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l'intérêt, dans les circonstances actuelles, à savoir quel est l'objet réel de cette mesure, quelles sont les matières qui doivent être traitées dans cette session, et quelle est approximativement la durée qui lui est assignée. Ces différentes questions présentent de l'importance au point de vue des démarches que les trois grandes Cours se proposent de faire à Berlin, et la réunion du Parlement, au moment où ces négociations vont s'engager, peut n'être pas sans influence sur les dispositions et le plan de conduite du Premier Ministre. Je vous serai obligé de me faire part à ce sujet de vos appréciations.

4767. LE MARQUIS DE MOUSTIER AU DUC DE GRAMONT, AMBASSADEUR À VIENNE. (Très confidentielle. Minute. Autriche, 494, no 48.)

Paris, 21 avril 1867.

Le Gouvernement de l'Empereur s'est abstenu d'intervenir à un titre quelconque dans la constitution du nouvel ordre de choses qui a remplacé en Allemagne l'ancien système fédératif. Nous nous sommes bornés à suivre, avec une impartialité qui, toutefois, n'impliquait point l'indifférence, les conséquences des faits qui ont si profondément modifié l'état de l'Europe centrale.

Nous nous plaisions à compter, nous en faisons sincèrement l'aveu, sur la modération de la Puissance qui avait joué le principal rôle dans les événements de la dernière guerre.

Trois questions intéressaient particulièrement le Gouvernement de l'Empereur.

Liés par le langage que nous avons tenu pendant les négociations relatives aux Duchés de l'Elbe, nous avions insisté pour faire insérer dans les préliminaires de Nikolsbourg le principe de la rétrocession au Danemark des districts du Sleswig septentrional. D'autre part, en acceptant en principe une nouvelle organisation de l'Allemagne du Nord sous l'influence directe de la Prusse, nous avions réservé pour les États du Sud le droit absolu de former entre eux une union dont les liens nationaux avec la Confé

dération prussienne seraient librement réglés par une entente

commune.

Nous devions enfin nous attendre à ce que le Cabinet de Berlin

ne profiterait pas de cette situation nouvelle pour chercher à étendre son influence en dehors des limites du territoire allemand, au détriment de la sécurité de nos frontières.

La Prusse, cependant, a différé jusqu'ici de régler la situation du Sleswig septentrional, et elle a fait dans les districts désignés par les préliminaires de Nikolsbourg et le traité de Prague une série d'actes de souveraineté qui témoignent de dispositions peu favorables à un arrangement satisfaisant.

Les rapports de la Cour de Berlin avec l'Allemagne du Sud prennent d'autre part un caractère peu conforme également aux prévisions des traités. Je n'ai pas besoin de rappeler les engagements dont le Gouvernement prussien lui-même a récemment dénoncé l'existence (1), ni de signaler les efforts qui se font ouvertement pour préparer l'incorporation successive des États du Sud de l'Allemagne à la Confédération du Nord.

Enfin, les tendances de la politique prussienne à l'égard des pays voisins se sont manifestées par l'attitude du Cabinet de Berlin dans l'affaire du Luxembourg, et, si elles ne devaient pas se modifier, nous y verrions un grave sujet d'inquiétude pour les intérêts généraux de l'Europe aussi bien que pour les nôtres.

Plus engagée par les actes qu'elle a signés et plus intéressée encore que nous, en raison de ses possessions allemandes, l'Autriche a suivi certainement avec une attention soutenue le développement progressif de la situation que j'indique. Nous avons cependant évité jusqu'ici de nous en expliquer avec elle, dans la crainte de gêner sa politique; mais, la Prusse paraissant vouloir mettre à profit l'agitation qu'elle a elle-même provoquée pour avancer la réalisation de ses plans en Allemagne, nous avons pensé qu'il pouvait y avoir utilité pour les deux Gouvernements à se communiquer leurs vues, et j'ai fait part de nos impressions à M. le Prince de Metternich, dans un entretien récent. M. l'Ambassadeur d'Autriche m'a répondu que le Cabinet de Vienne appréciait comme nous la situation présente, et que lui-même était autorisé à me faire connaître le désir de sa Cour d'entrer à cet égard en communication avec nous. Vous pourrez donc, Monsieur le Duc, à votre retour à Vienne, vous en ouvrir avec

(1) Cf. Lefebvre de Béhaine, télégramme, 19 mars.

M. le Baron de Beust, et je vous charge de lui dire que nous avons accueilli avec beaucoup de satisfaction les assurances que M. de Metternich m'a données à ce sujet. L'Autriche est parfaitement renseignée sur l'état des esprits en Allemagne. Elle a dû déjà s'interroger elle-même et se former d'avance une opinion sur ce que comporteraient les convenances de sa politique, dans le cas où la Prusse chercherait à s'affranchir complètement des stipulations de Prague et se mettrait en opposition avec des droits certains et des intérêts légitimes. Nous serions heureux de connaître la manière de voir de M. de Beust, et nous sommes ainsi que lui disposés à échanger nos idées avec une entière confiance.

4768. BENEDETTI, AMBASSADEUR À BERLIN, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Télégr. Déchiffrement. Mémoires et documents, Hollande, 150(1).)

Berlin, 21 avril 1867, 5h 55 soir.
(Reçu à 6 45 soir.)

Lord Loftus a reçu ses instructions (2); il attend, pour s'y conformer, le retour du Comte de Bismarck qui arrive après-demain (3). Mon Collègue avait eu un moment la pensée de demander une audience au Roi, et a consulté son Gouvernement, qui l'y avait autorisé; mais, toute réflexion faite, il a jugé qu'une pareille démarche pouvait avoir de fâcheux inconvénients en l'absence du Président du Conseil. Toutefois il a donné connaissance de ses dépêches à M. de Thile, qui a dû en communiquer hier soir la substance au Roi. Le Sous-Secrétaire d'Etat a paru surpris, et ne pas dissimulé à Lord Loftus, en apprenant que le Comte de Bernstorff tenait à Londres un langage excluant toute transaction. Lord Loftus est d'avis que le Roi et le Comte de Bismarck désirent sincèrement éviter la guerre.

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(1) Un duplicata du déchiffrement a été inséré dans Prusse, 363.

(2) Cf. Moustier à Benedetti et à La Tour d'Auvergne, télégramme, 21 avril. (3) Cette première phrase a été publiée dans les Doc. diplom., 1867, Affaire du Luxembourg, p. 42, et dans les Arch. diplom., 1867, t. II, p. 838.

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4769. LE BARON D'AVRIL, AGENT ET CONSUL GÉNÉRAL À BUGAREST, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Turquie, Bucarest, 29, n° 136.)

[Nouvelles diverses. ]

Bucarest, 21 avril 1867. (Cabinet, 30 avril; Dir. pol., 1o mai.)

Je ne crois pas que le Prince de Roumanie soit rassuré complètement sur les intentions du Cabinet de Pétersbourg. CepenIdant les relations entre les deux Gouvernements et entre leurs Agents se sont améliorées. Je fais mon possible pour favoriser l'entretien de ces bons rapports.

Pendant que le Prince Jon Ghika était aux affaires (1), ses ennemis l'accusaient de pousser le Prince à des aventures en Bulgarie. Aujourd'hui, les derniers Ministres accusent les Ministres actuels, de travailler au soulèvement de la même province, et ils disent qu'ils se sont retirés pour ne pas entrer dans cette voie. Suivant eux, il aurait été entendu entre la Russie et la Prusse que la position du Prince Charles serait respectée en cas de guerre européenne, mais à la condition que Son Altesse travaillerait à soulever la Bulgarie. Le Prince et ses Ministres actuels déclarent, au contraire, qu'ils sont complètement étrangers à toute menée ayant trait à la Bulgarie, et que leur intérêt est de favoriser le maintien de la tranquillité autour d'eux. C'est aussi ce que je leur conseille de toutes mes forces.

[Nouvelles diverses.]

4770. LE BARON DE MALARET. MINISTRE À FLORENCE, AU MARQUIS DE MOUSTIER. (Orig. Italie, 367, n° 47.)

Florence, 21 avril 1867. (Cabinet, 25 avril; Dir. pol., 25 avril.)

[Le Baron de Malaret signale des irrégularités dans la transmission des dépêches. La dépêche du Marquis de Moustier no 49,

(1) Le ministère Ghika, formé le 18 juillet 1866, avait démissionné le 7 mars 1867. Il avait été remplacé par un ministère Cretzoulescou, qui fut constitué le 13 mars.

du 17 avril, qui lui est bien parvenue, lui permettra d'ailleurs de régler son attitude relativement à la question du Luxembourg.] Jusqu'à présent je me suis maintenu à cet égard dans la plus grande réserve, me bornant à affirmer en thèse générale notre désir sincère de concilier la conservation de la paix européenne avec les exigences de notre sécurité et de notre dignité nationales. J'ai pu constater, chez les membres du Gouvernement du Roi aussi bien que dans le monde politique, une sympathie pour la France que je crois réelle, mais qui est visiblement contenue par le désir de ne point se compromettre outre mesure. Tout en reconnaissant la modération et la justice de nos prétentions, tout en blamant l'ambition excessive de la Prusse, on répète volontiers que, dans le cas où les complications actuelles aboutiraient à un conflit armé entre l'Allemagne et la France, les intérêts de l'Italie ne se trouveraient pas directement menacés, et il n'est pas besoin d'une grande clairvoyance pour comprendre que, en cas de guerre, le Gouvernement italien, livré à ses propres inspirations, ne songerait pas à nous témoigner autrement que par des vœux les sympathies dont je parlais tout à l'heure.

Quant au concours diplomatique auquel Votre Excellence fait allusion dans sa dernière dépêche, le Gouvernement du Roi est, je crois, très disposé à nous le donner dans la mesure et dans la forme que nous jugerons les meilleures. M. Nigra a été chargé de s'enquérir des conditions auxquelles une transaction nous paraîtrait possible, et, hier encore, on attendait sa réponse pour agir Berlin dans le sens qu'il aurait indiqué. Je n'ai pu voir aujourd'hui M. Rattazzi, mais je le verrai demain, et j'espère être en mesure de vous faire connaître la nature des démarches que le Cabinet de Florence croira devoir tenter auprès du Gouvernement prussien afin de contribuer, dans la mesure de son influence, que malheureusement je ne crois pas très grande, à conjurer les dangers de la situation.

[La fin de la dépêche est relative aux déplacements et aux intentions de Garibaldi.]

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