

Le choix du Représentant du Luxembourg à la Conférence n'est pas encore arrêté.

Baudin résume ainsi les instructions qui lui seront vraisemblablement données :]

La neutralisation du Grand-Duché, sauf la ratification de l'Assemblée des États.

L'évacuation de la place de Luxembourg par les troupes prussiennes.

L'exemption du Grand-Duché de toute participation aux dépenses occasionnées par :

1o La démolition de la forteresse si elle a lieu (il paraît que les frais en seraient énormes);

2o Les indemnités auxquelles pourrait donner lieu la dépréciation d'immeubles causée par le retrait de la garnison;

3o L'entretien de la forteresse depuis la dissolution de l'ancienne Confédération germanique.

Le Grand-Duché demanderait de plus à être assuré de son maintien dans le Zollverein jusqu'à l'expiration du traité qui en lie les membres. M. de Bismarck a déjà fait savoir que la Prusse garantissait ce maintien.

En cas de rejet par la Conférence d'une des clauses qui précèdent, le Roi Grand-Duc consulterait le vœu de la population luxembourgeoise.

Telles sont, quant à présent, Monsieur le Marquis, les vues que le Gouvernement grand-ducal se proposerait de soumettre à la Conférence qui va s'assembler à Londres. Quand même elles seraient adoptées telles quelles, il me paraît douteux que la situation qui en résulterait donnât pleine satisfaction au Luxembourg, où les tendances vers l'annexion à la France se prononcent de plus en plus. Une pétition en ce sens, signée de presque toutes les notabilités du pays, a été dernièrement adressée au Roi, et

(1) Cf., ci-après, l'annexe. Les différentes notes et dépêches échangées entre le gouvernement anglais et le gouvernement des Pays-Bas, le 30 avril et le 1a mai, ont été publiées dans les Arch. diplom., 1867, t. II, p. 861, 863 et 873.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

je ne serais pas surpris si la Conférence, une fois réunie, était directement saisie de pétitions analogues.

[Si l'état de santé de M. de Bentinck, Ministre des Pays-Bas à Londres, ne lui permettait pas de les représenter à la Conférence, il est probable que M. de Zuylen s'y rendrait lui-même. En tout cas, il aurait l'intention de saisir la Conférence du règlement définitif de la question du Limbourg.]

[blocks in formation]

Le Roi Grand-Duc de Luxembourg ayant été informé du désir unanime des Puissances signataires du traité du 19 avril 1839 de délibérer sur la question du Luxembourg en vue d'assurer le maintien de la paix générale et de créer aux populations luxembourgeoises une situation conforme à leurs vœux, et après s'être concerté avec le Gouvernement britannique, qui a proposé le 7 mai prochain comme une date à laquelle les Représentants desdites Puissances pourraient se réunir en Conférence à Londres, a chargé le soussigné de soumettre cette proposition au Gouvernement de S. M. l'Empereur des Français.

En s'acquittant des ordres de S. M. le Roi Grand-Duc, le soussigné a l'honneur de prier Votre Excellence de bien vouloir prêter son entremise bienveillante, afin de porter à la connaissance du Cabinet des Tuileries la communication qui précède, et il saisit cette occasion pour vous offrir, etc.

(1) Cette note a été publiée dans les Doc. diplom., 1867, Affaire du Luxembourg, p. 55-56, et dans les Arch. diplom., 1867, t. II,

p.

871.

[ocr errors]

4917. BAUDIN, MINISTRE À LA HAYE, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Télégr. Mémoires et documents, Hollande, 150.)

La Haye, 1 mai 1867, 42 soir.

Le Baron Bentinck (1) étant mieux portant, M. de Zuylen n'ira pas à Londres (2).

4918. BAUDIN, MINISTRE À LA HAYE, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Pays-Bas, 666, n° 13(3).)

La Haye, 1
"mai 1867.
(Cabinet, 3 mai 1867.)

J'ai reçu les dépêches que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire jusqu'au no 5 et à la date du 12 avril, et je vous remercie des informations que vous avez bien voulu m'adresser.

La tournure pacifique des nouvelles de ces derniers jours, l'espoir, changé depuis hier en certitude, de la prochaine réunion à Londres d'une Conférence européenne, ont causé ici la satisfaction qu'il est naturel d'éprouver en présence d'un danger écarté, sinon définitivement conjuré. On avait considéré comme imminente la chance d'un conflit entre la France et la Prusse; et il faut reconnaître que si, ce qu'à Dieu ne plaise, cette éventualité venait à se réaliser, la situation de la Hollande serait très fâcheuse. Sa position géographique, qui fait d'elle, avec la Belgique, le seul rempart encore existant entre ces deux puissants rivaux, ne lui permettrait pas de conserver la neutralité qui aurait toutes ses préférences. On cherche parfois à se faire illusion à cet égard; mais, au fond, on sent bien que la Néerlande ne saurait échapper aux malheurs de la guerre, qui ne respecterait pas son territoire. A supposer que la France admît cette neutralité, la Prusse de M. le Comte de Bismarck n'aurait certainement pas la même modération, et l'exemple si récent

(1) Ministre des Pays-Bas à Londres.

(2) Cf. Baudin, 1er mai, n° 12.

(3) En tête, note au crayon, de la main de Moustier : «Me représenter cette dépêche."

du Hanovre autorise à penser qu'elle traiterait en ennemi un voisin faible qui ne se déclarerait pas tout d'abord pour elle et annoncerait l'intention de se tenir à l'écart du conflit. Si la Hollande se soumettait à la sommation à bref délai que ne manquerait pas de lui adresser le Cabinet de Berlin, et subissait l'alliance prussienne, c'en serait fait de son indépendance, quel que fût le résultat de la guerre. Dans cette hypothèse, si la France avait le dessus, il n'y a pas lieu de croire que, à l'heure de la paix, elle s'intéressât très chaudement au sort d'une nation qu'elle aurait trouvée à côté de ses adversaires; si au contraire l'avantage était à la Prusse, le Royaume des Pays-Bas resterait pris dans les liens militaires qu'il aurait contractés : son armée, sa marine ardemment convoitée, ne pourraient se soustraire au régime prussien; le Zollverein étendrait ses lignes de douane jusqu'à Amsterdam et Rotterdam; et, de ce vasselage à peine déguisé à l'incorporation complète, le pas ne serait pas plus difficile à franchir qu'il ne l'a été de Berlin à Cassel et à Francfort. A supposer maintenant que la Hollande prît résolument parti pour la France, il peut arriver que le sort des batailles nous soit infidèle, et, dans ce cas, elle serait infailliblement traitée par la Prusse d'après ces lois de la guerre si nettement invoquées l'année dernière, conjointement avec la protection divine, par le Roi Guillaume Ier. Et si, comme nous devons en avoir la confiance, le Ciel favorisait encore une fois nos armes, la Hollande, qui ne souhaite rien pour elle-même que la paix, qui ne veut pas s'agrandir, même aux dépens de la Belgique, n'aurait à recueillir de notre victoire que des avantages pour ainsi dire négatifs : tout au plus aspirerait-elle discrètement à quelques rectifications de frontière vers l'Allemagne, au maximum à la possession de Clèves; et ces modestes acquisitions auraient été payées au prix du pays ravagé par la guerre, et d'une grande perturbation jetée dans des finances exactement équilibrées, mais auxquelles la paix est

nécessaire.

Voilà, si je ne me trompe, Monsieur le Marquis, comment on envisageait ces jours derniers la situation, et elle causait une inquiétude que le règlement même de la question luxembourgeoise ne suffirait pas à dissiper entièrement parce que, depuis la campagne de l'été dernier et les développements qu'ont pris

ses résultats en Allemagne, on a toujours considéré qu'il y a à régler, entre la Prusse et la France, une question de puissance européenne, de prestige militaire que la guerre seule pourra trancher. Et encore se dit-on que, même au prix d'une victoire complète, la France renverserait bien difficilement l'édifice élevé par la Prusse à sa frontière, et fondé sur les aspirations du patriotisme germanique. Quoi qu'il en soit, les sympathies actuelles, en Hollande, sont généralement françaises; ou, pour parler plus exactement, l'antipathie contre la Prusse est universellement prononcée. «Plutôt Français que Prussiens", me disent souvent ici même les hommes et le nombre en est grand qui n'ont pas oublié les maux dont les Pays-Bas ont eu à souffrir. il y a soixante ans, par suite de leur incorporation à notre premier Empire. Pourtant, en présence d'une mise en demeure édictée par la Prusse, et d'une invasion imminente, il serait possible que le cri des intérêts matériels, si puissant à Amsterdam et à Rotterdam, entraînât le pays à une défaillance, qu'il se résignât à se courber, dans l'espoir de se préserver de la guerre, devant cette sommation allemande qu'il entrevoit depuis longtemps menaçante à sa frontière.

Mais ce n'est pas de ce côté, je dois le dire, qu'incline actuellement l'opinion du pays. L'armée et la marine professent les sentiments qu'on est en droit d'attendre d'elles, et, dans la masse du public, la répulsion contre le régime prussien est assez générale pour soulever un élan de patriotisme qui, même en dépit de la timidité du Ministère actuel, porterait la Hollande à laisser envahir, plutôt que de se soumettre sans résistance, ses provinces orientales, et à attendre, retranchée derrière la ligne de fortifications et d'inondations malheureusement encore incomplète.

dont Utrecht est le centre, l'arrivée d'une armée française. La contiguïté de territoires entre la Hollande et la Prusse assure à celle-ci un avantage qui lui permettra toujours d'arriver à cette ligne avant que nous n'approchions de la frontière. Il serait donc bien à désirer que, le jour où nous aurions à demander à la Néerlande sa coopération active, nous fussions en mesure de lui montrer en même temps un secours tout prêt à arriver de France, sinon à travers la Belgique et le réseau de larges et profondes rivières dépourvues de ponts qui arrêtèrent Dumouriez

« PrécédentContinuer »