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deviendrai un grand homme, et que je finirai par une grande faute!

Quelques journaux allemands préconisent la cession du Luxembourg à la Belgique, qui deviendrait ainsi, par la possession de deux grandes places fortes sous l'influence de ses craintes passées à l'état chronique - le boulevard avancé de l'Angleterre et de la Prusse. Cette solution, qui compte de nombreux partisans, m'était présentée l'autre jour par le Baron de Mengden, mon Collègue de Russie, avec un correctif, il est vrai, qui ne laissait pas que de la rendre acceptable: «Annexez, me disait-il, le Luxembourg à la Belgique, et puis vous annexerez le tout!"

4696. LE PRINCE DE LA TOUR D'AUVERGNE, AMBASSADEUR À LONDRES, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Particulière et confidentielle. Orig. Mémoires et documents, Hollande, 150.)

Londres, 14 avril 1867.

J'ai reçu la dépêche télégraphique que vous avez bien voulu m'adresser hier. J'ai donné à entendre au Baron de Brunnow que nous accepterions probablement le projet d'arrangement qu'il m'a confidentiellement suggéré, si toutes les Puissances, après s'être assurées de l'assentiment de LL. MM. Belge et Néerlandaise, étaient d'accord pour nous en proposer et conseiller l'adoption, mais qu'en aucun cas il ne nous conviendrait d'avoir l'air de provoquer un pareil conseil.

Le Baron de Brunnow a de nouveau insisté pour que les idées échangées entre lui et moi au sujet du Luxembourg conservassent un caractère absolument confidentiel et privé, jusqu'à ce qu'il ait pu les soumettre à son Gouvernement et obtenir de lui l'approbation dont il a besoin pour couvrir sa responsabilité. Le moment lui semble venu de prendre à cet égard les ordres de son Souverain. Il a d'ailleurs toujours été d'avis que les arrangements à intervenir réclament un accord entre toutes les Puissances signataires des traités de 1839; mais il pense, ainsi que vous le verrez par la lettre qu'il m'a écrite hier soir et que je crois devoir joindre ici, que son Gouvernement reconnaîtra la nécessité d'une entente

préalable avec le Gouvernement de S. M. Britannique. Pour ma part, je souhaiterais que, en même temps que M. le Baron de Brunnow agit à Pétersbourg, nous puissions préparer un peu le terrain à Vienne, voire même à Bruxelles et à La Haye. Si, pour ménager les susceptibilités de l'Angleterre, nous devons éviter tout ce qui ressemblerait à une entente en dehors d'elle, nous ferons sagement cependant de ne pas laisser arriver à Londres une proposition qui ne manquera pas d'y causer au premier abord une certaine émotion, sans nous être assurés auparavant de l'appui des autres Cabinets. Je ne sais où en sont nos relations avec M. de Bismarck; mais, s'il a été réellement de bonne foi dans tout ce qu'il nous a dit depuis huit mois, il me semble qu'il devrait accueillir lui-même plutôt avec satisfaction une combinaison qui semble de nature, dans la situation donnée, à sauvegarder, autant que faire se peut, la dignité et les intérêts de toutes les parties. Je vous demande pardon d'oser vous exprimer aussi librement mes idées, et je vous prie d'agréer une fois de plus, Monsieur le Marquis, les assurances de ma haute considération et de mes sentiments les plus dévoués.

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P.-S. 15 avril 1867.- Cette lettre était écrite lorsque j'ai reçu la dépêche télégraphique que Votre Excellence a bien voulu m'adresser ce matin (1). Je me suis borné jusqu'à ce moment, comme vous le savez, à insister auprès de Lord Stanley sur la nécessité d'obtenir de la Prusse l'évacuation de la forteresse de Luxembourg, et, quant aux entretiens que j'ai eus avec le Baron de Brunnow, ils ont conservé, ainsi que sa lettre le prouve, un caractère purement confidentiel et privé. J'aime donc à espérer que nous n'avons de ce côté aucune complication à redouter. La question me semble d'ailleurs, en ce qui nous concerne, très bien posée dans les termes où vous la résumez; mais il ne serait peutètre pas sans intérêt pour nous que le Roi des Pays-Bas ne laissât pas trop ignorer qu'il se considère encore aujourd'hui comme lié vis-à-vis de l'Empereur. J'ai lieu de croire en effet qu'ici on suppose qu'il en est autrement.

(1) Cf. ci-dessus, Moustier à La Tour d'Auvergne, télégramme, 15 avril, 2 h. matin.

4697. LE BARON DE TALLEYRAND, AMBASSADEUR À SAINT-PÉTERSBOURG, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Télégr. Déchiffrement. Russie, 238.)

Saint-Pétersbourg, 14 avril 1867, 2" 20 soir.

Je viens de communiquer confidentiellement au Prince Gortchakoff les dépêches que vous m'avez écrites sur le Luxembourg et l'Orient (1); elles ont produit sur lui le plus favorable effet, et il m'a demandé de les placer sous les yeux de l'Empereur Alexandre. Il prétend ne pas avoir des nouvelles récentes de Berlin, et m'a assuré qu'il s'était abstenu de faire même préjuger quelle serait l'opinion du Gouvernement russe, tant qu'il ne saurait pas comment la question sera officiellement posée. Le Prince Gortchakoff est malade et au lit; j'espère cependant le revoir après-demain pour traiter à fond les questions que vous m'indiquez. En attendant, il insiste pour qu'on prévienne l'effusion du sang à Candie, par quelque démarche diplomatique que ce soit.

4698. LE MARQUIS DE CHATEAURENARD, MINISTRE À STUTTGART, au MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Wurtemberg, 87, n° 19.)

Stuttgart, 14 avril 1867. (Cabinet, 17 avril; Dir. pol., 18 avril.)

[Le Marquis de Châteaurenard annonce un voyage du Baron de Varnbüler, qui irait peut-être jusqu'à Sarrebruck. Il met en garde contre la pensée que ce voyage pût avoir un but politique.

Le Ministre du Roi de Wurtemberg lui a fait remarquer l'apaisement qui se manifeste en effet dans la presse wurtembergeoise et auquel il a contribué autant qu'il l'a pu. Il sait d'ailleurs et il reconnaît que le Gouvernement impérial s'attache à faire prendre à l'affaire une tournure pacifique ». Il croit que, aussitôt après la session parlementaire, M. de Bismarck, qui ne veut pas d'une

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(1) Évidemment celles du 8 avril, n° 20 et 21.

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guerre avec la France, sera plus libre pour négocier. Mais il est lui aussi d'avis que, si la dissolution de la Confédération germanique a rompu le lien fédéral pour le Grand-Duché de Luxembourg, il subsiste entre celui-ci et l'Allemagne un lien national. L'acte de 1815, dit-il, en rattachant le Luxembourg à la Confédération germanique, a constaté que ce pays était un territoire allemand, et il en résulte pour l'Allemagne des droits qu'elle ne doit pas abandonner. » Le Marquis de Châteaurenard conteste que ce prétendu lien national donne à la Prusse aucun droit de forcer les Luxembourgeois à devenir Allemands malgré eux. Soit, réplique M. de Varnbüler, « mais nous ne voyons pas non plus en vertu de quel droit on pourrait les forcer à devenir Français". Ces dernières paroles semblent au Marquis de Châteaurenard l'expression véritable de la pensée qui domide dans le monde politique à Stuttgart: Le désir des gens modérés n'est pas tant que le Luxembourg soit rattaché à l'Allemagne, pourvu qu'il ne soit pas annexé à la France. » Le Marquis de Châteaurenard croit d'ailleurs que l'apaisement des esprits est réel en Wurtemberg.

La discussion qui s'est engagée à la Diète sur la situation du Grand-Duché de Hesse (1) a été très remarquée à Stuttgart. On en a conclu que le Grand-Duché ne tarderait pas à entrer dans la Confédération, et M. de Varnbüler ne serait pas surpris que le Grand-Duché de Bade y entrât à son tour. Quelle serait alors la situation du Wurtemberg? lui demande le Marquis de Châteaurenard. «En ce qui regarde le Wurtemberg, répond M. de Varnbüler, la question n'est pas posée; si jamais elle se posait, nous demanderions des compensations aux sacrifices que nous ferions, et il y aurait de bien grandes difficultés à résoudre. » Il n'en pense pas moins que l'amendement Lasker (2) sur le titre final de l'acte constitutif de la Confédération du Nord crée une facilité de plus pour l'entrée des Gouvernements du Sud dans la Confédération.]

(1) Cf. Benedetti, 10 avril, n° 78, et Rothan, 11 avril. (2) Cf. Benedetti, 10 avril, n° 79.

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4699. CIRCULAIRE DU MARQUIS DE MOUSTIER AUX AGENTS DIPLOMATIQUES DE L'EMPEREUR À LONDRES, VIENNE, SAINT-PETERSBOURG ET FLORENCE. (Confidentielle. Minute. Mémoires et documents, France, Circulaires politiques, 1863-1869, t. 2126(1).)

Paris, 15 avril 1867.

Les événements qui se sont passés l'année dernière en Allemagne et les changements considérables qu'ils ont introduits dans les relations des États germaniques entre eux, ainsi que dans leur situation vis-à-vis des autres États européens, ne pouvaient laisser les Cabinets indifférents en présence de l'incertitude prolongée qui pesait sur la position internationale de la province de Limbourg et du Grand-Duché de Luxembourg. Je n'ai pas besoin de mettre en relief combien était incontestable le droit du Gouvernement français, quand il espérait que cette question serait résolue de manière à ne pas constituer une extension nouvelle de l'influence prussienne du côté de la France, et que les forteresses de Maëstricht et de Luxembourg, qui appartenaient au Roi des Pays-Bas, ne fourniraient pas à une autre Puissance, déjà si fortifiée par de récents accroissements, le moyen de menacer d'une manière permanente notre frontière et celle de la Belgique.

Cependant, préoccupés avant tout des intérêts de la paix générale, et soucieux par conséquent de ne rien faire qui risquât de compromettre nos rapports de voisinage en mettant en jeu l'amour-propre d'une nation fière de récents succès, nous nous sommes abstenus de toute observation sur la lenteur que le Cabinet de Berlin mettait à régler avec qui de droit les conditions d'existence du Limbourg et du Luxembourg.

Le Roi des Pays-Bas, pouvant toutefois moins que nous encore rester dans une pénible indécision sur des questions qui le touchaient si directement, a été conduit par une certaine communauté d'intérêts à nous entretenir de ses appréhensions, et à faire ressortir non seulement le silence que le Gouvernement prussien

Cette circulaire a

(1) En tête, au crayon : «Envoyée à Berlin en copie." été publiée dans les Doc. diplom., 1867, Affaire du Luxembourg, p. 36-38, et dans les Arch. diplom., 1867, t. II, p. 824-826.

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