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tion qui, tout en donnant satisfaction à la Prusse, ménage suffisamment les scrupules de Lord Stanley.

Dans un entretien que le Principal Secrétaire d'État a eu aujourd'hui avec M. l'Ambassadeur de Russie, qui s'efforçait de lui démontrer qu'une garantie collective n'engageait pas au même point qu'une garantie spéciale, et que l'Angleterre pouvait la donner sans augmenter pour cela de beaucoup la somme de ses obligations, Lord Stanley aurait répondu, si je suis bien informé, que, quant à lui, il ne voulait rien promettre, même collectivement, qu'il n'eût l'intention et qu'il ne fût en mesure de tenir; qu'il voyait clairement que la Prusse désirait que, dans le cas d'une guerre entre elle et la France, l'Angleterre se trouvât engagée à défendre, au besoin par la force, la neutralité du Luxembourg, mais que c'était là, précisément, ce à quoi il ne consentirait à aucun prix à se prêter; que, au surplus, le Cabinet de Berlin, dans un mémorandum qu'il avait fait remettre à Londres le 1er avril dernier, invoquait la garantie européenne qui, suivant lui, aux termes des actes de 1839, couvrait déjà le Grand-Duché de Luxembourg aussi bien que la Belgique ellemême (1), et que cette garantie, qu'on avait eu soin de rappeler dans le projet de traité, jointe à l'engagement que prendraient les Puissances signataires de ce traité de respecter la neutralité du Grand-Duché, devait lui suffire.

Ces détails, que j'ai lieu de croire exacts, Monsieur le Marquis, indiquent suffisamment quelles sont les dispositions personnelles de Lord Stanley. A côté de son très sincère désir de voir la paix de l'Europe maintenue, il professe, à l'endroit des engagements qu'on lui demande de contracter, des scrupules qui peuvent paraître exagérés, mais qui témoignent en tout cas de la droiture de ses intentions. Il semble d'ailleurs que le principal reproche que M. de Bismarck adresse aujourd'hui à Lord Stanley soit de s'être montré beaucoup trop français dans le cours de cette négociation. M. l'Ambassadeur de Prusse aurait même, m'assure-t-on, donné à entendre à Lord Stanley lui-même que, si l'Angleterre ne se montrait pas plus conciliante vis-à-vis de la Prusse, on pourrait bien signer en dehors d'elle, à La Haye, l'arrangement concernant le Luxembourg.

(1) Cf. La Tour d'Auvergne, 2 avril, no 68.

J'ai l'honneur de transmettre ci-joint à Votre Excellence le texte du projet de traité que Lord Stanley doit communiquer demain à la Conférence.

4988. FOURNIER, MINISTRE À STOCKHOLM, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Confidentiel. Orig. Suède, 337, n° 220.)

Stockholm, 6 mai 1867.

(Cabinet, 15 mai; Dir. pol., 16 mai.)

[Fournier accuse réception au Marquis de Moustier des dernières dépêches qui lui ont été envoyées.

Dans une conversation qu'il vient d'avoir avec M. de Manderström, il l'a trouvé fort incertain du maintien d'une paix durable. Même si l'affaire du Luxembourg était réglée à l'amiable, il subsisterait d'autres difficultés au moins aussi graves résultant de l'attitude de la Prusse à l'égard du traité de Prague et de la prépondérance à Berlin du parti militaire.]

M. de Manderström croit savoir sûrement que la Russie, sollicitée par la Prusse de prendre parti pour elle dans une lutte contre la France, aurait déclaré sa flotte trop inégale à la flotte française pour s'opposer à elle dans la Baltique, qu'elle avait par conséquent déduit de cette déclaration la nécessité du maintien de sa neutralité.

Cette conduite de la Russie délivre le Ministre suédois de ses plus pressantes appréhensions. La neutralité de la Russie motive à ses yeux celle des Royaumes-Unis. Elle l'excuse, pour ainsi dire.

Il prendrait volontiers la eutralité de son pays pour une preuve de sympathie effective pour nous. Nos ports seraient ouverts, me disait-il, aux approvisionnements d'un corps d'opération de cent mille hommes que vous pourriez débarquer dans le Sleswig, le Holstein ou tout autre lieu afin de créer une diversion dont la Prusse aurait fort à s'inquiéter. Il me revient que cela entrerait dans vos plans de guerre."

Je constatais une fois de plus dans ces assurances de sympathie facile, assurances sincères sans en pouvoir douter, du Comte de Manderström, combien les Royaumes-Unis se désintéressent

aisément de toute question quand le fantôme de la Russie ne leur y apparaît pas pour les effrayer.

En dehors de cette crainte instinctive, il y a en Suède des sympathies traditionnelles pour nous, vives, positives, qui aiment à s'exprimer quand il n'y a pas danger à le faire. Je les qualifierai à Votre Excellence, comme je les qualifiais tout à l'heure à M. de Manderström, en souriant: des sympathies chaleureuses, mais qui n'ont pas de bras.

La Suède tient beaucoup à ne paraitre pas et à n'être pas ambitieuse, à se maintenir à l'écart des événements pour ne pas être obligée de le devenir.

4989. LE MARQUIS DE CHATEAURENARD, MINISTRE À STUTTGART, AU. MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Wurtemberg, 87, n° 25.)

Stuttgart, 6 mai 1867.

(Cabinet, 8 mai; Dir. pol., 16 juillet.)

[Le Marquis de Châteaurenard signale l'impression favorable produite par la communication du Marquis de Moustier au Sénat et au Corps législatif le 3 mai (1). Tout le monde rend justice à la modération de l'Empereur (Châteaurenard cite, entre autres, les opinions du Comte Guillaume de Wurtemberg, Gouverneur d'Ulm, et du Prince de Hohenlohe-Schillingfürst).

M. de Varnbüler ne doute pas du résultat favorable de la Conférence de Londres. Mais, en général, on n'a pas grande confiance dans les dispositions du Cabinet de Berlin, qui attendrait d'avoir dans sa main toutes les armées de l'Allemagne pour revenir sur ce qu'il aurait cédé. La convention militaire conclue entre la Prusse et la Hesse (2) est invoquée à l'appui de cette opinion.]

J'ai eu l'occasion, à une soirée avant-hier chez le Prince de Weimar, de demander à M. de Varnbüler ce qu'il pensait d'un acte aussi significatif. «Le motif qui a déterminé le Gouvernement grand-ducal à signer la Convention est, m'a-t-il dit,

(1) Elle a été publiée dans les Arch. diplom., 1867, t. II, p.

(2) Le

7 avril.

883-884.

avant tout, un motif d'économie; M. de Dalwigk m'avait confié que les charges seraient trop lourdes pour le budget de la Hesse, si elle restait vis-à-vis de la Prusse dans la situation où le traité de paix l'avait placée, et qu'il lui fallait, à tout prix, sortir de cette difficulté. J'avoue que le Gouvernement grand-ducal n'a pas été heureux dans le moyen qu'il a pris pour se tirer d'embarras, mais sans doute il n'y a pas eu moyen de faire autrement.» J'ai répondu, en ayant bien soin toutefois de ne donner à mes paroles que le caractère d'une appréciation tout à fait personnelle, que le Grand-Duc de Hesse me paraissait s'être placé, par sa convention, dans la situation d'un Prince plus qu'à demi-médiatisé; que, si on pouvait comprendre que, en temps de guerre et en présence des nécessités de la défense commune, un Souverain pût se départir accidentellement de son privilège le plus précieux et placer ses troupes sous les ordres d'un allié, cet abandon définitif, surtout pour le temps de paix, était une véritable déchéance que ne justifiaient pas des considérations financières. M. de Varnbüler en est convenu avec moi, et j'ai cru m'apercevoir que mon langage avait fait quelque impression sur son esprit. On semble persuadé à Stuttgart que le Grand-Duché de Bade ne tardera pas à conclure une convention semblable, et qu'après cela la Prusse pèsera de tout son poids sur le Gouvernement wurtembergeois pour obtenir de lui le même sacrifice.

4990. LE DUC DE GRAMONT, AMBASSADEUR À VIENNE, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Télégr. Déchiffrement. Autriche, 495.)

Vienne, 6 mai 1867, 3 10 soir.

Le Ministre d'Espagne a informé le Cabinet de Vienne que son Gouvernement se croyait les mêmes droits que l'Italie à être représenté à la Conférence de Londres. Le Baron de Beust a répondu que l'Autriche l'y verrait avec satisfaction (1).

(1) Cf. la dépêche de Bloomfield à Stanley, du 6 mai, dans les Arch. diplom., 1867, t. III, p. 941; et Gramont, 5 mai.

4991. LE MARQUIS DE MOUSTIER À BENEDETTI, AMBASSADEUR À BERLIN. (Télégr. Copie. Prusse, 364.)

Paris, 7 mai 1867, minuit 1/2 ().

Les mesures militaires de tout genre sont poursuivies par le Gouvernement prussien sur une grande échelle. Il fait en outre acheter des chevaux de tous côtés et particulièrement en Hongrie, en Pologne et même en Irlande. Nous n'en voulons pas tirer de fâcheuses inductions, mais je crois devoir vous le faire savoir pour votre information personnelle.

4992. Le MarQUIS DE MOUSTIER À BENEDETTI, AMBASSADEUR À BERLIN. (Minute à chiffrer. Prusse, 364, no 94(2).)

[Paris,] 7 mai 1867.

J'avais eu connaissance hier d'un télégramme expédié dans la soirée par M. le Comte de Bismarck au Comte de Goltz et qui était ainsi conçu : Le Baron de Werther annonce de Vienne que l'Ambassadeur de France lui-même reconnaît maintenant les achats continuels de chevaux pour la France en Hongrie (3). Ce télégramme ayant été transmis en clair à M. de Goltz, j'ai cru devoir vous faire connaître de la même manière ce que nous savons des mesures militaires de la Prusse, et c'est uniquement dans ce but que je vous ai adressé ma dépêche télégraphique de ce matin.

(1) La date qui est indiquée dans la Correspondance est le 6 mai; mais la dépêche suivante, qui explique ce télégramme, indique qu'il est bien du 7. Le texte du télé ̧ramme est en partie cité par ROTHAN (L'Affaire du Luxembourg, p. 384).

(2) La partie de la dépêche relative au télégramme de Goltz a été publiée par ROTHAN (L'Affaire du Luxembourg, p. 384).

(3) Cf. Malaret, 6 mai, post-scriptum.

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