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Le Président du Conseil a tenu un langage très pacifique et qui, suivant le Chargé d'Affaires d'Autriche, était empreint d'un caractère très marqué de sincérité.

Il a dit que la Prusse était loin d'être prête pour une lutte aussi sérieuse, qui pourrait remettre en question tant d'avantages déjà obtenus, et qui compromettrait à un si haut degré les intérêts du commerce maritime de l'Allemagne.

Il a ajouté que la neutralité annoncée par l'Autriche, neutralité qui pourrait avec le temps se changer en appui donné à la France, devait rendre le Gouvernement prussien attentif à ne rien hasarder.

Il ne s'est pas prononcé directement sur la question de la forteresse, mais il a dit qu'il ne déclinait pas à priori l'examen de la seconde proposition consistant dans la cession du Luxembourg à la Belgique, avec compensation pour la France.

Il a même exprimé l'opinion qu'il était sage de chercher autant que possible à donner à ce dernier pays de justes satisfactions; qu'il fallait, ce sont ses expressions, faire un pont d'or à la France pour vivre en paix avec elle, si on était sûr qu'elle le voulût réellement. C'était là sa politique, et il cherchera à la faire prévaloir, dût-il y perdre sa popularité. En tout cas, il fallait attendre que le Reichstag fût dissous et que les esprits fussent un peu calmés.

4728. LE MARQUIS DE MOUSTIER AU BARON DE TALLEYRAND, AMBASSADEUR À SAINT-PETERSBOURG. (Minute. Russie, 238, no 23.)

Paris, 18 avril (1) 1867.

Par votre télégramme du 14 de ce mois, vous m'annoncez (2) que mon dernier courrier a produit une impression très favorable

(1) La date du 18 a été biffée et remplacée, à l'encre, par celle du 15. Une copie de cette minute, classée dans Mémoires et documents, Hollande, 150, porte bien la date du 18. C'est aussi sous la date du 18 que cette dépêche a été publiée dans les Doc. diplom., 1867, Affaire du Luxembourg, p. 4041, et dans les Arch. diplom., 1867, t. II, p. 832-833.

(2) Une première rédaction, raturée, prouve que la minute n'a bien été rédigée que le 18: «J'ai reçu vos deux télégrammes du 14 et du 17 de ce mois. Vous me dites, etc."

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sur l'esprit de l'Empereur Alexandre et du Prince Gortchakoff. Le Vice-Chancelier vous a dit qu'il s'abstiendrait de faire connaître à Berlin quelle serait l'opinion du Cabinet russe, sur l'affaire du Luxembourg, tant qu'il ne saurait pas comment la question serait officiellement posée. Il vous a renouvelé hier la même assurance. Nous sommes heureux d'apprendre que la Cour de Russie n'a aucun engagement à cet égard avec la Prusse, et je vous ai écrit. ce matin, par le télégraphe, pour vous faire connaître la satisfaction avec laquelle nous en prenons acte.

Je vous ai mandé également que nous avons accueilli avec empressement les propositions du Cabinet de Vienne, mais en faisant observer que nous bornions exclusivement nos désirs à l'évacuation de la forteresse par les troupes prussiennes. J'avais développé, au surplus, la manière de voir et les intentions. du Gouvernement de l'Empereur sur l'ensemble de la question du Luxembourg dans ma dépêche du 15 sous le n° 22. Je ne puis que me référer ici à ce document, en exprimant de nouveau l'espoir que, dans l'intérêt de la paix européenne, les Puissances s'entendront pour régler les conditions d'un accord avec la Prusse. D'après les impressions recueillies par Lord Loftus dans un entretien récent avec M. de Bismarck, le Cabinet de Berlin paraissait admettre que, si la proposition d'une Conférence lui était faite, il ne pourrait la décliner. Mais le Premier Ministre du Roi de Prusse ne se prononçait pas sur le point essentiel pour nous, c'est-à-dire sur l'évacuation, et il se répandait en plaintes contre nos prétendues dispositions à faire la guerre à l'Allemagne (1). Nul ne sait mieux que M. de Bismarck combien de pareilles imputations sont dénuées de fondement. En suivant avec la Prusse des pourparlers confidentiels dont son langage antérieur nous autorisait à espérer un meilleur résultat, nous n'avions au contraire d'autre but que de consolider pour de longues années la paix de l'Europe, en lui donnant pour base des rapports de confiance et d'amitié entre la France et l'Allemagne. Toute notre conduite proteste contre le soupçon d'arrière-pensées belliqueuses de notre part, et vous ne sauriez trop vous élever contre de pareilles allégations, si elles se produisaient à Saint-Pétersbourg.

(1) Cf. Benedetti, 16 avril, n° 89, et La Tour d'Auvergne, 17 avril, no 82.

4729. BENEDETTI, AMBASSADEUR À BERLIN, AU MARQUIS DE MOUSTIER.

(Orig. Prusse, 363, no 92.)

Berlin, 18 avril 1867. (Cabinet, 20 avril; Dir. pol., 22 avril.)

[Benedetti transmet au Marquis de Moustier les renseignements fournis par la presse sur les préparatifs militaires de la Prusse. D'après une information de la Gazette de Voss, reproduite par la Gazette universelle de l'Allemagne du Nord, un ordre royal vient de prescrire l'incorporation aux divers corps d'armée des vingt-deux bataillons de Landwehr récemment organisés dans les pays annexés. Il a été décidé antérieurement que, en cas de guerre, et si le système actuel prussien ne suffisait pas pour remplir les cadres des nouveaux bataillons de Landwehr du Nord de l'Allemagne, les dispositions de la loi de 1813 qui appellent au service de la Landwehr tous les hommes de trente-deux à quarante ans (même ceux qui n'ont pas servi dans la ligne) seraient remises en vigueur. >> De cette façon, l'Allemagne pourrait mettre en ligne (en dehors de cent trente-huit bataillons de Landwehr prussienne qui suffiraient à garder les places et à former deux corps de réserve) trois cent quatre bataillons pour la Prusse et cinquante-huit pour le reste de l'Allemagne du Nord, deux cent cinquante-six escadrons prussiens et trente-trois escadrons allemands du Nord.

La Gazette de la Bourse insiste sur les préparatifs faits pour défendre éventuellement les côtes, en particulier celles du Sleswig. Elle annonce aussi que, en cas de guerre, Napoléon III n'hésiterait sans doute pas à appeler en France ses régiments de tirailleurs algériens, qui servent de réceptacle aux soldats condamnés»; ils comptent, écrit-elle, « neuf bataillons de gibiers de potence qui sont tout ce qu'on peut imaginer de plus exécrable ».]

4730. BENEDETTI, AMBASSADEUR À BERLIN, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Prusse, 363, no 93.)

Berlin, 18 avril 1867.

(Cabinet, 20 avril; Dir. pol., 22 avril.)

Les journaux de Berlin contiennent quelques indications qu'il

me paraît utile de signaler à Votre Excellence.

La Börsen-Zeitung et la plupart des feuilles du matin débutent par un télégramme envoyé de Paris à l'Agence Wolf et ainsi conçu: Tous les préparatifs de mobilisation pour l'artillerie sont arrêtés. On procède à l'achat des chevaux nécessaires. La plus jeune classe de la réserve, quarante mille hommes environ, est convoquée pour le 1er mai au lieu du 1er janvier 1868. Metz est en plein armement. (Nous ne croyons pas pouvoir, ajoute l'Agence Wolf, vu l'importance de la chose, et quand ce ne serait que pour provoquer des renseignements ultérieurs, dissimuler ces détails qui nous sont envoyés par un correspondant bien instruit. Plus tard, si nous supprimions de pareilles nouvelles dont l'authenticité. nous est garantie, on pourrait nous faire un reproche plus mérité que celui auquel nous nous exposons de troubler prématurément l'esprit public.)"

La Gazette universelle de l'Allemagne du Nord, organe habituel de M. de Bismarck, déclare aujourd'hui que la question du Luxembourg n'a, dans les derniers temps, donné lieu à aucune négociation diplomatique. L'affaire se trouve en suspens, et les nouvelles qu'on répand d'un prochain arrangement sont fausses: ce qui n'infirme pas d'ailleurs l'assertion du journal la Patrie, d'après lequel les trois grandes Puissances signataires des traités. de 1839 examinent, sans la participation de la Prusse, de la France et de la Hollande, le moyen de trouver une solution dont les bases seraient ensuite offertes aux Cabinets de Berlin, de Paris et de La Haye."

Plusieurs feuilles de Berlin citent un article de la Gazette

d'Augsbourg, d'après lequel la Prusse et les États du Sud seraient en négociations très actives sur le moyen de défendre Ulm et Rastadt. La part d'action qu'il s'agit de laisser à la Prusse à cet égard découle, comme une nécessité, des traités d'alliance offensive et défensive conclus au mois d'août et qui ont eu pour but de décerner au Roi de Prusse le commandement en chef de toutes les forces de l'Allemagne unie.

Les Militarische Blätter mentionnent un accroissement des cadres de l'état-major et du génie. Le service spécial de l'exploitation des chemins de fer, dans un but militaire, se trouve maintenu dans les cadres affectés à ce genre de service.

La Rheinische Zeitung renferme un article destiné à prémunir

les voyageurs allemands attirés à Paris par l'Exposition universelle contre les dangers de l'espionnage dont ils sont entourés de tous côtés dès qu'ils mettent le pied sur le territoire français.

En exprimant la satisfaction que doit causer à tout cœur allemand l'achèvement de la Constitution du Nord de l'Allemagne, le Publiciste dit qu'il voudrait aussi croire à un avenir pacifique, mais que, au point où les choses en sont arrivées, la paix ne peut reposer que sur des combinaisons plus ou moins heureuses, et non sur une base sûre. «L'opinion publique des deux côtés du Rhin est d'accord qu'un choc décisif est inévitable entre l'Allemagne et la France. On ne se demande plus s'il aura lieu, mais quand il aura lieu.

Nous, en Prusse, en Allemagne, nous n'avons ni le moindre intérêt, ni la moindre raison, ni le moindre instinct qui nous poussent à attaquer nos voisins. Mais, en France, il en est autre

ment.

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On ne peut pas s'y habituer à oublier le rôle que le second Empire a joué en Europe depuis la guerre d'Orient. La nation et l'armée se sont flattées de rester la première nation et la première armée du monde. Et maintenant? Maintenant arrive la Prusse, qui, longtemps dédaignée, prend dans le monde la place d'une Puissance grande et victorieuse. On ne peut le supporter, et on se livre aux armements, aux menaces, aux grands airs.

Luxembourg, chacun sait cela, ne vaut pas la guerre; mais, si on en arrive là, chacun sentira bien que la question du Luxembourg n'a été qu'une étincelle qui, tombant sur le baril de poudre, a amené une explosion inévitable, peut-être nécessaire à l'atmophère."

Le Publiciste reproduit dans son bulletin général les bruits répandus par plusieurs journaux sur les menées auxquelles les chefs de la noblesse hanovrienne se livreraient en prévision d'une guerre et dont un diplomate français accrédité près d'un État moyen bien connu serait l'âme”.

A Vienne, s'il faut toujours en croire le même journal, on donne comme positive la conclusion d'une alliance franco-scandinave, dont les bases auraient été fixées dans un traité signé le 4 avril.

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