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arrêtée en votre mal, d'autant que la longueur du temps accroît pour l'ordinaire de beaucoup le péché, y ayant bien de la différence entre une vanité passagère, qui se sera écoulée en notre esprit l'espace d'un quart-d'heure, et celle en laquelle notre cœur aura trempé un jour, deux jours, trois jours il faut donc dire le fait, le motif et la durée de nos péchés ; car encore que communément on ne soit pas obligé d'être si pontilleux en la déclaration des péchés véniels, et que même on ne soit pas tenu absolument de les confesser, si est-ce que ceux qui veulent bien épurer leurs ames pour mieux atteindre à la sainte dévotion, doivent être soigneux de bien faire connoître au médecin spirituel le mal, pour petit qu'il soit, duquel ils veulent être guéris.

N'épargnez point de dire ce qui est requis, pour bien faire entendre la qualité de votre offense, comme le sujet que vous avez eu de vous mettre en colère, ou de supporter quelqu'un en son vice. Par exemple, un homme lequel me déplaît, me dira quelque légère parole pour rire; je la prendrai en mauvaise part, et me mettrai en colère. Que si un autre qui m'eût été agréable en eût dit une plus âpre, je l'eusse prise en bonne part; je n'épargnerai donc point de dire: je me suis relâchée à dire des paroles de courroux contre

une personne, ayant pris de lui en mauvaise part quelque chose qu'il m'a dit, non point pour la qualité des paroles, mais parce que celui-là m'étoit désagréable; et s'il est encore besoin de particulariser les paroles pour vous bien déclarer, je pense qu'il seroit bon de les dire; car s'accusant ainsi naïvement, on ne découvre pas seulement les péchés qu'on a faits, mais aussi les mauvaises inclinations, coutumes, habitudes, et autres racines du péché, au moyen de quoi le père spirituel prend une plus entière connoissance du cœur qu'il traite, et des remèdes qui lui sont propres. Il faut néanmoins toujours tenir couvert le tiers qui aura coopéré à votre péché, tant qu'il sera possible.

VI,

Prenez garde à une quantité de péchés qui vivent et règnent bien souvent insensiblement dedans la conscience, afin que vous les confessiez, et que vous puissiez vous en purger; et à cet effet, lisez diligemment les chapitres XXVII, XXVIII, XXIX, XXXV et xxxvI de la troisième partie, et le chapitre VIII de la quatrième partie. Ne changez pas aisément de confesseur; mais en ayant choisi un, continuez à lui rendre compte de votre conscience aux jours qui sont destinés pour cela, lui disant naïvement et franchement les péchés que vous aurez commis, et de temps en temps,

comme seroit de mois en mois, ou de deux mois en deux, dites-lui encore l'état de vos inclinations, quoique par icelles vous n'ayez pas péché, comme si vous étiez tourmentée de la tristesse, du chagrin, ou si vous êtes portée à la joie, aux dcsirs d'acquérir des biens et semblables inclinations.

CHAPITRE XX.

De la fréquente Communion.

ON dit que Mithridates, roi de Pont, ayant inventé le mithridat, renforça tellement son corps par icelui, que s'essayant par après de s'empoisonner, pour éviter la servitude des Romains, jamais il ne lui fut possible. Le Sauveur a institué ce sacrement très - auguste de l'Eucharistie, qui contient réellement sa chair et son sang, afin que qui le mange, vive éternellement. C'est pourquoi quiconque en use souvent avec dévotion, affermit tellement la santé et la vie de son ame, qu'il est presque impossible qu'il soit empoisonné d'aucune sorte de mauvaise affection: on ne peut être nourri de cette chair de vie, et vivre des affections de mort; si que comme les hommes demeurans au paradis terrestre pouvoient ne mourir point selon le corps, par la force de ce

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fruit vital que Dieu y avoit mis ainsi peuvent-ils ne point mourir spirituellement par la vertu de ce sacrement de vie. Que si les fruits les plus tendres et sujets à corruption, comme sont les cerises, les abricots et les fraises se conservent aisément toute l'année, étant confits au sucre ou au miel : ce n'est pas merveille si nos cœurs, quoique frêles et imbéciles, sont préservés de la corruption du péché, lorsqu'ils sont sucrés et emmiellés de la chair et du sang incorruptible du Fils de Dieu. O Philothée ! les chrétiens qui seront damnés, demeureront sans réplique, lorsque le juste juge leur fera voir le tort qu'ils ont eu de mourir spirituellement, puisqu'il leur étoit si aisé de se maintenir en vie et en santé par la manducation de son corps qu'il leur avoit laissé à cette intention. Misérables! dira-t-il, pourquoi êtes-vous morts, ayant à commandement le fruit et la viande de la vie?

De recevoir la communion de l'Eucharistie tous les jours, ni je ne le loue, ni je ne le vitupère; mais de communier tous les jours de dimanche, je le persuade, et en exhorte un chacun, pourvu que l'esprit soit sans aucune affection de pécher. Ce sont les propres paroles de S. Augustin, avec lequel je ne vitupère ni loue absolument que l'on communie tous les jours; mais je laisse cela à la discrétion du

père spirituel de celui qui se voudra résoudre sur ce point; car la disposition requise pour une si fréquente communion devant être fort exquise, il n'est pas bon de la conseiller généralement. Et parce que cette disposition -là, quoiqu'exquise, se peut trouver en plusieurs bonnes ames, il n'est pas bon non plus d'en divertir et dissuader généralement un chacun; ains cela se doit traiter par la considération de l'état intérieur d'un chacun en particulier : ce seroit imprudence de conseiller indistinctement à tous cet usage si fréquent; mais ce seroit aussi imprudence de blâmer aucun pour icelui, et sur-tout quand il suivroit l'avis de quelque digne directeur. La réponse de sainte Catherine de Sienne fut gracieuse, quand lui étant opposé à raison de sa fréquente communion, que S. Augustin ne louoit ni ne vitupéroit de communier tous les jours: Eh bien, dit-elle, puisque S. Augustin ne le vitupère pas, je vous prie que vous ne le vitupériez pas non plus, et je me contenterai.

Mais, Philothée, vous voyez que S. Augustin exhorte et conseille bien fort que l'on communie tous les dimanches; faites-le donc tant qu'il sera possible. Puisque, comme je présuppose, vous n'avez nulle sorte d'affection au péché mortel, ni aucune affection du péché véniel, vous êtes en la vraie disposition

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