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d'armée de la Confédération germanique pendant la campagne de 1866.]

Je joins aussi à ma dépêche un article de la Gazette d'Augsbourg, reproduit en français par l'Europe, sur la situation du Midi de l'Allemagne, qu'elle voit, en cas de guerre, livré à la France par un rapide coup de main, et lui assurant, dès le début de la cam pagne, un énorme avantage militaire et politique: militaire, en lui permettant de tourner toute la ligne du Rhin, et en lui fournissant sur territoire ennemi une base d'opération solide contre le Nord; politique, en détachant une partie de l'Allemagne, dont elle s'assurerait la neutralité sinon le concours, de la défense commune. Ces craintes, publiquement exprimées, trahissent les sentiments qui agitent non seulement les Cours, mais aussi les populations méridionales, et dont j'ai déjà eu occasion de vous entretenir à différentes reprises.

Les préparatifs se poursuivent, je ne dirai pas avec une activité plus grande, car depuis le mois d'octobre de l'année dernière ils ont été organisés sur la plus vaste échelle, mais sans relâche, silencieusement, avec la discrétion, pour ne pas dire la cachotterie, qui est l'une des qualités ou l'un des travers de l'armée prussienne.

Cette réserve absolue sur tout ce qui touche au service, inculquée au soldat et à l'officier dès leur entrée dans l'armée comme un des articles les plus importants de leurs devoirs militaires, a été souvent, et particulièrement dans la dernière guerre, un élément de succès pour la Prusse, en lui permettant de masquer à son adversaire, jusqu'à la dernière heure, les projets ambitieux que poursuivait sa politique.

Les renseignements précis et circonstanciés, tels que je voudrais en transmettre au Gouvernement de l'Empereur, sont donc fort difficiles à recueillir. Mais, si je ne savais pas de bonne source que les régiments, et particulièrement les régiments de cavalerie cantonnés dans cette partie de l'Allemagne, se trouvent sur le pied de guerre (Kriegsbereit), mon instinct me le dirait, en voyant le corps d'officiers en garnison ici plus réservé que par le passé et se tenant à l'écart de tous les éléments civils. Il me revient aussi, et ceci ne manque pas d'importance, que l'on s'occuperait activement de préparer les bulletins d'appel sous les dra

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peaux pour la Landwehr. Ce travail, qui demande plusieurs semaines, pourrait en effet être considéré comme un indice de mobilisation prochaine. Le seul correctif à ces mesures qu'il me soit permis de relever, je le tiens d'un banquier qui m'a affirmé, sur des informations confidentielles lui venant d'un des premiers marchands de grains d'Allemagne, que, au commencement de ce mois, le Gouvernement prussien n'avait encore ordonné aucune commande de blé pour approvisionner ses dépôts. Ce fait, s'il était bien établi, serait un symptôme relativement rassurant, car il dénoterait l'absence d'une pensée agressive immédiate.

L'École militaire de Spandau, d'après la Gazette du Weser, compterait dès à présent au nombre de ses élèves des cadets wurtembergeois et badois, qui seraient appelés plus tard, leur éducation terminée, à inculquer aux armées du Midi l'esprit et la méthode prussiens. Rien ne saurait accuser davantage la fusion militaire que le Cabinet de Berlin poursuit à son profit en Alle

magne.

En prévision d'une guerre, il aurait été question, dans une pensée politique facile à comprendre, de faire passer une partie de l'armée bavaroise en Prusse, et de la remplacer par des contingents prussiens. C'est un gage de sécurité qu'on eût été bien aise de se donner réciproquement, et ici encore l'avantage eût été du côté du plus fort. Cette idée aurait été abandonnée depuis; sa mise en pratique ayant été jugée impossible en raison de la répugnance, pour ne pas dire de la haine très vive, que le soldat bavarois, pris en masse, ressentirait pour tout ce qui est prussien. On aurait craint aussi que l'indiscipline qui a pris de fâcheuses proportions dans les rangs de l'armée ne saisît cette occasion de se retourner contre les officiers, qui, en général, ne partageraient pas les passions anti-prussiennes de leurs subordonnés.

Cette situation, que notre Ministre à Munich pourra vous définir mieux que je ne le fais, tiendrait à certaines causes morales qui ont pu laisser indifférent le gros de l'armée, mais qui ne pouvaient manquer d'exercer de l'influence sur le corps des officiers. Après les revers de l'an dernier, qui cependant avaient permis à la bravoure et à la solidité bavaroises de se produire en maintes circonstances, l'armée s'était flattée que son jeune Roi la couvrirait de sa sollicitude et lui sacrifierait les préoccupations

exclusives qu'il a manifestées dès son avènement au trône. Déçus dans leur attente, livrés à eux-mêmes, et ne voyant de point d'appui possible ni du côté de l'Autriche, ni du côté de la France, une réaction se serait opérée bientôt au sein du corps des officiers en faveur de la Prusse, et la plupart d'entre eux accepteraient sans conteste, dès à présent, le commandement en chef du Roi de Prusse, en attendant qu'il soit publiquement reconnu par les corps constitués de l'État.

On espère en effet que, dans une grande guerre nationale, associée à une armée qui vient de se couvrir de gloire, il sera permis à la Bavière de relever son drapeau et de reconquérir sa réputation ternie par les fautes de ses généraux. C'est ce sentiment qu'exploitent la diplomatie et la presse prussiennes, et que le Prince de Hohenlohe se garde bien de combattre, surtout depuis que M. de Bismarck, pour le maintenir au pouvoir et le. défendre contre des attaques passionnées, n'a pas craint, au risque de considérations pour le moins aussi précieuses, de publier le traité d'alliance signé par M. de Pfordten.

Une grande guerre heureuse, les esprits prévoyants l'ont compris dès le mois de juillet, serait le moyen d'unification le plus rapide et le plus infaillible. Elle réhabiliterait à leurs propres yeux ceux qui ont été si profondément humiliés, elle réconcilierait avec leur sort les populations annexées, et vaudrait à la Prusse l'oubli du sang fratricide que son ambition n'a pas craint de verser. Tout, dans les actes du Cabinet de Berlin, montre que cette pensée, adroitement masquée, et qui semble aujourd'hui se révéler, a dû s'arrêter souvent dans le cœur audacieux mais patriotique de M. de Bismarck. Pour la réaliser, il n'aurait fallu que deux choses des alliances, et une France défaillante. Si l'on recule, c'est que la France sera prête, et que les alliances ne sont plus certaines.

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4717. LE PRINCE DE LA TOUR D'AUVERGNE, AMBASSADEUR À LONDRES, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Déchiffrement. Angleterre, 740, n° 82 (1).)

Londres, 17 avril 1867 (2). (Cabinet, 18 avril; Dir. pol., 13 mai.)

[Le commencement de la dépêche se rapporte au règlement d'un conflit, d'ordre maritime, entre le Royaume-Uni et l'Espagne.]

Lord Stanley, que je n'ai vu d'ailleurs qu'un moment ce matin, m'a dit qu'il avait reçu des nouvelles de Berlin assez peu satisfaisantes, en ce sens que la Prusse ne paraissait vouloir à aucun prix évacuer la forteresse de Luxembourg, et que, en présence de cette résolution, il ne voyait pas trop quelle combinaison on pourrait mettre en avant. J'ai répété à Lord Stanley que, en ce qui nous concernait, la question se résumait, suivant moi, dans les termes suivants: le Roi des Pays-Bas nous avait fait une promesse de cession du Luxembourg, à laquelle il me semblait que nous ne pourrions renoncer, dans l'intérêt de la paix de l'Europe, que si les Puissances obtenaient de la Prusse l'évacuation de la forteresse. Je dois le revoir demain.

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4718. LE BARON DE TALLEYRAND, AMBASSADEUR À SAINT-PÉTERSBOURG, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Télégr. Déchiffrement. Russie, 238(3.)

Saint-Pétersbourg, 17 avril 1867, 10".

L'Empereur Alexandre vient de me faire savoir par le Prince Gortchakoff qu'il persévère dans l'intention d'aller à Paris, et qu'il

(1) En lête, note à l'encre : «Copiée pour l'Empereur."

(2) Le déchiffrement porte la date du 18 avril. Mais un extrait inséré dans les Mémoires et documents, Hollande, 150, est daté du 17, et c'est bien cette dernière date qui est exacte. La preuve en est donnée par le timbre du Cabinet, qui montre que la dépêche est arrivée à Paris le 18, et surtout par le texte de la dépêche suivante de La Tour d'Auvergne, datée du 18 également (n° 83), et qui est très certainement du lendemain.

(3) Un double de ce déchiffrement a été inséré dans Mémoires et documents, Hollande, 150.

ORIG. DIPL.

XVI.

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IMPRIMERIE NATIONALE.

s'y rendra avec plaisir si les événements politiques le lui permettent. Un courrier qui part demain charge le Baron de Budberg de confirmer ces paroles.

Le Prince Gortchakoff affirme itérativement que la Prusse n'a obtenu de lui aucune manifestation d'opinion sur la question du Luxembourg. Il n'appuie pas encore à Paris et à Berlin les propositions de M. de Beust (1), désirant savoir préalablement quel accueil elles y ont rencontré.

4719. LE MARQUIS DE MOUSTIER AU BARON DE TALLEYRAND, AMBASSADEUR À SAINT-PETERSBOURG. (Télégr. Minute à chiffrer. Mémoires et documents, Hollande, 150.)

Paris, 18 avril 1867. (Expédié à 2 1/4 soir.)

Nous prenons acte avec satisfaction de l'assurance donnée par le Prince Gortchakoff qu'il n'a pris aucun engagement vis-à-vis de là Prusse sur le Grand-Duché de Luxembourg. Nous avons accueilli avec empressement les propositions de M. de Beust, mais en faisant observer que nous bornions exclusivement nos désirs à l'évacuation de la forteresse par les Prussiens, qui nous rendrait possible de renoncer à poursuivre l'acquisition du Luxembourg. Nous espérons que, dans l'intérêt de la paix européenne, les Puissances s'entendront pour régler cette question avec la Prusse.

4720. LE MARQUIS DE MOUSTIER À BENEDETTI, AMBASSADEUR À BERLIN. (Télégr. Minute à chiffrer. Prusse, 363 (2).)

Paris, 18 avril 1867, 2h soir.
(Expédié à 2 3/4 soir (3).)

Le Prince de Metternich m'a lu, le 14, une dépêche renfermant deux hypothèses: neutralisation du Luxembourg entre les mains du

(1) Cf. Moustier à Gramont, 17 avril, et le télégramme suivant de Moustier à Benedetti.

(2) Une copie de la minute a été insérée dans les Mémoires et documents, Hollande, 150.

(3) Indication donnée par la copie des Mémoires et documents.

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